La CNSA suit ce projet : l'observatoire des décisions fait partie des quatre projets qu'elle devait conduire. Le groupe chargé de le suivre, dont je fais partie, s'est déjà réuni à plusieurs reprises ; des rapports ont déjà été rédigés sur la problématique du suivi des décisions.
En fait, le projet a démarré tard. C'est bien, car cela a suscité le démarrage d'initiatives locales, à défaut de prise de conscience nationale, et cela s'est fait avec le pragmatisme du terrain. Une dizaine d'outils de suivi des décisions ont donc été développés au niveau local. Ils sont plus ou moins performants, et leurs choix d'utilisation comme leurs origines – outils d'associations, logiciels libres, outils du type ViaTrajectoire, outils couplés avec les logiciels du conseil général – sont variés. La vraie difficulté de ces outils rappelle celle qui a affecté le SipaPH. En résumé, l'échec du SipaPH est un échec de départ. Le problème n'est pas de remonter des données, mais de savoir ce qu'est une donnée et qui la renseigne. Avons-nous la possibilité, dans le modèle économique actuel, de transformer une partie de nos équipes professionnelles en statisticiens pour remonter des données qui ne sont pas exploitées fonctionnellement au quotidien dans l'intérêt de la tâche qui nous est confiée ? C'est un peu comme si l'on avait commencé par construire des autoroutes avant les routes secondaires. On a voulu automatiser les traitements, définir des dictionnaires de données. Il fallait bien sûr le faire ; mais on a voulu démarrer par là. Or, sur le terrain, on ne peut se permettre de passer vingt minutes à renseigner un dossier quand il faut déjà trois mois pour l'instruire. Il y a donc eu beaucoup d'échecs à tous les niveaux. Pour ma part, j'associe l'échec du SipaPH à celui du dossier médical personnel (DMP). Dès le début des MDPH, nous avons vécu deux échecs – qui n'ont il est vrai pas fait l'objet de publicité. Je pense au formulaire dématérialisé, « outil miracle » que la direction générale de la modernisation de l'État (DGME) de Bercy pensait finaliser en six mois. Or il lui manquait deux éléments très importants : la certitude de la personne qui fait la demande, qui aurait pu être acquise par l'utilisation du numéro d'inscription au répertoire (NIR) et d'un outil informatique performant, et le certificat médical et les données médicales.
La loi nous interdit aujourd'hui de demander d'autres informations, suite au dépôt d'une demande, que celles que nous pourrions obtenir auprès de l'un de nos partenaires. Or, la MDPH étant un GIP, nous avons de multiples partenaires. Dans une interprétation stricte des textes, nous ne serions ainsi autorisés à demander à ceux qui viennent nous voir que leur nom et leur numéro de sécurité sociale ! On parle de pénurie de médecins, mais si nous pouvions accéder directement aux données des usagers par voie informatique au lieu de les renvoyer chez le médecin pour obtenir un certificat ou subir un examen complémentaire qu'ils ont déjà subi deux mois auparavant, cela nous aiderait grandement.
Cette difficulté a conduit au développement de solutions de contournement sur le terrain. Nous nous heurterons à la même difficulté avec l'outil de suivi des décisions. Il s'agit de trouver un outil qui puisse être « vendu » aux établissements. Dans le Finistère, nous avons mis en place cet outil de suivi des décisions en établissement, DELOS, avec une gestion mutualisée. Cela nous a permis d'accéder à des informations très intéressantes. Nous nous sommes ainsi aperçus qu'une personne qui faisait cinq demandes était comptabilisée cinq fois sur les listes d'attente, ou que sur certains types de demandes, plus de 20 % des personnes ayant un droit ne le mettaient jamais en oeuvre, car elles faisaient la demande par précaution.
L'essentiel du travail a néanmoins été l'accompagnement sur le terrain. Pour la petite histoire, l'ARS a décidé de mettre en place un outil régional et nous a demandé de tout reprendre à zéro au moment même où nous commencions à mettre le nôtre en oeuvre ! D'où la question que nous avons posée : pourquoi les ARS n'utiliseraient-elles pas toutes le même outil ? Nous en revenons à la problématique du système d'information : si nous voulons un système d'information unique, réfléchissons quand même à deux grands projets récents, censés tout régler, qui ont tourné à la catastrophe financière alors qu'ils étaient suivis par les meilleurs spécialistes de l'État. On nous demande de mettre tant de choses dans nos outils informatiques, de les partager avec tant de monde et d'y stocker tant de données que je ne crois pas qu'il soit possible de gérer tout cela à l'échelle nationale. En revanche, il faut que les outils fonctionnent et communiquent entre eux, à travers les web services. La CNSA a pris le projet en main ; il est près d'aboutir, notamment avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). S'il arrive à son terme, nous devrions pouvoir disposer demain de tous les éléments liés à la connaissance de la situation d'une personne faisant une demande dans une MDPH à travers l'outil de la CAF. Cela bénéficiera à l'usager et nous permettra d'améliorer notre réactivité sur les ruptures de droits, ainsi que la lutte contre la fraude, sachant qu'aujourd'hui, nous n'avons pas les moyens techniques de savoir si une personne qui fait une demande de PCH a formulé la même demande dans un autre département.