On n'imagine pas à quel point notre système ferroviaire se trouve au bord de l'affaissement. RFF a été conçu comme une société de cantonnement de la dette et comme le moyen de nous mettre en règle de façon purement optique vis-à-vis de l'Union européenne. Toutes les autres missions ont été subdéléguées à la SNCF, celle-ci facturant à RFF les coûts engendrés par l'entretien et la maintenance de l'infrastructure selon une méthode de calcul opaque. D'autre part, la direction des circulations ferroviaires, toujours intégrée à la SNCF, attribue les sillons. Le projet de loi vise à mettre de l'ordre dans cette organisation et répond davantage aux exigences du droit de l'Union que le dispositif allemand, cette eurocompatibilité pouvant encore être renforcée par le vote des amendements confortant l'ARAF et cloisonnant davantage au sein du groupe SNCF Réseau. De fait, le Parlement européen, dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire, a adopté en première lecture un système identique à celui qui est proposé dans le présent texte.
En revanche, comme l'a relevé M. le rapporteur pour avis, cette réforme ne règle pas la question financière ; la dette de RFF s'élève aujourd'hui à 33 milliards d'euros et si rien n'est fait, compte tenu des engagements actuels – qui ne permettront d'ailleurs de mettre un terme au vieillissement du réseau classique qu'en 2018 –, elle atteindra 60 milliards d'euros en 2025, la charge annuelle d'intérêts passant de 1,4 milliard à 3 milliards. Il était donc urgent d'agir.
La SNCF s'est pour sa part endettée de 7 milliards en raison des pertes qu'elle a enregistrées sur le fret, pourtant subventionné à hauteur de 150 millions d'euros cette année après l'avoir été à hauteur de 500 millions d'euros par an au cours de la dernière décennie. Fret SNCF se trouve ainsi menacé de la même procédure pour aides d'État illicites que la SNCM. Pourtant, malgré quatre plans en faveur du fret depuis dix ans, le trafic de marchandises ne cesse de diminuer.
Mesdames et messieurs les députés, vous connaissez les conditions de transport en Île-de-France, là où le plus de gens utilisent le rail, ainsi que l'état des réseaux classiques où l'on ne sait plus arbitrer entre les différents trafics – on ne sait ainsi plus faire passer à la fois du fret, des trains de transport express régional – TER–, des trains de grandes lignes et des trains d'équilibre du territoire – TET. Vous savez quelle est la difficulté de remettre en place les trains de grande ligne TET et à quel point l'intermodalité du système ferroviaire français reste faible – les trafics terrestres du port du Havre ne sont ainsi assurés qu'à 5 % par le train. Nous devons donc engager une réforme courageuse pour sauver le transport ferroviaire, et ce au moment même où il affronte de nouveaux concurrents : le covoiturage, qui se développe, mais également le transport par autocars, auquel les régions se rallient de plus en plus dans la mesure où le taux de remplissage des TER n'atteint que 25 % cependant que le voyageur n'acquitte que 28 % du prix du billet, et les lignes aériennes à bas coût – le prix au kilomètre parcouru d'un siège sur un vol intra-européen low cost est de 6 euros, montant qui, pour les lignes à grande vitesse, ne suffit à couvrir que le coût de l'infrastructure, et donc pas celui du matériel roulant et de l'exploitation. Le trafic TGV, en baisse continue, fait en conséquence plonger le transport ferroviaire dans de nouvelles difficultés.
Il faut certes cantonner la dette, mais il y a surtout lieu d'élaborer un cadre prudentiel qui empêche les responsables politiques de noyer le système ferroviaire sous la dette, à force de promesses.