Intervention de Chantal Berthelot

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Berthelot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux avant tout saluer la réélection du Président Barack Obama qui, au-delà de l'homme, véhicule les valeurs que nous partageons et est porteur d'espoir, s'agissant des relations entre la France, l'Europe et le continent américain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, UDI et UMP.)

Monsieur le ministre, compte tenu du contexte économique actuel, je ne peux que me réjouir de l'augmentation de 5 % accordée aux crédits de la mission « Outre-mer » et saluer la vision réelle que le Gouvernement porte sur nos territoires : cette hausse budgétaire significative répond aux caractères spécifiques de nos départements et collectivités.

Pour autant, lorsque vous parlez de « premier budget du changement des outre-mer », je propose que ce changement soit réalisé en profondeur, qu'il soit au centre même des réformes à venir sur le code minier, l'agriculture, la biodiversité et la fiscalité. La Guyane rassemble en son sein tous ces potentiels qui, malgré tous les efforts, restent encore à l'état de potentiels.

La réforme du code minier, d'abord, demande une attention toute particulière. Les conditions d'exploitation des mines, et plus spécifiquement de l'or et des hydrocarbures, doivent être approfondies. Nous devons trouver des réponses efficaces au pillage de nos ressources et aux effets néfastes qui en découlent. Il faut donc définir au plus vite un cadre législatif fort et cohérent afin de garantir l'exploitation de nos ressources naturelles dans le respect de notre terre et de nos concitoyens. Il nous faudra également lever les incertitudes et rayer les défauts des dispositions fiscales actuelles dans le domaine des exploitations des ressources minières.

S'agissant des 150 kg d'or qui transitent – on ne sait où, d'ailleurs –, j'approuve le président du parc amazonien de Guyane, M. Hermann Charlotte, qui propose que la somme découlant de cette vente – près de 6,3 millions d'euros – soit destinée à améliorer les conditions de vie des populations qui subissent les effets néfastes de l'orpaillage illégal, je pense notamment au mercure.

Sur le plan économique, il est nécessaire de consolider les appuis aux entreprises par le biais d'une maîtrise locale réelle de la Banque publique d'investissement, mais aussi par des dispositions mieux adaptées par la loi d'avenir sur l'agriculture, qui reste un atout fort de l'économie guyanaise. Pour cela, il faut encourager la production locale afin, notamment, de combattre la vie chère car le taux d'autosuffisance alimentaire de la Guyane est faible et tend à diminuer au fur et à mesure que la population s'accroît. Il est également urgent de rendre l'accès au foncier facile et transparent.

Enfin, je ne peux que saluer l'annonce faite par Mme la ministre Delphine Batho à Hyderabad quant à la ratification par la France du protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources et le partage des avantages, dit APA, prévue pour 2013. C'est une décision importante pour la Guyane, qui permettra d'encadrer l'exploitation de notre biodiversité, tout en protégeant au mieux nos ressources et en respectant nos connaissances traditionnelles. Ce sera aussi l'occasion pour la représentation nationale d'aborder et d'introduire dans notre droit la définition de « communautés autochtones ».

Il est de notre responsabilité, monsieur le ministre, d'intégrer les avantages de tous les atouts guyanais et de les développer afin d'en faire bénéficier la nation tout entière pour que chacun de nos concitoyens se sente en sécurité, puisse vivre en contribuant au bien de tous et faire l'effort solidaire qui permet de se réunir devant les difficultés de la vie.

Or à Kourou, à Saint-Laurent-du-Maroni ou, encore récemment, à Matoury, comme à Cayenne, nous connaissons en Guyane les difficultés sociales que connaissent l'Essonne ou la Seine-Saint-Denis. Ces insécurités gangrènent nos sociétés ; elles sont tout aussi multiples que dévastatrices.

Le chômage, les problèmes de notre système éducatif, les carences des moyens de notre système judiciaire, les défauts de notre système bancaire et financier, les difficultés de notre cadre d'intégration des jeunes Français ou non : voilà pêle-mêle le contexte des insécurités dont je vous parle.

Je ne peux pas ne pas évoquer devant vous, monsieur le ministre, la situation de Kourou – je sais que vous y êtes sensible. Depuis le début de l'année, les infractions commises au domicile de particuliers ont augmenté de 85 % – de 154 % dans les locaux professionnels. Vous le savez, la situation générale en Guyane est plus qu'inquiétante. Aussi, j'attends de votre part, monsieur le ministre, l'appui nécessaire et les mesures qui rassureront nos concitoyens.

Ce projet de loi de finances, comme les prochains, doit traduire notre volonté d'agir fortement en investissant dans l'éducation, l'emploi, la justice. Il ne doit pas seulement prendre en compte l'angoisse économique et se contenter de répondre aux besoins de compétitivité, mais il doit parler aux Français, à tous les Français, pour les assurer que leur bien-être n'est pas réduit au seul équilibre budgétaire.

Monsieur le ministre, je vous ai proposé une autre vision de la Guyane et, par voie de conséquence, des moyens que nous devons lui allouer pour qu'elle joue pleinement son rôle au coeur du projet présidentiel.

Chers collègues, nous voterons avec grand plaisir les moyens de financer l'action de l'État dans nos territoires, mais nous devons aussi voter les moyens pour nos populations de ne plus vivre dans une insécurité qui annule leur désir de faire les efforts qu'elles sont pourtant prêtes à consentir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion