Au vu des accusations fantaisistes que vous réitérez en public, l'appel à la vigilance vous concerne bien davantage !
Selon ce sondage, donc, 75 % des personnes interrogées seraient hostiles à la réforme pénale. Il faut d'abord rappeler qu'elles répondent moins en se fondant sur le contenu du texte que sur votre propagande ; de plus, ce texte est le fruit d'un travail de longue haleine, auquel se sont associés, depuis de nombreuses années, des acteurs des milieux judiciaire, universitaire et politique, y compris à droite. Invoquer des sondages n'est pas dans mes habitudes mais, puisque vous l'avez fait, un autre plus récent, de l'IFOP, l'Institut français d'opinion publique, indique que 60 % des Français sont favorables à la contrainte pénale.
Votre double opposition au projet de loi et à la contrainte pénale, jointe à une inquiétude de voir celle-ci aboutir à un contrôle social, me semble d'ailleurs relever d'une contradiction : à moins de refuser la contrainte pénale au nom des risques du contrôle social, je ne vois pas où est la logique. Reste qu'en elle-même, l'observation a sa pertinence, car de nombreuses mesures liées au contrôle des aménagements de peine ont vu le jour au cours des dernières années, contribuant à élargir le contrôle social ; il est donc difficile de ne pas s'interroger à ce sujet.
Vous avez incriminé la brièveté des délais. Il a fallu, je le rappelle, deux ans pour rédiger le projet de loi, et la conférence de consensus a travaillé pendant six mois. Vous avez mis ses membres en cause, y compris les commissaires divisionnaires, colonels de gendarmerie et associations d'aide aux victimes ; bref, vous mettez tout en cause, et au fond peu importe, car cette posture n'est pas nouvelle. En tout état de cause, si vous qualifiez d'expéditif un processus de deux ans, nous manquerons de vocabulaire pour qualifier votre empressement, au cours de la précédente législature, à voter un nouveau texte à chaque fait-divers qui vous paraissait le justifier.
Pour le reste, nous poursuivrons nos efforts d'explication, certes sans espoir de vous convaincre puisque ce n'est manifestement pas le texte lui-même qui vous intéresse : le droit opposable au logement ou à l'emploi, dont vous prétendez qu'il figurait dans la version initiale du projet, n'a par exemple jamais existé. L'article 12 prévoit que « chacun veille, en ce qui le concerne, à ce que les personnes condamnées accèdent de façon effective à l'ensemble des droits de nature à faciliter leur insertion ». Si l'on veut réinsérer les personnes concernées, il faut bien leur donner accès à des services de droit commun ! Comment prétendre lutter contre la récidive et créer les conditions objectives – l'absence de logement, d'emploi, de formation et de perspective – qui la suscitent ? La récidive n'est pas qu'un mot. Ce sont de nouveaux actes, donc de nouvelles victimes. Les personnes qui sortent de prison ont purgé leur peine et, sauf si le magistrat l'a décidé, elles n'ont pas perdu leurs droits civiques. L'État a donc l'obligation d'assurer les conditions de leur réinsertion, a fortiori lorsque nous l'affichons.
Inutile d'épiloguer sur l'accusation selon laquelle nous voudrions vider les prisons : nous l'entendrons sans doute jusqu'à la fin du quinquennat.
La libération sous contrainte n'est pas une mesure automatique : elle se prépare, sous la condition d'un examen obligatoire – c'est pour cela que nous parlons de rendez-vous. La décision, en tout état de cause, appartient au juge de l'application des peines et à la commission de l'application des peines.