Intervention de Elisabeth Pochon

Réunion du 27 mai 2014 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElisabeth Pochon :

Nous étudions enfin le projet de loi relatif à la lutte contre la récidive et à l'individualisation des peines. Sur ce sujet, j'appelle nos collègues de l'opposition à faire preuve de modestie et à éviter de nous donner des leçons, tant les mesures adoptées lors de la dernière législature ont donné de faibles résultats. Ces mesures ont affecté le lien social, et nous en payons le prix quotidiennement, en particulier ces temps-ci.

C'est face à ce constat de l'échec de la politique pénale menée ces dernières années et d'une machine judiciaire éreintée par les dispositions successives que nous nous apprêtons à agir.

Le quinquennat précédent s'est caractérisé par une inflation législative, des tensions, une déstabilisation des magistrats et des personnels de justice, sans que cela se traduise par une plus grande efficacité de la lutte contre la récidive ou une réduction du sentiment d'insécurité des Français. Cette approche de la justice n'a fait exacerber les divisions en matière de délinquance et de réponse pénale, au point d'emporter le débat public au-delà de toute rationalité : dans ces conditions, toute volonté de réfléchir autrement à ces questions est assimilée à un insupportable laxisme.

On ne peut continuer à faire croire que la droite prendrait soin des victimes et sanctionne, tandis que la gauche se soucierait d'abord des délinquants en veillant à leur trouver des excuses. Il faut se tenir éloigné de ces clivages dépassés, de ces dogmatismes, de ces jugements à l'emporte-pièce.

Ce qui anime la majorité de gauche autour de ce projet de loi, c'est la recherche d'une plus grande efficacité de la justice pénale et la volonté de dépassionner le débat, afin de réconcilier enfin les Français et la justice. Nous revendiquons cet esprit de responsabilité par égard pour tous les citoyens et au nom d'une société apaisée.

Nous voulons une réponse pénale juste, adaptée, rapide, et des sanctions proportionnées et efficaces. Nous voulons repenser le droit de la peine et l'exécution de celle-ci à partir de la question centrale de la prévention de la récidive, et sortir des injonctions contradictoires qui ont prévalu lors des précédents textes.

Ce projet de loi propose un régime de l'exécution des peines et renforce le suivi et le contrôle des personnes condamnées. La lutte contre la récidive est une priorité car celle-ci est la plaie de la politique pénale. La récidive fait peur, mais il faut que la société accepte le fait que sortir de la délinquance prend du temps et que la prison n'est pas toujours une solution.

La détention est une rupture sociale, familiale et professionnelle. La prison est parfois utile quand elle permet de « marquer le coup », mais suffit rarement. Il convient d'aider le délinquant à prendre une autre trajectoire. Laisser entendre qu'il suffirait de doubler les peines ou de créer des peines plancher pour les récidivistes est une erreur, voire une faute.

Les aménagements de peine ne sont pas des « faveurs » accordées aux détenus. Le faire croire, c'est duper la société, c'est nier l'utilité sociale de ces aménagements, ainsi que leur efficacité dans la lutte contre la récidive. On veut faire croire que le contrôle effectué par le juge et par les services de probation n'aurait pas de caractère contraignant, et que le condamné n'aurait pas à satisfaire à certaines obligations.

Afin de lutter efficacement contre la récidive, nous proposons d'empêcher les sorties de détenus sans préparation et sans suivi – ce que l'on appelle des sorties « sèches » – et de supprimer les mesures automatiques qui empêchent le juge et les conseillers de probation de travailler efficacement.

La sortie de prison des personnes détenues est aujourd'hui mal encadrée, faute d'être préparée suffisamment en amont : 80 % des détenus sortent de prison sans aucune mesure de contrôle ou de suivi. Résultat : 63 % des personnes qui sortent sans aménagement de peine et 39 % de celles qui sortent sous le régime de la libération conditionnelle font par la suite l'objet d'une nouvelle condamnation.

La réforme prévoit donc une procédure spécifique pour mieux encadrer ces sorties. Un dispositif de retour progressif et encadré à la liberté sera mis en place : la libération sous contrainte. Les détenus condamnés à une peine inférieure ou égale à cinq ans feront obligatoirement l'objet, aux deux tiers de la peine, d'un examen de leur situation sur le plan social et criminologique. En fonction du résultat de cet examen, et après avis de la commission d'application des peines, le jugera décidera de la libération sous contrainte ou du maintien en détention.

Ce texte appelle à la mobilisation générale. Il renforce le rôle des services de police et de gendarmerie dans le contrôle des obligations et des interdictions imposées aux personnes condamnées ou sous contrôle judiciaire, en complétant les informations devant figurer dans le fichier des personnes recherchées, et en leur permettant de procéder à des visites domiciliaires et de prendre des mesures de retenue.

Il incite également les services publics et les collectivités locales à participer aux programmes de réinsertion, car les justiciables et les condamnés ne sont pas les administrés du seul ministère de la Justice. La réforme inscrit dans la loi l'engagement des services de l'État et des collectivités territoriales en vue de favoriser l'accès des condamnés aux dispositifs d'insertion de droit commun. Je présenterai un amendement visant à associer également les parlementaires, en prévoyant leur participation aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Il s'agit là d'une véritable réforme de la justice pénale, une réforme efficace qui ne joue ni sur les peurs ni sur la polarisation de la société, une réforme qui exprime notre confiance envers les magistrats et les personnels de la justice, de la police et de l'administration pénitentiaire. Son objectif est clair : huiler le mécanisme judiciaire.

L'efficacité d'une réforme pénale ne doit pas se juger seulement aux effets ponctuels qu'elle peut avoir sur l'opinion publique, mais à sa capacité à durer et à traverser les alternances politiques. Soyez assurés que ce sera le cas de celle-ci, et nous pouvons en être fiers.

Il convient de substituer à la culture de l'enfermement celle du contrôle : voilà l'objet de ce texte équilibré.

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