Intervention de Monique Orphé

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Orphé :

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, l'histoire de l'outre-mer a toujours été celle des défis : mettre fin à l'ère coloniale, obtenir l'égalité de traitement, notamment en matière de lois sociales, lutter contre la pauvreté et réduire le coût de la vie, lutter contre le chômage et le mal logement, obtenir une éducation de qualité pour notre jeunesse très nombreuse, lutter contre toutes les violences, notamment celles faites aux femmes.

Les différentes réalités des territoires d'outre-mer sont souvent méconnues, ignorées et, hélas, mal comprises. Nous sommes partis de très loin et nous avons rattrapé certains retards. Néanmoins, il faut bien dire que nous n'avons pas encore réussi à combler le fossé qui nous sépare de la métropole. Les chiffres sont connus, il n'en est pas moins de notre devoir de les rappeler à la représentation nationale, tant ils sont frappants et révèlent une inégalité majeure entre les territoires ultramarins et métropolitains de la République.

À titre d'exemple, le PIB par habitant en métropole est de 35 000 euros alors qu'il n'est de 16 000 euros dans les outre-mer. La métropole franchit cette année le cap des 10 % de chômage, mais les départements d'outre-mer connaissent depuis de nombreuses années un chômage structurel de 30 %. On s'inquiète de la diminution du pouvoir d'achat des Français et de la cherté des produits, mais il faut rappeler que le revenu disponible des ménages ultramarins est en moyenne inférieur de 35 % à celui de l'hexagone et que les produits alimentaires y sont entre 30 % et 50 % plus cher. Les inégalités sont deux fois plus criantes que dans l'hexagone. Beaucoup de ces défis restent encore à surmonter pour réduire les inégalités.

Je ne veux pas, pourtant, donner l'impression de tomber dans le misérabilisme car je porte une ambition pour mon département, comme tous les députés qui sont aujourd'hui dans cet hémicycle. Cette ambition repose sur le fait que tous nos territoires ont des atouts. Je connais la crise dans laquelle nous sommes. Il est d'autant plus essentiel, après dix années de politiques d'abandon, que l'État ne se désengage pas de nos territoires ultramarins. Je me réjouis donc que le Président de la République et le Gouvernement aient respecté leurs engagements.

L'augmentation de 5 % du budget de l'outre-mer est un signe fort adressé aux ultramarins. C'est un budget qui va dans le bon sens et qui prend en compte les réalités locales auxquelles nous devons faire face. La mise à disposition d'un fonds exceptionnel d'investissement de 50 millions d'euros en 2013 et de 500 millions sur la durée de la mandature devrait ainsi nous permettre de commencer à rattraper le retard que nous connaissons en termes d'infrastructures publiques et d'encourager des activités génératrices de croissance économique durable. La déclinaison de la banque publique d'investissement dans nos départements devrait nous permettre d'orienter ces fonds vers des secteurs économiques d'avenir et de soutenir les moyennes et très petites entreprises.

Le maintien de la défiscalisation sur le logement social et la remise à niveau de la ligne budgétaire unique montrent la volonté de ce Gouvernement de s'attaquer à la problématique du logement. L'objectif affiché de construire 6 000 nouveaux logements en 2013 est très encourageant et marque une rupture avec les années précédentes. Nous devons néanmoins continuer à afficher cette ambition car beaucoup reste à faire dans ce domaine. Selon un rapport du Sénat publié il y a quinze jours, ce ne sont pas 6 000 mais 10 000 nouveaux logements sociaux qui devraient être construits chaque année pour répondre aux besoins. À la Réunion, 80 % de la population est éligible à un logement social et 26 000 ménages ne voient pas aboutir leur demande. Or le mal logement est un des facteurs aggravant des inégalités.

Enfin, les dispositifs d'aides et d'exonération en faveur des entreprises devraient permettre de maintenir les emplois et d'accompagner les entreprises qui souffrent encore de la crise. Mais nous savons que le secteur marchand ne suffira pas à absorber notre chômage massif. Ce chômage de masse a du mal à se résorber malgré les politiques publiques. Il nous faudra donc développer le secteur de l'économie sociale et solidaire et tâcher de faire en sorte de disposer d'un nombre d'emplois aidés suffisant pour avoir un traitement social du chômage, d'autant que les collectivités les utilisent pour assurer la continuité du service public.

L'engagement pris à l'égard de l'outre-mer ne doit pas faiblir pendant les cinq ans à venir. Des efforts doivent encore être consentis pour concrétiser le changement promis et plébiscité dans nos départements.

Pour ce faire, les enveloppes financières accordées à l'outre-mer doivent être sanctuarisées. C'est grâce à cette stabilité financière que nous réussirons à construire un nouveau modèle de développement économique et social, un modèle qui mettrait en avant nos atouts et notre savoir-faire, qui dans certains domaines, comme celui des énergies renouvelables, n'est plus à démontrer ; un modèle économique qui rendrait nos territoires plus autonomes et plus performants.

Nous devons cesser de penser notre situation géographique comme un obstacle ; nous devons plutôt la considérer comme un atout qui nous permet de rayonner dans notre environnement régional et national.

C'est par un changement structurel de nos modes de production et de consommation que nous arriverons demain à faire face aux enjeux qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et UDI.)

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