Intervention de Harlem Désir

Séance en hémicycle du 28 mai 2014 à 15h00
Débat sur les politiques européennes en matière de lutte contre le réchauffement climatique

Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, vous avez souhaité la tenue de ce débat sur les politiques européennes contre le réchauffement climatique et je vous en remercie. Celui-ci intervient au lendemain d’une élection européenne qui, en Europe et en France, a été marquée par la montée de l’euroscepticisme et des votes anti-européens ainsi que par une forte abstention, mais aussi par une demande de changement, y compris de la part des partis pro-européens.

Il nous faut donc satisfaire l’attente d’une Europe qui réponde mieux aux préoccupations des citoyens, qui se concentre sur l’essentiel, qui montre sa capacité à agir avec efficacité dans les domaines où il est indispensable de le faire ensemble, et qui défend une vision d’avenir pour le continent. Il nous faut montrer avec responsabilité, parce que nous croyons au projet européen, que l’Europe est l’échelon irremplaçable pour relever de grands défis que l’on ne saurait traiter à l’échelle d’un seul pays.

S’il est une question essentielle, vitale même pour l’avenir de la planète et de notre continent, une question qu’aucun pays ne peut résoudre seul et pour laquelle il ne saurait exister vingt-huit politiques différentes, c’est bien celle de la lutte contre le changement climatique. C’est pourquoi le Gouvernement a mis la question du climat et de la transition énergétique au coeur de ses priorités européennes, comme l’a rappelé le Président de la République hier soir à Bruxelles.

L’urgence est là, en effet. L’Europe, qui est l’un des principaux consommateurs d’énergie au monde, ne peut plus continuer à produire et à consommer comme elle l’a fait au cours des dernières décennies. La concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère a augmenté de 20 % depuis 1958, et de 40 % depuis 1750, début de l’ère industrielle. Cette trajectoire, largement alimentée par l’industrialisation européenne, américaine et aujourd’hui mondiale, n’est tout simplement pas soutenable. Malgré l’adoption du protocole de Kyoto – premier véritable accord international sur le sujet – et malgré les conférences des parties successives, la tendance au réchauffement climatique se poursuit.

Le dernier volet du cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, paru le 13 avril dernier, nous l’a rappelé : les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent des niveaux record et leur croissance n’a jamais été aussi rapide. Elles nous conduisent sur des trajectoires de réchauffement à l’horizon 2100 qui sont plus proches de quatre degrés que de deux. Or, il nous faut contenir la hausse des températures en deçà de ce seuil de deux degrés afin d’éviter des cycles de dérèglements irréversibles, mais également des impacts importants sur la santé publique. Si nous ne sommes pas en mesure de réagir collectivement, la planète deviendra bientôt invivable.

Cette urgence climatique appelle donc un sursaut à l’échelle internationale. C’est notre responsabilité ! Nous avons le devoir de mettre en oeuvre un modèle de développement soutenable et durable, pour l’avenir et pour les générations futures. C’est pourquoi la France a décidé de s’engager : vous le savez, elle accueillera en 2015 la 21e conférence internationale sur le climat, que nous avons intitulée « Paris Climat 2015 ». C’est à cette occasion que les États devront s’engager sur un accord universel et ambitieux de réduction de leurs émissions.

Toutefois, avant la tenue de cette conférence, il est indispensable de nous mettre d’accord entre Européens sur nos propres objectifs de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2030. Notre unité de vues est un préalable nécessaire pour que l’Union européenne puisse peser de façon cohérente dans les négociations internationales et garantir l’obtention de cet accord mondial l’année prochaine.

C’est donc unis et solidaires que nous saurons répondre à ce défi majeur pour l’avenir de notre planète et de nos concitoyens. Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, notre ambition est grande et l’activité que nous déployons pour rapprocher les positions européennes est intense. S’engager rapidement vers un nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme le propose la Commission européenne et comme nous le souhaitons, nous permettra non seulement d’engager cette dynamique mondiale mais également, au sein de l’Union européenne et en France, d’offrir une vision de long terme aux acteurs économiques et aux investisseurs, notamment pour développer les filières industrielles dites « bas carbone ».

Le climat et l’énergie font donc clairement partie de nos priorités, au même titre que le soutien à la croissance et à l’emploi, la première devant d’ailleurs contribuer à mettre en oeuvre la deuxième. En effet, il s’agit non seulement de protéger la santé de nos concitoyens et notre environnement, mais aussi de saisir cette occasion pour sécuriser notre approvisionnement en énergie, créer des activités innovantes et donc des emplois durables en France et en Europe. Nous devons également éviter les coûts liés à l’inaction. Ces projets créateurs d’activités et d’emplois durables doivent donc être solidement ancrés dans nos territoires et améliorer les conditions de vie des citoyens français et européens.

Il n’y a, mesdames et messieurs les députés, aucun doute sur le fait que l’Union européenne est bien l’échelon pertinent pour répondre aux grands défis qui se présentent à nous dans ce domaine. L’Europe a été fondée grâce à la mise en commun du charbon et de l’acier, ce qui a rendu la guerre matériellement impossible et posé les prémices de ce qui est devenu l’Union européenne. La construction d’une nouvelle union énergétique contribuera à relancer le projet européen au XXIe siècle ; nous en sommes profondément convaincus. Ce projet, il est à notre portée.

Je voudrais d’abord souligner les progrès réalisés par l’Union européenne au cours de ces dernières années. Notre politique volontariste a commencé à porter ses fruits. Les efforts consentis au niveau européen nous placent collectivement sur une trajectoire collective plus durable et respectueuse de notre environnement.

La principale étape en a été le paquet « énergie-climat » de 2008, qui a permis de fixer de grandes orientations à l’horizon 2020. Il s’agit, je le rappelle, des fameux « 20-20-20 » : diminuer de 20 % nos émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans notre consommation finale et, enfin, réaliser 20 % d’économies d’énergie.

Grâce à ce cadre, l’Europe progresse rapidement vers un modèle plus sobre en carbone : les émissions européennes de gaz à effet de serre liées à l’énergie, à l’agriculture, aux procédés industriels et à l’usage de solvants et d’autres produits ont baissé de plus de 18 % au cours de la période allant de 1990 à 2011. Nous avons également progressé vers notre objectif d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans notre « mix énergétique ». Les Européens consomment déjà plus de 14 % d’énergie issue de ces sources. Si les énergies renouvelables peuvent à court terme produire des difficultés liées à l’intermittence ou encore à l’impact sur les prix, il nous revient d’imaginer des dispositifs innovants pour continuer à les accompagner de façon optimale.

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