Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous prenons acte de l'évolution positive du budget de la mission « Outre-mer » 2013, dans un contexte d'effort budgétaire généralisé.
Je préfère le dire d'emblée : nous voterons ce budget. Cependant, nous ne saurions nous contenter de ce que vous qualifiez de « premier budget du changement ». Ce premier budget ne devra pas être le dernier… Le changement commence maintenant, mais il devra se poursuivre et s'amplifier dans les années à venir pour espérer parvenir à terme à une rupture salutaire.
Si l'inclusion de la jeunesse d'outre-mer dans l'emploi est l'une des priorités déclinées par le Gouvernement, nous pouvons regretter le tassement de l'aide à l'insertion et à la qualification, et, plus largement, des crédits essentiels aux missions de L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité. LADOM n'a pas encore réalisé pleinement sa mission et son potentiel est largement sous-utilisé, compte tenu de la situation de précarité de nos jeunes, de l'offre de formation restreinte localement et des demandes grandissantes de formation en mobilité.
La situation est alarmante, car nos stagiaires sont de moins en moins aidés par les collectivités et la diminution des crédits a pour effet de réduire leur rémunération, qui est leur seule source de revenus, à 152 euros par mois, contre 305 euros initialement. Une telle mesure condamne fatalement notre jeunesse.
Au-delà des données quantitatives, nous devons considérer l'aspect humain et promouvoir une analyse qualitative dont il ressort que les jeunes en apprentissage doivent être au centre de nos actions. Nos étudiants font face à d'énormes problèmes pour la poursuite de leurs études en France, tels que le coût excessif des billets d'avions, la discrimination au logement, des demandes de garanties abusives et d'autres encore. Les difficultés financières peuvent les pousser à l'abandon des études en cours d'année et contraindre ceux qui n'ont pourtant aucun problème de niveau à un retour prématuré au pays.
À propos de la continuité territoriale, la hausse amorcée des crédits ne doit pas masquer le fait qu'à ce jour elle ne favorise que les liaisons radiales entre les collectivités d'outre-mer et la France, cultivant ainsi les schémas d'exclusif colonial. Cela explique qu'un billet Fort-de-France Cayenne soit parfois plus cher qu'un billet Fort-de-France Paris.
Nous pouvons nous satisfaire de l'augmentation de la ligne budgétaire unique, socle du financement du logement social. Cependant, pour les opérations de constructions de logements évolutifs sociaux et de réhabilitation de logements, le problème du financement de l'apport personnel reste entier pour les personnes âgées et modestes, qui ne peuvent avoir accès au crédit bancaire faute de garanties suffisantes ou d'avaliseur.
Certes, notre budget augmente, mais encore faut-il une allocation pertinente des ressources ! L'État doit accompagner les initiatives innovantes des collectivités locales, lorsqu'elles existent. Nous ne sommes pas des mendiants ! Nous sommes capables de produire des concepts opératoires, notamment en matière d'ingénierie sociale pour traiter à leurs sources des maux de société qui nous affectent. Par exemple, un projet pilote de resocialisation et de réussite éducative intitulé « école, famille, quartier » mené depuis quelques années dans dix collèges de la Martinique s'attaque aux problèmes de drogues, d'alcool et de violence précoce touchant des élèves de sixième. Depuis plusieurs années, des taux de réussite de 90 % sont régulièrement atteints, mais pour l'heure, faute de moyens, il ne peut être étendu à l'ensemble de la Martinique. Et ce dispositif ne pourrait-il pas s'étendre à l'ensemble des zones sensibles de France frappées elles aussi par la délinquance juvénile ?
Nous serions, dès lors, en position d'être non pas de simples consommateurs importateurs, mais des concepteurs, producteurs et exportateurs d'une ingénierie sociale innovante et féconde, éprouvée sur le terrain et porteuse d'un espoir immense !
S'agissant de l'aménagement du territoire et du développement durable, si le Gouvernement envisage réellement de soutenir les programmes de recherche en gestion de la biodiversité visant à faire de nos pays des territoires d'excellence environnementale, de favoriser le développement des filières de la pêche et de l'aquaculture et de se préoccuper enfin de la question de la chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, il est difficile de comprendre sa cécité et sa surdité face aux effets néfastes et dévastateurs de l'épandage aérien. François Hollande lui-même ne s'était-il pas engagé pour un « développement des productions locales dans le respect de l'environnement » ? Le principe de précaution, avant de préserver les intérêts économiques, doit par-dessus tout protéger la vie humaine.
Dans le même ordre d'idée, il est facile de caricaturer la défiscalisation et d'analyser ses dispositifs exclusivement en termes d'avantages individuels. Mais au-delà de ces avantages individuels, la défiscalisation n'induit-elle pas des avantages collectifs en termes d'emploi, de soutien au BTP et de logements sociaux ? Si oui, nous ne pouvons pas être favorables à un démantèlement pur et simple de cette défiscalisation sans réflexion, sans diagnostic et sans mesures compensatoires pour nos économies !
Enfin, au-delà du budget, le développement économique, social et sociétal est intimement lié à l'évolution des institutions. Je ne peux pas ne pas rappeler cet engagement de François Hollande, alors en campagne pour l'élection présidentielle, qui disait : « j'accompagnerai loyalement la création de la collectivité unique ». Si, pour le Président, cette loyauté s'écrit avec un « L » majuscule, elle exige alors le respect des termes de la loi pour que la mise en place de la collectivité unique en Martinique soit effective en 2014.