Les arguments du rapporteur devraient le conduire à défendre la solution inverse de celle qui nous est proposée. L'exposé des motifs du projet de loi explique que les peines plancher ont aggravé la surpopulation carcérale. Or le rapporteur indique que le dispositif est marginal. Qui croire ?
Certes, Christophe Caresche et moi-même avons pu écrire que l'impact de ce dispositif a été difficile à mesurer, mais il ne s'agissait pas d'une critique systématique. Et, si nous avons confirmé que le dispositif en tant que tel ne permettait pas de réduire la récidive, c'est de récidive légale que nous parlions. Or on entend aujourd'hui que, comme cette mesure n'a pas produit les effets attendus, il est urgent de la supprimer – comme si l'on ne pouvait laisser aux magistrats le temps de prendre en compte une évolution législative qui les trouble. De fait, ces derniers ont fait savoir que, comme la mesure ne leur plaisait pas, ils n'allaient peut-être pas l'utiliser. Ils tiennent d'ailleurs ce type de propos dans d'autres domaines. Ainsi, les juges aux affaires familiales en formation continue à l'École nationale de la magistrature se disent réticents à appliquer la loi sur l'ordonnance de protection. En déduit-on pour autant qu'il faut la supprimer ? Au contraire, on a récemment décidé qu'elle devait être mieux connue et mieux appliquée par les magistrats. Leur mission consiste à appliquer la loi, qu'elle leur plaise ou non.
Une fois de plus, vous êtes animés par une volonté a priori, systématique, idéologique, injustifiée, de supprimer une mesure mise en place il y a plusieurs années. Peut-on parler d'automaticité lorsque le juge n'est amené à appliquer la possibilité qui lui est offerte par la loi de 2007 que dans un cas sur trois ?
Vous sembliez dire ce matin que c'était ce projet de loi qui introduisait l'individualisation de la peine dans notre droit, alors qu'il s'agit d'un principe constitutionnel déjà ancien. Nous sommes d'ailleurs d'accord avec le rapporteur lorsqu'il dit que, au lieu de se restreindre au champ de la récidive légale, il vaudrait mieux tenir compte de la multiplication de la commission d'infractions et étendre ce champ à la réitération. Tous ces éléments plaident en faveur du maintien, voire de l'extension, du dispositif des peines plancher qui n'ont jamais entravé l'individualisation des peines.