Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 7 mai 2014 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Monsieur le directeur général, nous vous remercions de vous être rendu disponible pour nous présenter les dernières évolutions de la situation en Ukraine.

Trois questions d'actualité pour commencer. D'abord, celle de l'usage de la force, qui se répand et fait de plus en plus de morts : toutes les barrières qui limitaient jusqu'à présent la violence ont-elle sauté ? Doit-on parler de guerre civile ?

Ensuite, la question des référendums d'autodétermination annoncés pour le 11 mai dans les villes de l'est. Une dépêche de l'AFP vient d'annoncer que Vladimir Poutine demandait le report de ces référendums, information sur laquelle nous attendons votre analyse. S'ils devaient néanmoins avoir lieu, seraient-ils assez crédibles pour permettre aux partisans de la Russie de les exploiter à leur avantage ?

Il y a enfin la question de l'élection présidentielle du 25 mai. Pourra-t-elle avoir lieu, du moins sur une partie du territoire ukrainien assez vaste ? Quels seront les moyens déployés pour en assurer la sécurité, y compris celle des nombreux observateurs.

J'en viens aux questions de fond. Une première série porte sur l'attitude de la Russie. Jusqu'à quel point et de quelle manière le gouvernement russe est-il impliqué dans le déroulement actuel des événements ? A-t-il les moyens de manipuler l'essentiel des groupes pro-russes qui prennent le contrôle de certaines villes ukrainiennes de l'est et du sud, ou est-il emporté par le mouvement ? Quels sont ses objectifs tactiques – qui semblent moins évidents que dans le cas de la Crimée ? S'agit-il seulement d'empêcher ou de décrédibiliser l'élection présidentielle ? Peut-on craindre une répétition du scénario de la Transnistrie, avec la création d'une ou plusieurs régions sécessionnistes coupées de l'Ukraine et portées à bout de bras par la Russie ? Au-delà des objectifs tactiques, la Russie poursuit-elle dans cette affaire des objectifs géopolitiques clairs ?

Une seconde série de questions porte sur ce que peuvent faire de plus – ou de mieux – l'Europe et la France. À court terme, c'est bien sûr la question des sanctions, que vous évoquerez certainement. Nous en sommes actuellement à la « phase 2 » de ces sanctions ; les listes européennes, différentes des listes américaines, ont été élargies mais, au cas où l'élection présidentielle ne pourrait se tenir, il est question de passer à la « phase 3 », ce qui risquerait de mettre à mal l'unité européenne.

Au-delà de cette crise, ne faut-il pas engager une réflexion sur la politique de voisinage de l'Union, en particulier sur le Partenariat oriental ? La manière dont elle a été conduite jusqu'à présent me semble avoir une part de responsabilité dans la situation actuelle – ce qui n'excuse pas l'attitude russe en Crimée et dans l'est de l'Ukraine. Cette politique, menée de manière trop technocratique, a conduit à proposer à peu près la même chose, à savoir notamment des accords de libre-échange approfondi, à tous les pays concernés, sans prendre en compte leurs intérêts propres et ceux des autres puissances régionales. Or, ce type d'accord n'est pas seulement problématique pour la Russie, il l'est aussi pour l'Ukraine. D'ailleurs, la signature du volet économique de l'accord d'association a été renvoyée à plus tard par le nouveau gouvernement ukrainien, qui n'a signé que son volet politique. Voilà qui doit nous amener à réfléchir à l'avenir de notre politique de voisinage et, plus généralement, à celui de la politique étrangère et de sécurité commune.

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