Intervention de Arnaud Leroy

Séance en hémicycle du 28 mai 2014 à 15h00
Débat sur les politiques européennes en matière de lutte contre le réchauffement climatique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Leroy :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, je veux commencer par remercier le groupe écologiste d’avoir choisi ce thème dans le cadre de la semaine de contrôle du Parlement, en soulignant la qualité du travail effectué par les deux co-rapporteurs, ainsi que la nouveauté de la démarche. Depuis des années, les rapports relatifs aux affaires climatiques ne cessent de s’empiler – je pense à celui qui vient d’être remis à la Maison Blanche, et qui influera peut-être de manière importante sur la position américaine dans le cadre des négociations climatiques ; ce rapport, établi par plusieurs agences fédérales à la demande du Congrès américain, se révèle plutôt alarmiste pour de nombreuses régions américaines, qu’il s’agisse du Middle West ou de la Floride.

Pour ce qui est du rapport qui vient d’être déposé par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, il s’attache à souligner des failles qu’il convient de corriger. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, la France va accueillir en 2015 la conférence Paris Climat, dite COP 21. Je pense que si notre pays veut être crédible dans ce domaine, il doit améliorer ses dispositifs, les faire vivre et leur donner une ambition nouvelle : nous serons jugés sur nos réalisations. Il faut commencer par établir le bon diagnostic et, pour cela, il me semble important que le Gouvernement se saisisse de la question de l’empreinte carbone. On constate, à la lecture du rapport remis à notre assemblée, qu’il y a à la fois une baisse des émissions de carbone et une hausse de l’empreinte carbone. Or, si nous ne partons pas du bon diagnostic, nous ne trouverons jamais la bonne solution.

Par ailleurs, l’aspect énergétique de la question devient de plus en plus important. La transition énergétique dans laquelle nous nous engageons a donné lieu à un débat d’un an et demi dans les régions, sur le plan national et même sur le plan européen. Ces deux thématiques – l’énergie et le climat –, qui ne font déjà plus qu’un sur les factures énergétiques de nos concitoyens doivent désormais être systématiquement liées : telle doit être notre ambition.

La politique climatique doit également prendre en compte deux secteurs qu’elle a, jusqu’à présent, négligé de cibler : je veux parler de l’agriculture et du transport. Pour ce qui est de l’agriculture, nous avons la chance d’avoir récemment renégocié la PAC, en évoquant notamment son verdissement ; je pense qu’il est temps d’envisager aussi l’impact climatique de l’agriculture et d’essayer de trouver des solutions. Quand on pense, monsieur le secrétaire d’État, que l’agriculture et le transport représentent à eux seuls quasiment 50 % des émissions nationales de carbone, on se demande pourquoi ces deux secteurs sont restés en dehors du ciblage des politiques climatiques, ce qui, demain, pourrait faire peser une menace sur nos activités dans ces domaines en termes de compétitivité. Comme vous le savez, en matière climatique, l’inaction ou l’action tardive coûte beaucoup plus cher que dans d’autres domaines. Demain, face à l’urgence climatique, il y a de grandes chances pour ces secteurs soient pris pour cible par le législateur – en particulier européen. Préparons-les donc dès maintenant à affronter la vague de réglementation à venir.

Nous ne pouvons évoquer l’action à mener en matière de changement climatique sans aborder la question du financement à long terme. La raréfaction de la ressource publique, jointe à la difficulté d’« embarquer », si j’ose dire, le secteur bancaire dans cette aventure, nous impose de recourir à certains acteurs, tels la Banque publique d’investissement, la Caisse des dépôts et consignations et d’autres acteurs publics, afin d’amorcer la pompe du financement. J’espère que la future loi de transition énergétique comportera un titre ou un chapitre consacré à cette question. de nombreux travaux ont d’ailleurs récemment été effectués par le programme MED sur cet aspect financier.

La simplification, qui a été et reste un engagement du Gouvernement dans de nombreux domaines, constitue également un enjeu important en matière climatique. Devenir vertueux est devenu un véritable obstacle, pour ne pas dire une punition : il faut absolument changer cela. Je pense également, comme le suggère le récent rapport de la Cour des comptes sur le coût de l’énergie nucléaire, qu’il faut enfin mettre sur un pied d’égalité les différentes sources d’énergie constituant notre mix énergétique. Je pense tout particulièrement à la référence faite par François de Rugy à l’éolien et au photovoltaïque, auxquels on impose un certain nombre d’obligations ayant pour effet de freiner le développement de ces secteurs.

Le concept de croissance verte est, lui aussi, très important. Je pense que nous devrions passer par un green New Deal au niveau européen. Après les élections européennes dont nous connaissons tous le résultat, il faut redonner de l’espoir à nos concitoyens, ce qui signifie lâcher la bride budgétaire. Sur ce point, le président Bartolone a une formule très sympathique, que je reprends à mon compte car elle me paraît tout à fait juste : « Il est plus facile de vivre avec 4 % de déficit qu’avec 4 degrés de plus ». Nous devons recourir à la manne budgétaire pour financer de grands investissements, des infrastructures, de la recherche en matière de stockage de l’énergie renouvelable, ou encore favoriser de nouveaux modes de travail comme le télétravail ou les transports durables.

Pour conclure, j’évoquerai l’aspect démocratique de la question climatique. Vous avez peut-être pu observer, durant ces longues séances de négociation ayant lieu dans le cadre des COP qui se succèdent depuis 1992, l’absence totale de référence parlementaire. Il faut mettre fin à cela, car doter ces négociations d’un outil démocratique doit faire partie de l’ambition de l’Europe – certes, il existe quelques associations volontaires, telle GLOBE, mais cela ne suffit pas.

Le réchauffement climatique est un dossier gigogne qui contient de nombreuses thématiques, notamment celle des réfugiés climatiques, que l’Europe sera, tôt ou tard, amenée à traiter. Dans quelques jours, monsieur le secrétaire d’État, vous et vos collègues allez certainement représenter la France pour le mandat de la Commission. Comme vous le savez, cette commission finissante avait, en son sein, un commissaire dédié à l’action climatique. Il me paraît très important, ne fût-ce que sur le plan symbolique, que nous conservions, dans l’intitulé de la prochaine commission, une référence à l’action climatique – peut-être en l’accolant à l’énergie, ce qui serait logique.

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