Intervention de Marc Dolez

Séance en hémicycle du 27 mai 2014 à 21h30
Débat sur la réforme territoriale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je veux d’abord remercier le groupe UDI pour avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour, débat qui intervient utilement après les déclarations récentes du Président de la République et du Premier ministre, mais qui intervient avant que nous connaissions les arbitrages qui seront rendus et les termes du projet de loi annoncé pour le Conseil des ministres de la semaine prochaine.

Pour les députés du Front de gauche, comme ses porte-parole l’ont indiqué très clairement au Président de la République lors de ses récentes consultations, il n’y a pas de changement possible de nos institutions démocratiques sans démocratie, sans consultation des Français. Toute réforme d’ampleur doit être soumise à la ratification populaire par référendum. Les modifications intervenues depuis deux ans – loi sur les métropoles, changement du mode de scrutin des élections départementales, redécoupage cantonal, baisse des dotations – vont à l’encontre de ce processus démocratique, tout comme d’ailleurs les annonces récentes, plus graves encore, faites par le Président de la République et le Premier ministre, dont certaines, comme la suppression des départements ou de la clause de compétence générale, vont à l’encontre des mesures qui sont intervenues depuis deux ans. En réalité, toutes ces mesures et annonces sont guidées par les exigences d’austérité, de baisse des dépenses publiques, de compétitivité et de mise en concurrence des territoires. Nous récusons ces objectifs et ces réformes menées à la hussarde.

Pour notre part, nous demandons un changement de méthode, d’objectifs et d’ambition pour conjuguer renouveau démocratique et relance de politiques publiques plus justes et plus efficaces. Dans cette perspective, je vous décris rapidement les principaux axes qui devraient caractériser la réforme territoriale dont le pays a besoin et que nous appelons de nos voeux, en espérant, sans nous faire d’illusions inutiles, que ces propositions puissent inspirer le Gouvernement.

Il convient tout d’abord de rappeler avec force que les communes sont le centre de la vie démocratique nationale. Elles doivent être confortées et leurs moyens renforcés. La proximité de leur action publique est vitale pour la République. Les partages et les réorganisations de compétences nécessaires doivent préserver ce poumon démocratique, leurs associations doivent privilégier la dimension de coopératives de communes. À tous les niveaux de la République, la participation et l’intervention citoyennes doivent être renforcées. Face à la crise de la démocratie représentative, la souveraineté du peuple doit connaître un nouveau processus de développement qui passe par un débat public exigeant, permettant la validation des grands choix par la population.

Nous plaidons aussi pour une architecture institutionnelle qui garantisse l’égalité sur tout le territoire et favorise le partage et la coopération, et non pour des institutions à la carte. Le maintien des trois niveaux de collectivités actuels – commune, département, région – est nécessaire au maintien d’une couverture harmonieuse et égalitaire de l’action publique sur le territoire. Ces collectivités doivent disposer d’assemblées élues à la proportionnelle, être dotées de ressources fiscales propres et assurées de la clause de compétence générale.

La suppression des départements, accompagnée de l’agrandissement des régions, laisserait un vide béant sans niveau intermédiaire. Les métropoles, qui continuent d’être largement contestées sur le terrain et dont l’inefficacité est latente, ne peuvent combler ce vide sur l’essentiel du territoire. Quant au maintien des départements sans conseils généraux directement élus, ce serait un grave recul démocratique.

Nous n’opposons pas ce maintien au développement de l’intercommunalité sur une base coopérative et volontaire, organisée autour de compétences partagées et dotée des ressources propres. Si nous sommes également favorables à une concertation approfondie sur de nouvelles répartitions de compétences, nous jugeons dans le même temps indispensable que toute modification de périmètre des départements et des régions soit soumise à la consultation des populations concernées.

À tous les niveaux, nous voulons promouvoir la coopération plutôt que la concurrence. La coopération se choisit, se construit, se façonne dans des projets. C’est un tout autre mouvement que le modèle institutionnel pyramidal imposé par la loi sur les métropoles car c’est bien dans ce bouillonnement et cette ouverture que se renforcera le débat public, que les populations seront réellement parties prenantes et actrices de leurs territoires et de leurs vies.

Évidemment, promettre l’efficacité sans se donner les recettes nécessaires, c’est se condamner à l’échec. C’est pourquoi le programme d’austérité draconien prévu pour les collectivités territoriales doit être annulé et les dotations nécessaires pour répondre aux besoins rétablies et revalorisées. L’investissement public local, faut-il le rappeler ici, est un moteur essentiel de la croissance. Or l’Association des maires de France a évalué à 30 % la diminution des dotations pour la période 2013-2017, avec les graves conséquences que l’on imagine sur l’investissement public, sur l’emploi et sur les services publics.

Nous voulons également une réforme de la fiscalité intégrant une nouvelle fiscalité locale plus juste, taxant les revenus fonciers spéculatifs, garantissant une péréquation verticale et horizontale permettant de faire reculer les inégalités, incluant la reconstruction d’une fiscalité territoriale des entreprises et des revenus financiers.

La seule véritable efficacité réside dans des mouvements choisis et décidés par le plus grand nombre et non par quelques-uns. C’est pourquoi nous plaidons aussi pour des institutions qui représentent mieux le peuple, avec des assemblées à parité, en limitant le cumul et en favorisant le renouvellement des mandats. Nous proposons ainsi de créer un véritable statut de l’élu pour permettre une plus grande rotation, une plus grande possibilité de donner de son temps au service du bien commun, un élargissement de celles et de ceux qui sont dans l’action citoyenne. C’est une chance et un atout essentiel pour la République que de pouvoir s’appuyer sur ce formidable réseau des élus locaux, dont 95 % sont des bénévoles engagés au service de l’intérêt général et de la vie démocratique. Enfin, pour garantir une juste représentativité, tous les modes de scrutin devraient être revus pour généraliser au maximum la représentation proportionnelle.

Pour conclure, je voudrais dire avec une certaine gravité que, sous réserve de leur écriture définitive, les réformes annoncées ne prennent pas la mesure de la crise de la représentation politique que traverse le pays. Les multiples retouches qui ont été apportées depuis plus de vingt ans à la Constitution nécessiteraient désormais une remise à plat. Des réformes majeures, comme celle de la réforme territoriale, ne peuvent plus être adoptées sans que le peuple en soit saisi.

La crise démocratique appelle de nouveaux éléments fondateurs pour notre République et, en conséquence, l’écriture d’une Constitution nouvelle. C’est dans cet esprit et dans cette perspective que nous demandons la mise en place d’un processus constituant, associant les parlementaires bien sûr, mais aussi les élus locaux, les citoyens organisés à travers les syndicats, associations et partis, ainsi que les citoyens inorganisés, ce processus étant conclu par un référendum soumettant au peuple le projet ainsi élaboré. Pour les députés du Front de gauche, l’avenir même de la République exige aujourd’hui d’engager ce nouvel élan démocratique.

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