Quoi qu’il en soit, je trouve que certains discours, qui opposent les métropoles et la ruralité, posent problème. Il faut faire attention à cette manière de parler de la ruralité. Tous les territoires ont un rôle à jouer dans le redressement de la France. J’ai souvent dit que tous, quels qu’ils soient, sont des facteurs de production : l’indépendance alimentaire, par exemple, est à ce prix. On a parfois tendance à se reposer sur de vieux réflexes, au lieu de parler politique et de suivre la voie de la raison : nous devons tous renoncer à ces attitudes, à ces prises de position irréfléchies qui peuvent parfois déboucher sur des scrutins comme celui de dimanche dernier.
Je crois que le point de vue exposé par Jean-Yves Le Bouillonnec mérite d’être repris. C’est pourquoi je prolonge, ce soir, l’intervention d’André Vallini. Il est vrai que dans la métropole parisienne, l’hyper-richesse et l’hyper-pauvreté forment un contraste terrible. C’est parce que nous avons fait ce constat, parce que nous avons observé que l’hyper-richesse côtoie l’hyper-pauvreté dans une région métropolitaine qui représente 31 % du PIB et 35 % des bases de CVAE – madame Pirès-Beaune, vous savez tous ces chiffres par coeur –, que nous avons décidé de faire la métropole du Grand Paris. La solidarité sera la base même de cette métropole capitale.
Jean-Yves Le Bouillonnec a évoqué le fameux article 12 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Il est vrai que la notion de territoire pose problème dans la métropole du Grand Paris. En effet, en de nombreux endroits, des habitudes ont été prises qui favorisent l’entre-soi. Il peut s’agir d’une solidarité choisie par ceux qui détiennent assez de richesses, ou d’une solidarité en quelque sorte forcée. Des établissements publics intercommunaux ont été créés pour accueillir tel ou tel pôle de développement – je pense, par exemple, à la communauté d’agglomération Plaine Commune en Seine-Saint-Denis.
J’ai bien pris note des arguments développés tout à l’heure par Jean-Yves Le Bouillonnec. Autant les arbitrages n’ont pas été rendus sur ce sujet-là, autant je suis d’accord néanmoins avec la nécessité de repenser ces fameux territoires, mais en respectant une ligne rouge : si nous y remettons de la fiscalité, nous ferons exploser le système de développement solidaire de la capitale que nous avons essayé de construire. Il est en revanche possible de parler des ressources à partir des communes ou à partir de la métropole.
Sur cette question, je pense que nous devons travailler avec l’ensemble des parlementaires volontaires, ici comme au Sénat. Je suis d’accord avec l’idée que nous devons permettre une évolution pour aider ceux qui construisent la métropole du Grand Paris. Je réponds donc oui à Jean-Yves Le Bouillonnec : nous pouvons parler à nouveau de l’article 12 de la loi d’affirmation des métropoles, mais sans franchir la ligne rouge de la fiscalité.
J’ajouterai encore un mot à propos de la réforme de l’État. Même si certains d’entre vous les ont défendus plus que d’autres, vous avez tous reconnu que les départements ont du mal à exister dans le système institutionnel français parce que les intercommunalités prennent de plus en plus d’importance. Mais indépendamment du choix que fera le législateur à propos des régions et des départements, l’État doit se poser des questions à propos de son organisation territoriale. Que deviendront les différentes zones thématiques : zones de défense, zones de gendarmerie, zones de ceci, zones de cela comme je l’ai entendu cet après-midi ? Que deviendront les ressorts des cours d’appel ? Le préfet de région pourra-t-il discuter avec le directeur de l’Agence régionale de santé, avec le recteur d’académie ? Faut-il imaginer, comme certains l’ont proposé, une « tour de contrôle unique de l’État » ?
Si l’on veut redonner de la cohérence à l’action de l’État, il faut que ses services arrêtent de fonctionner en silos – on le sait depuis longtemps – et prennent en compte les territoires. À l’heure actuelle, dans les territoires reconnus comme en difficulté, les services de l’État agissent en ordre dispersé : on définit une zone de sécurité prioritaire, suivie ou précédée d’une zone d’éducation prioritaire, elle-même suivie ou précédée d’une zone d’aménagement prioritaire ou d’une zone d’urbanisme prioritaire, etc. On ne peut pas continuer à agir ainsi ! Ne pourrait-on pas mettre en place, dans les territoires connaissant des difficultés – quelle que soit la nature de ces difficultés, qui diffèrent beaucoup d’un territoire à l’autre –, des zones d’action publique prioritaire de l’État afin de leur permettre de s’en sortir ?
À force de définir des priorités les unes après les autres, on manque sans doute de cohérence. Pour gagner en cohérence, l’État doit remettre en question les zonages qu’il définit, ses propres interventions. Ce dossier, la réforme de l’État, doit être abordé dès la fin de cette semaine. Il faut l’examiner de façon cohérente, avec beaucoup de calme, de sérénité et d’apaisement, et pour cela il faut étudier de concert l’organisation territoriale de la République et l’administration territoriale de l’État conduite par le ministre de l’Intérieur. J’ai bien pris note de ce que vous avez dit, les uns et les autres : nous nous engageons à ce que cette réforme des institutions s’accompagne d’une réforme de l’organisation territoriale de l’État. Elle doit être mise en cohérence avec la réforme de l’État tout court.