Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 27 mai 2014 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Monsieur Fenech, vous avez utilisé une expression, que vous avez accolée à trois crimes odieux. Je serai plus directe que le président Urvoas : un tel procédé est abject.

Pour ce qui me concerne, s'agissant de crimes de cette nature, je ne parle pas de « fait divers inévitables », mais de drames, de tragédies, et je montre du respect pour la détresse des familles. Ce jeu est profondément malsain. Il contribue à l'amalgame auquel vous vous livrez depuis deux ans. Alors qu'il s'agit d'un projet de loi relatif aux délits, vous ne prenez comme exemple que des crimes, suivant une démarche délibérée, qui vise à troubler les esprits.

En tout état de cause, vous êtes mal placé pour donner des leçons sur les victimes, car, sous le précédent quinquennat, celles-ci ont été sans cesse instrumentalisées, et considérablement négligées. Plus précisément, le budget de l'aide aux victimes n'a cessé de baisser durant les trois dernières années du quinquennat, alors que, dès la première année de notre retour aux responsabilités, nous l'avons relevé de 25,8 %, puis, l'année suivante, d'encore 7 %. Le Conseil national de l'aide aux victimes n'avait pas été réuni depuis 2010 ; nous le réunissons désormais deux fois par an. Le 4 novembre de l'année dernière, nous avons organisé à la Chancellerie la première journée d'aide aux victimes. Le réseau des associations d'aide aux victimes et le Conseil national de l'aide aux victimes ont été consultés sur ce texte de loi. Sous l'ancien quinquennat, vous avez mis trois ans pour ouvrir trois bureaux d'aide aux victimes ; en une seule année, nous en avons ouvert cent, que j'ai fait auditer afin d'assurer la consolidation. Enfin, j'ai décidé, dès janvier 2014, de dégager des crédits pour expérimenter dans huit tribunaux de grande instance les dispositions de la directive européenne sur le suivi individualisé des victimes que nous aurons à transposer d'ici à novembre 2015.

Nous, nous respectons les victimes, nous respectons leur souffrance et leur courage ; jamais je ne les instrumentaliserai. Le travail que nous faisons, avec détermination, avec constance, en y associant les victimes, en renforçant le service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes (SADJAV) au sein du ministère de la Justice, nous le faisons par respect pour les victimes, en n'attendant d'elles aucune reconnaissance.

Par conséquent, je ne vois pas à quel titre vous prétendez nous donner des leçons. Je fréquente les assemblées parlementaires infiniment plus souvent que les plateaux de télévision, et j'ai toujours déclaré considérer ces faits comme des tragédies et comme des drames. Le procédé que vous avez utilisé est, je le répète, odieux et abject.

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