Intervention de Harlem Désir

Séance en hémicycle du 28 mai 2014 à 15h00
Débat sur les politiques européennes en matière de lutte contre le réchauffement climatique

Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes :

Ce développement permettra d’accroître notre indépendance énergétique en nous appuyant sur des ressources indigènes, comme l’éolien, le solaire ou les énergies marines.

Enfin, nous cherchons à faire davantage d’économies d’énergie. L’Europe consomme déjà moins d’énergie qu’auparavant : entre 2006 et 2008, la consommation des vingt-huit a diminué de 8 %. Par ailleurs, l’efficacité énergétique a fait l’objet d’une directive révisée, adoptée en octobre 2012. Elle sera soumise bientôt à une revue, dont nous espérons voir les premiers résultats pendant l’été. Cette directive se traduit par plusieurs mesures nationales, à l’initiative des États membres. En France, par exemple, nous disposons des certificats d’économie d’énergie, qui permettent de promouvoir largement l’efficacité énergétique.

Globalement, nous pouvons nous appuyer sur ce bilan européen en matière d’énergie et de climat. Il s’agit d’en tirer toutes les conclusions pour l’avenir.

D’une part, l’Europe a tiré les bénéfices de sa volonté d’être à l’avant-garde des initiatives et de l’innovation. On peut se souvenir des réticences suscitées par l’adoption des premières directives interdisant l’essence plombée pour les automobiles : tout cela paraît bien loin et chacun est convaincu aujourd’hui que c’était un choix pertinent, non seulement en termes d’environnement et de santé publique, mais aussi en termes industriels.

D’autre part, nous devons regarder avec lucidité ce qui n’a pas fonctionné, pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Le marché du carbone, par exemple, ne produit pas les résultats que nous en attendions. Il a pâti d’une crise économique de grande envergure, qui n’avait pu être anticipée. C’est pourquoi nous devons rapidement le réformer. La Commission européenne a fait des propositions en ce sens et nous y travaillons.

Enfin, j’en ai parlé, l’énergie que nous ne consommons pas constitue une source majeure de réduction d’émissions. Les projets visant à faire des économies d’énergie, comme la rénovation thermique des bâtiments, constituent des opportunités que nous devons continuer à exploiter.

Il ne s’agit donc pas de nous complaire dans l’autosatisfaction, mais d’être toujours plus exigeants pour plus d’efficacité, en nous appuyant sur ce que nous sommes déjà parvenus à réaliser en matière de politique énergétique, pour convaincre que nous pouvons continuer dans cette voie et, en étant ambitieux, obtenir des résultats. C’est ce qu’attendent nos concitoyens de l’Europe : qu’elle soit plus concrète, plus réactive, et qu’elle apporte des réponses aux grands défis qui sont devant nous.

Mais nous devons aller plus loin et voir ce défi, non comme une contrainte, mais comme une véritable opportunité pour améliorer le quotidien de nos concitoyens et notre avenir en termes de croissance et d’emploi. Car remédier au réchauffement climatique implique la mise en oeuvre de nombreux chantiers qui touchent directement les conditions de vie des Français et des Européens : c’est le cas de l’amélioration du cadre de vie et de la baisse des factures énergétiques qui profiteront à tous et qui seront les conséquences directes de la rénovation thermique des bâtiments et du développement des sources énergétiques moins dépendantes des hydrocarbures. C’est aussi le cas de l’ouverture de nouvelles opportunités pour nos chercheurs et nos laboratoires, par le développement de nos savoirs et de nos technologies écologiques, domaines dans lesquelles l’Europe est en pointe et doit le rester. Cela contribuera au maintien de millions d’emplois durables sur le territoire européen et à la création de nouveaux emplois, grâce à l’essor de cette industrie d’avenir et à l’exportation de nos savoir-faire dans ce domaine. Car tous les autres continents sont aussi à la recherche de réponses, s’agissant de la construction de villes durables, de nouveaux modes de transport ou de nouveaux modes industriels moins consommateurs de carbone.

Dans tous ces domaines, nous devons avancer avec beaucoup d’audace. Il nous faut donc accompagner la transformation de ces économies. Je pense à notre capacité à bâtir une véritable communauté de l’énergie, qui donnera un accès sûr à une énergie pour tous, compétitive et durable. C’est un enjeu pour tous les pays de l’Union européenne, mais aussi pour certains de nos voisins, comme l’Ukraine et la Moldavie.

Les discussions se poursuivent dans ce contexte pour que les États membres s’accordent sur des priorités en matière de politique énergétique :développement d’infrastructures énergétiques supplémentaires pour l’interconnexion entre les différents pays, renforcement de la solidarité énergétique entre les États, y compris par des réflexions sur le poids dans les négociations énergétiques des acheteurs européens, déploiement accru de ressources indigènes, diversification des sources et des voies d’approvisionnement. Toutes ces dimensions sont indissociables de nos ambitions climatiques puisqu’elles contribueront à rendre nos économies plus sobres en carbone et moins dépendantes en hydrocarbures.

Cette dimension avance rapidement : pas plus tard qu’aujourd’hui, la Commission a adopté une étude sur la sécurité énergétique et un plan d’action à partir duquel les États membres vont travailler. Développer des opportunités et des solidarités va donc de pair ; c’est dans l’intérêt de nos économies, de nos industries et surtout dans celui de nos concitoyens ! Pour y parvenir, nous devons nous saisir des échéances et des opportunités majeures qui sont devant nous.

Tout d’abord, je tiens à vous assurer du plein engagement du Gouvernement pour promouvoir l’unité européenne dans la recherche d’un accord à vingt-huit sur le cadre énergie climat 2030, c’est-à-dire sur nos engagements collectifs en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique entre 2020 et 2030.

La Commission a présenté des propositions reconnues par l’ensemble des États membres comme une base de négociation. Elles visent à réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre et à porter la part des renouvelables à 27 % de notre consommation finale. Le Gouvernement français soutient ces objectifs. Le sujet a été à l’ordre du jour du dernier Conseil européen. Les États membres se sont mis d’accord pour prendre une décision finale le plus rapidement possible, et au plus tard en octobre 2014.

L’adoption rapide d’une décision européenne est d’autant plus importante que, le 23 septembre prochain, le secrétaire général de Nations-unies, Ban Ki-moon, accueillera les chefs d’État et de gouvernement du monde entier pour faire un premier point sur les engagements climatiques internationaux de l’ensemble des États en vue de la COP 21. Dans cette perspective, le Conseil européen de juin sera un moment crucial pour faire avancer nos positions. Il ne doit pas seulement être une étape procédurale, mais l’occasion d’un vrai débat de fond au plan politique, sur la base des éléments demandés à la Commission et au Conseil en mars.

Cela implique de bien évaluer les conséquences d’une telle décision – réduire de 40 % les émissions de gaz à effets de serre et porter à 27 % la part des renouvelables – pour chaque État membre ; de discuter du partage de l’effort ; de prendre des mesures pour éviter les « fuites de carbone », autrement dit les délocalisations des entreprises soumises aux contraintes environnementales européennes ; cela implique également d’assurer la compétitivité de nos industries énergivores ou électro-intensives, et enfin de revoir, à partir de juillet, la directive efficacité énergétique.

Dans l’ensemble de ces perspectives, nous sommes, bien entendu, en constant dialogue avec nos partenaires européens. Pour combattre le réchauffement climatique, notre communauté de vues, en particulier avec les Allemands, les Polonais ou les Britanniques, est indispensable. Nous sommes engagés dans un partenariat fort et dynamique avec l’Allemagne. Je pense notamment à l’Office franco-allemand pour les énergies renouvelables ou au rapprochement de l’ADEME avec son équivalent allemand, la DENA – la Deutsche Energie-Agentur. Une dynamique productive a été enclenchée lors du Conseil des ministres franco-allemand du 19 février dernier. Les deux gouvernements ont notamment créé un groupe de haut niveau, qui sera chargé d’élaborer une feuille de route concernant l’ensemble des enjeux liés à la transition énergétique.

Nos échanges sont également très fructueux avec la Pologne, comme en témoigne l’accord intervenu entre le Président de la République et le Premier ministre Donald Tusk sur les questions de sécurité énergétique, qui, ne nous y trompons pas, ont un lien direct avec notre combat commun contre le réchauffement climatique. J’y insiste, nous pensons qu’il ne faut pas séparer la question du climat de celle de l’énergie dans la préparation des positions européennes.

Mais les enjeux de ce débat reposent également sur ce qui se passe au-delà des frontières de l’Union. Je ne peux conclure sur ce sujet sans évoquer la situation ukrainienne, qui nous rappelle l’urgence de ce débat et d’une prise de décisions. Les menaces russes de rétorsion gazière sur ce pays nous mettent face à la nécessité d’agir au niveau européen pour sécuriser notre énergie, être plus autonomes et réduire notre consommation d’hydrocarbures. Tout comme nous, la Commission y travaille, et nous espérons que l’accord qui sera conclu entre la Russie et l’Ukraine assurera, dans l’immédiat, la fourniture de gaz à l’Ukraine. Mais il est nécessaire, sur le plan structurel, de mieux assurer notre autonomie afin d’éviter de voir se perpétuer une situation dans laquelle plusieurs états membres sont dépendants à 100 % des approvisionnements d’un seul pays, la Russie, et d’autres à plus de 70 %. Par ailleurs, des discussions trilatérales entre la Commission, l’Ukraine et la Russie, qui se sont tenues lundi, permettent d’entrevoir une issue – que nous espérons positive – dans les prochains jours.

Cette gestion de crise nous rappelle que nous devons aider l’Ukraine à sortir de la crise énergétique, tout en faisant progresser la lutte contre le changement climatique, en développant une vision à plus long terme de notre sécurité énergétique.

Il n’y a pas à choisir entre climat et sécurité énergétique. L’un et l’autre se complètent : la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Union européenne et le cadre énergie climat 2030 forment, à notre sens, un seul et même paquet. La protection de notre environnement et le développement d’une croissance durable sont aussi une garantie de notre indépendance et de notre avenir.

Mesdames et messieurs les députés, vous l’aurez compris, la lutte contre le réchauffement climatique est une priorité du Gouvernement dans l’agenda européen. Elle est aussi un point d’entrée pour une politique énergétique qui se fixe comme priorité le développement des industries d’avenir, la croissance verte et, bien sûr, la création de centaines de milliers d’emplois durables sur le territoire national et européen. Vous-mêmes aurez à y contribuer lors du prochain débat sur le projet de loi sur la transition énergétique. Ce grand chantier national aura de multiples résonances avec nos priorités européennes. Bâtir l’Europe de l’énergie, c’est relever l’un des plus grands défis de notre époque, celui du changement climatique, mais c’est aussi bâtir une Europe plus sûre, plus protectrice, plus solidaire et tournée vers l’avenir.

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