Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 27 mai 2014 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Ce projet de loi marquera négativement la législature, et je veux dire l'inquiétude qu'il m'inspire. « Il repose sur un socle de légitimité fragile », écrivait d'ailleurs l'actuel Premier ministre, alors ministre de l'Intérieur, au président de la République. Il est surtout dangereux, car il implique un véritable désarmement pénal. Certains parlementaires de la majorité ont tenté de supprimer la notion d'autorité parentale lors de la discussion de la proposition de loi qui lui était consacrée ; le vôtre, madame la garde des Sceaux, fragilisera la notion de sanction pénale : malgré son objectif affiché de lutter contre la récidive, il accroîtra très sensiblement la délinquance, j'en fais dès aujourd'hui le pari.

Nous ferons donc tout pour empêcher son adoption ; d'ailleurs, peut-être qu'au fil des navettes parlementaires, le Premier ministre, dans un sursaut de conscience, se souviendra-t-il de la position qu'il exprimait lorsqu'il était ministre de l'Intérieur. Si néanmoins le texte devait être voté, il aurait des conséquences très graves pour notre pays et la sécurité de nos concitoyens. Il repose de surcroît sur une idéologie, dont se font l'écho ces experts que l'on sollicite à chaque fois, selon laquelle notre pays appliquerait le « tout carcéral ». Sur ce point, madame la garde des Sceaux, je vous renvoie à l'étude de la Statistique pénale du Conseil de l'Europe (SPACE), publiée il y a une quinzaine de jours, qui indique que la France est l'un des pays d'Europe qui recourt le moins à l'incarcération. C'est donc sur la foi d'une fable idéologique que vous avez conçu ce projet de loi, qui tend à faire largement décroître la population carcérale. M. le rapporteur, dont je veux sur ce point saluer l'honnêteté, a d'ailleurs reconnu, dans une récente interview accordée à un site spécialisé, que le texte aurait pour conséquence de vider les prisons, même si ce n'est pas son objectif. L'étude d'impact du Gouvernement le démontre d'ailleurs elle-même assez clairement.

L'étude « SPACE » précise par ailleurs que la France est aussi l'un des pays européens où la surpopulation carcérale est la plus forte. Ce phénomène tient non au trop grand nombre d'incarcérations, mais au nombre trop faible de places de prison. Je déplore, de ce point de vue, que votre texte soit en totale opposition avec la loi de programmation relative à l'exécution des peines qui, adoptée sous la précédente mandature, était issue du rapport que j'avais remis au président de la République. Ce rapport fixait un objectif de 80 000 places de prison à l'horizon 2017. Je déplore, madame la garde des Sceaux, la suppression des peines plancher, car elle aura des conséquences très graves sur la récidive. Pour paraphraser un représentant du syndicat des commissaires auditionné par la mission d'information sur la lutte contre l'insécurité que préside M. Jean-Pierre Blazy, ce n'est pas la prison qui crée la récidive, c'est la récidive qui crée la prison. De fait, le parcours des personnes détenues révèle très souvent un long passé de délinquance.

En envoyant aux délinquants un message de laxisme, le texte aura malheureusement des conséquences immédiates sur la sécurité. Pour toutes ces raisons, auxquelles s'ajoute l'inopportunité de la procédure accélérée, je m'y opposerai.

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