Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 28 mai 2014 à 15h00
Débat sur les politiques européennes en matière de lutte contre le réchauffement climatique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’ajouter à tout ce qui vient d’être dit, avec cette belle unanimité ? Certes, on aurait pu souhaiter que l’assistance ait été plus nombreuse.

Permettez-moi de rappeler un certain nombre de choses. Au lendemain des élections européennes qui ont marqué la défiance des peuples quant à la capacité de l’Union à répondre aux grands enjeux qui les préoccupent, ce débat est essentiel, car, comme on le constate, il s’agit des bases d’une culture désormais partagée.

L’Europe doit se donner pleinement les moyens de lutter contre le réchauffement climatique, dans toutes ses dimensions, qu’elles soient sociales, économiques, industrielles et écologiques, car ce défi peut être une chance pour l’Europe de se réorienter, de structurer des filières, de régénérer son parc industriel, de créer des emplois nombreux et stables, donc de créer de la prospérité tout en préservant la planète pour les générations futures.

Il y a urgence, tous nos collègues l’ont souligné : il existe, de fait, une volonté commune, dans notre assemblée, de faire avancer les choses. L’urgence est attestée par le dernier volet du cinquième rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié le 31 mars dernier, qui confirme l’échec des politiques publiques mises en oeuvre jusqu’à présent : les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent des niveaux record et leur croissance n’a jamais été aussi rapide. Comme certains orateurs l’ont déjà souligné, à ce rythme, le seuil des deux degrés supplémentaires – qui est l’objectif international réitéré lors des conférences successives des Nations unies sur le climat – sera franchi dès 2030.

Les conséquences du réchauffement climatique sont donc déjà tangibles, et les risques pour l’avenir sont considérables.

Je vous livre ici une liste qui n’est, hélas ! pas une liste à la Prévert : des événements météorologiques extrêmes, tels que les sécheresses ou les pluies diluviennes, se produisent tous les jours, un peu partout dans le monde ; une hausse du niveau des mers et une insécurité alimentaire exacerbée, dont nous pourrions énumérer de très nombreuses illustrations ; une augmentation des conflits, fortement liée notamment au manque d’eau ; des menaces accrues sur la santé publique ; des risques d’extinction d’espèces encore accentués, des écosystèmes marins cruciaux menacés et une hausse de la mortalité des arbres dans de nombreuses régions. Ces arbres pourraient constituer le symbole des enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique et la reforestation, vous le savez, est un enjeu fondamental. Il convient de le souligner car on n’en parle pas assez, alors que les puits de carbone sont d’abord là. Il est donc urgent d’arrêter le massacre !

Tous les secteurs économiques – énergie, transport, habitat, agriculture – sont touchés, tous doivent contribuer. Ils doivent faire leur révolution, en commençant par réaliser de rapides progrès dans le domaine de l’efficacité énergétique ; vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, à l’instar de nous tous dans cet hémicycle.

Le coût économique et humain de l’inaction n’est toujours pas évalué à sa juste mesure, à l’échelle tant nationale qu’européenne ou internationale.

À l’échelle européenne, le 22 janvier dernier, un cap a été fixé pour 2030 : la Commission européenne a appelé l’Union à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 et elle propose aussi une économie décarbonée. Je voudrais à cet égard rassurer le dernier de nos collègues qui s’est exprimé : sur l’idée d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, un groupe de travail, dont mon collègue Arnaud Leroy et moi-même faisons partie, est à l’oeuvre au sein de notre commission. Nous allons essayer de faire avancer ce sujet auprès des parlementaires. L’exécutif fera bien entendu de même.

C’est un premier pas, mais il est insuffisant. Il faut parvenir à une réduction d’au moins 55 % des émissions par rapport à 1990 si l’Union veut tenir son engagement d’une baisse de 85 % à 90 % d’ici à 2050. L’objectif de 27 % pour les énergies renouvelables, sans clé de répartition nationale, est très en dessous du potentiel fantastique de ce secteur, estimé à au moins 45 % du mix énergétique à l’horizon de 2030. En outre, on ne peut que regretter l’absence d’objectif contraignant sur l’efficacité énergétique.

Au-delà de ces actions, c’est tout notre modèle énergétique qui est à revoir. L’Europe, qui a su faire l’Airbus, doit pouvoir se lancer dans ce nouveau chantier et s’engager dans une nouvelle phase énergétique. Soulignons, comme vous l’avez fait, monsieur le secrétaire d’État, l’initiative franco-allemande qui associe l’ADEME et la DENA, l’Agence allemande de l’énergie, les organismes de recherche des deux pays, la CDC et son équivalent allemand, la KFW, l’Établissement de crédit pour la reconstruction.

Nous pouvons favoriser l’émergence d’une nouvelle politique industrielle de l’Europe, celle de l’énergie ; encore faut-il en avoir la volonté politique et dégager les moyens financiers pour la mettre en oeuvre. La France pourrait ainsi proposer de lancer, à l’échelle de l’Union, un grand plan Marshall de la transition énergétique, soutenu par des investissements chiffrés ; les emplois suivront. Ce serait un engagement fort et clair.

La France aura en 2015, beaucoup d’entre nous l’ont rappelé, la responsabilité d’accueillir la conférence internationale sur le climat. C’est un enjeu majeur pour notre pays et pour la crédibilité de la politique européenne en matière de lutte contre le changement climatique ; c’est fondamental.

La communauté internationale s’est donnée comme objectif d’y sceller l’accord le plus ambitieux jamais conclu pour lutter contre le réchauffement climatique. Notre assemblée doit prendre toute sa part dans cet effort. C’est l’objet notamment du groupe de travail dont les commissions du développement durable, des affaires étrangères et des affaires européennes ont décidé conjointement la mise en place. Sachons être collectivement à la hauteur de nos responsabilités, y compris pour redonner confiance dans la capacité de l’Europe à répondre à un tel défi.

Je tiens à souligner que des pistes concrètes ont été données par nos deux collègues, MM. de Rugy et Guillet. Ces discours n’auront en effet pas de sens si des engagements concrets ne répondent pas aux urgences d’aujourd’hui et aux enjeux vitaux de demain.

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