Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 28 mai 2014 à 15h00
Débat sur les politiques européennes en matière de lutte contre le réchauffement climatique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, le changement climatique est aujourd’hui une réalité établie et une préoccupation très forte, même si nous ne sommes pas nombreux ce soir. Non seulement la situation actuelle est grave, mais elle sontinue de s’aggraver de jour en jour. Nous assistons à un dérèglement de l’amplitude des températures combiné à une hausse constante des températures moyennes, et la fonte des glaciers comme la multiplication des sécheresses et des inondations constituent les signes les plus visibles du changement climatique. Ce sont là des réalités.

Mais ce que l’on oublie, c’est que ce changement climatique à un coût financier. Le GIEC l’évalue à 1 050 milliards d’euros à la fin du siècle dernier. En outre, il serait responsable de 2,5 millions de morts en trente ans selon Jim Yong Kim. Nous devons donc nous mobiliser tous pour cette cause. En cas de lutte insuffisant contre le changement climatique, le rapport Stern évalue son coût entre 5 % et 20 % du PIB mondial à moyen terme. En France, nous savons qu’il pourrait en résulter des conséquences graves sur notre industrie agroalimentaire ou notre viticulture, entre autres. Ainsi, dans le sud de l’Aisne, terre de Champagne, la viticulture, filière particulièrement sensible au dérèglement climatique, serait en danger. Il en irait de même de notre agriculture.

La question n’est pas simple et tel est l’enjeu de notre débat. En effet, nous sommes dans une situation paradoxale : d’un côté, nos besoins d’énergie fossile ne cessent de croître, et de l’autre nous devons lutter contre le réchauffement climatique. D’un côté, nous ne devons pas sous-estimer les effets économiques et sociaux positifs de l’action contre le changement climatique, tels que les économies d’énergie, l’amélioration de la qualité de l’air et la réduction des risques pour la santé. De l’autre, la crise économique que nous traversons nous impose de ne pas asphyxier notre industrie française et européenne alors même que les gaz à effets de serre sont émis dans l’ensemble de la planète et que le réchauffement climatique n’est évidemment pas un phénomène qui s’arrête aux frontières.

Il s’agit donc de mettre en place des mécanismes vertueux au niveau européen en se battant au niveau mondial pour faire progresser cette cause. La France a pour objectif de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre avant 2050. Elle respecte d’ores et déjà ses engagements du protocole de Kyoto. Dans le cadre du « paquet énergie climat » européen, elle défend la fixation de nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’accroissement de l’utilisation des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique à l’horizon 2020. Depuis longtemps, l’Union européenne a montré la voie et pris des engagements et des mesures louables. Elle prône la nécessité de limiter le réchauffement mondial à 2 °C maximum et est parvenue à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 18 % depuis 1990.

Malgré tous ces efforts, nous devons reconnaître que nous sommes entrés, depuis la conférence de Copenhague qui est considérée comme un échec, dans une phase de stagnation, voire de recul des négociations internationales sur le climat. Sur la situation du marché du carbone, nous devons être lucides. Le système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre est confronté depuis 2008 à une crise importante. La réduction de l’activité industrielle a mécaniquement entraîné une diminution des émissions et le cours de la tonne de CO2 s’est effondré en quelques mois de huit euros à moins de trois. Il en résulte une autre conséquence majeure : le charbon fait son retour dans les principaux pays européens comme l’Allemagne et le Royaume-Uni et nous connaissons le lien entre prix de la tonne de CO2 et recours aux énergies fossiles.

Ici, en France, le risque est grand de nous voir céder à l’extraction des gaz et huiles de schiste. J’ai récemment abordé le sujet avec Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et avec les présidents du conseil régional d’Ile-de-France et du conseil général de Seine-et-Marne à propos des arrêtés de mutation du permis de Mairy et de prolongation de celui de Château-Thierry. Si la France s’engageait dans cette voie, il s’agirait selon moi d’un non-sens économique et environnemental. À l’avenir, et c’est une nécessité, les débats s’engageront au sein de l’Union européenne au sujet des solutions structurelles de réforme.

Les députés radicaux et apparentés soutiennent les efforts visant à respecter les engagements courageux du Président de la République en matière de réduction des émissions de 40 % en 2030 et de 60 % en 2040. Parallèlement, nous devons moderniser le cadre de régulation du marché du carbone en en garantissant l’intégrité et la transparence afin de mettre fin à ses dysfonctionnements et surtout à sa financiarisation. Nous devons aussi poursuivre nos efforts en matière de fiscalité écologique sur l’énergie. Ainsi, la Commission européenne a engagé une révision de la législation sur la taxation de l’énergie pour y introduire une composante carbone, ce qui constitue une bonne initiative. Au cours de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015, la France doit constituer une force de proposition afin d’accentuer les efforts consentis en France mais également dans le monde. Le débat national sur la transition énergétique et la loi subséquente que nous attendons devront montrer l’exemple.

Notre débat ce soir, certes peu suivi, constitue un préambule et nous aurons bien l’occasion d’y revenir au cours des prochains mois. Je ne doute pourtant pas qu’il constituera l’occasion d’un échange riche et fécond compte tenu de l’importance du sujet et qu’il sera caractérisé par la volonté de faire progresser la recherche du bien commun, donc du développement durable. Afin de faire mentir Jean de la Fontaine qui écrit dans la fable La forêt et le bûcheron « Voilà le train du monde et de ses sectateursOn s’y sert du bienfait contre les bienfaiteurs », démontrons ici qu’il est non seulement possible de concilier développement économique et développement environnemental mais aussi que l’économie verte est notre avenir pour la croissance et pour l’emploi !

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