Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 27 mai 2014 à 21h30
Débat sur la réforme territoriale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

En tout cas, il est nécessaire d’être économe de l’argent public dans cette période marquée par un fort déficit public. Comme je l’ai suggéré avec d’autres au chef de l’État le 15 mai dernier, il paraît préférable de recourir à deux projets de loi successifs : le premier portant sur les régions, thème assez consensuel ne présentant guère de difficultés juridiques ; le second, dans un deuxième temps, relatif au reste de la réforme territoriale, notamment à l’organisation des départements.

La réforme territoriale envisagée vise à diminuer de moitié le nombre des régions métropolitaines, qui passerait de vingt-deux à onze ou douze. Toutefois, mieux vaudrait sans doute quinze régions, comme le préconisait le rapport Balladur, car des régions très vastes supprimeraient la proximité qui doit exister entre les instances et les habitants de ces collectivités.

Je ferai deux observations sur la réforme des régions.

D’abord, le Gouvernement ne peut faire table rase du passé. Il y a une histoire commune ou il n’y en a pas, il y a une culture commune ou il n’y en a pas, il y a une géographie de proximité ou il n’y en a pas. On ne peut juger à la place des instances élues et des habitants vivant sur place du dessin qu’il convient de donner à l’architecture régionale nouvelle. On risque sinon d’aboutir à des découpages insolites, voire arbitraires.

Ensuite – et cela est lié –, il faut évidemment privilégier le caractère volontaire de ces regroupements de régions. Ainsi, les régions Poitou-Charentes et Pays de la Loire ont décidé de leur propre initiative de se regrouper. Dans la législation actuelle, c’est-à-dire aux termes de l’article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales, le regroupement se fonde sur la demande des régions et sur la consultation des électeurs. Aujourd’hui, le regroupement des régions est donc une démarche volontaire, qui repose sur leur initiative et sur le consentement des électeurs. Elle se fonde sur le libre-arbitre, sur la libre détermination.

Or, il n’en va pas de même dans l’avant-projet de loi « clarifiant l’organisation territoriale de la République » qui, à son article 11, modifie l’article précité. D’une part, l’obligation de consultation des électeurs est remplacée par une simple faculté. D’autre part, « le Gouvernement peut donner suite à un projet de regroupement proposé » par les conseils régionaux mais il peut aussi ne pas le faire et établir son propre projet, qui sera alors adopté par voie législative. Avec cet avant-projet de loi, l’État pourrait donc se passer du consentement des régions et des habitants concernés pour décider seul, par lui-même, de l’avenir des régions. Il pourrait agir à son gré, à sa guise en disposant d’un pouvoir quasi discrétionnaire. Bref, théoriquement, l’on pourrait pratiquer des mariages forcés entre régions sans avoir à poser la question nuptiale traditionnelle : « Consentez-vous à … ? ».

Certes, il faut admettre que l’État ait la capacité d’inciter fortement les régions qui resteraient passives à se regrouper mais il faut aussi faire en sorte que la plupart des regroupements soient volontaires et non pas contraints. La carte des régions ne peut pas être une carte forcée.

Par ailleurs, la réforme porte aussi sur les départements, l’exécutif projetant de les conserver, mais en supprimant les conseils généraux. Analyse curieuse et nouvelle. Le conseil général de l’Isère est présidé depuis 2001 par l’actuel secrétaire d’État à la réforme territoriale.

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