Ce n'est pas, madame la ministre, en disqualifiant par avance ce que nous aurions à dire, et, monsieur le rapporteur, en réfutant la nature profondément idéologique de ce texte, que vous réussirez à convaincre l'opinion publique !
Au début du mois de juillet 2007, j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur du projet de loi instituant des peines minimales d'emprisonnement en cas de récidive, ce que l'on a appelé le dispositif des « peines plancher ». À l'époque, plusieurs députés, pour certains encore présents, se sont opposés de toutes leurs forces à ce type de peines, au motif qu'elles étaient automatiques et qu'il s'agissait d'une violation fondamentale du principe d'individualisation des peines. Lorsque, quelques mois après, j'ai eu à mener avec Christophe Caresche l'habituel travail de contrôle de la mise en oeuvre de la loi, nous avons abouti au constat inverse : les juridictions où nous nous sommes rendus nous ont déclaré que seulement 50 à 55 % de peines plancher étaient prononcées. On ne pouvait indiquer plus clairement qu'il n'existe pas d'automaticité de la peine ! Le dispositif se mettait alors en place. Depuis lors, nombre de magistrats m'ont fait savoir l'intérêt que ce dispositif présentait à leurs yeux, en dépit de tout ce qu'ils en avaient pensé a priori.
Vous ressortez aujourd'hui les mêmes arguments qu'il y a sept ans, bien qu'ils aient été totalement invalidés entre-temps ! Et vous prétendez, monsieur le rapporteur, ne pas faire oeuvre idéologique ?
Il est vrai que pour justifier la suppression des peines plancher vous utilisez un argument bien paradoxal : vous affirmez qu'il ne sert à rien de les conserver puisqu'elles représentent une part extrêmement faible des peines prononcées et que leur impact est limité du fait qu'elles ne s'appliquent qu'à la récidive légale – sous-entendant que si elles étaient appliquées aux cas de réitération, ce serait plus cohérent. Et bien, nous allons vous aider à être cohérent ! Nos amendements visent à ce que les peines plancher, non seulement ne soient pas supprimées, mais qu'elles soient appliquées aux cas de réitération, et non pas seulement à ceux de récidive légale, qui correspondent à un nombre très faible de situations pénales.
Votre combat, exclusivement idéologique, est un mauvais combat. Je ne suis pas de ceux qui estiment que hors la prison il n'y a point de salut, mais en mettant les grands principes – dont vous n'avez pas le monopole – devant la réalité, vous commettez une bien mauvaise action contre la justice et contre notre pays tout entier. Le mieux serait que vous preniez le temps de réfléchir et que vous retiriez ce texte funeste.