Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, chers collègues, je voudrais saluer l'effort particulier consenti en ces temps difficiles par le Gouvernement pour les crédits de la mission « Outre-mer », et leur ciblage sur les priorités essentielles que sont notamment le logement, la lutte contre l'insalubrité et l'emploi, pour ne citer que celles-là.
Le projet de loi de finances pour 2013 revêt une importance particulière pour Mayotte car, un an avant les bouleversements majeurs que connaîtra ce territoire en 2014, il est le premier budget depuis son avènement au statut de département et région d'outre-mer – car le département de Mayotte est également région d'outre-mer, faut-il le rappeler.
Avant d'aborder les points principaux de mon propos, je veux souligner les efforts qui doivent être réalisés pour disposer des données permettant tout simplement aux parlementaires de Mayotte que nous sommes de pouvoir s'inscrire dans les débats en disposant d'éléments quantitatifs fiables. Souvent, dans les documents de travail, les données sur Mayotte ne sont pas renseignées, non par négligence mais par défaut. Cela ne porterait pas à conséquence s'il n'en résultait pas une sous-estimation, hélas déjà fort ancienne, des besoins de l'île et de sa population. Les estimations du nombre de demandeurs de logements sociaux entre nos deux rapporteurs spéciaux en témoignent puisqu'elles varient de 700 demandeurs pour l'un à 1 250 pour l'autre…
En conséquence, vous me permettrez de rappeler devant la représentation nationale quelques-uns de ces indicateurs.
S'agissant de la question du logement et de l'amélioration des conditions de vie en général, le PIB dans l'île est estimé à 6 500 euros par habitant au maximum – vous noterez une petite différence avec le chiffre donné par mon collègue, M. Boinali Said. Nous sommes donc loin des 15 000 ou 16 000 euros par habitant constatés dans les autres départements d'outre-mer.
Un quart des unités d'habitation n'est pas raccordé au réseau d'eau ou d'électricité et seule une petite minorité l'est à un réseau d'assainissement aux normes. Le taux de précarité des logements, avoisine 40 % du parc et l'insalubrité des espaces habités s'accroît d'année en année, du moins dans certaines zones.
Les efforts budgétaires consentis en ce domaine continueront à rater leur cible tant que l'on n'aura pas dans le même temps résolu les questions de l'allocation au logement – les parlementaires de Mayotte viennent de saisir le Gouvernement à ce sujet –, de la création d'un outil d'aménagement foncier et de la mise en place effective d'un Fonds régional d'aménagement foncier urbain, pourtant actée il y a deux ans par un décret qui semble être resté dans les tiroirs. En tant qu'ancien président de la Société immobilière de Mayotte, je peux vous dire que depuis plusieurs années, la production de logements sociaux dans l'île est presque à l'arrêt.
S'agissant de la bataille pour l'emploi, il convient également de préciser quelques données. Les chiffres officiels publiés par l'INSEE font état d'un taux de chômage de 17 % de la population active. Ce taux, qui est notoirement à côté de la réalité, ne peut évidemment pas servir de fondement à l'action gouvernementale en matière de politique de l'emploi à Mayotte, politique qui se fait attendre sur notre territoire depuis des années.
Je me réjouis toutefois des avancées que nous avons enregistrées. Je pense notamment au dispositif d'exonération de charges qui a été étendu à Mayotte par de récentes ordonnances alors que, dans le même temps, les cotisations patronales et salariales sont en augmentation progressive sous la pression des demandes d'alignement des prestations sociales. L'efficacité de ces mesures d'exonération requiert de la visibilité.
Le dispositif de soutien à l'emploi ne pourra être complet et efficace qu'à l'issue de la réforme fiscale et douanière prévue pour le 1er janvier 2014. À la page 292 du document de politique transversale concernant l'outre-mer, je note que cet objectif est réaffirmé. À ce stade, il est souhaitable que les parlementaires, les maires et le conseil général soient associés à la réflexion sur la mise en place de la fiscalité locale si importante pour les finances de nos collectivités. Cette visibilité est également réclamée par tous les investisseurs qui souhaitent opérer à Mayotte. La population et les entreprises doivent commencer à être informées de ce qui se passera dans quatorze mois.
Je salue la volonté de relance de l'investissement public affirmée dans ce budget. Elle correspond à un engagement du Président de la République en faveur des outre-mer. Relancer la croissance dans nos collectivités d'outre-mer, c'est réaliser les investissements publics indispensables en termes de transports, de réseaux de télécommunication, notamment avec le haut débit. Mais relancer l'investissement public chez nous, c'est tout simplement parvenir à scolariser tous nos enfants à tous les niveaux en construisant des établissements scolaires de toute nature. Nous en sommes loin. C'est pourquoi l'action de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité est primordiale : il serait juste de préserver ses moyens.
Au moment où nous examinons le projet de loi de finances pour 2013, qui marque le volontarisme du Gouvernement à l'égard de l'outre-mer, au moment où nous nous apprêtons à décider de mesures nouvelles qui devront, pour certaines d'entre elles, être mises en oeuvres en partenariat avec nos collectivités locales, je voudrais rappeler que le redressement financier du département de Mayotte dans un dialogue constructif entre l'État et le département est un impératif économique et social sans lequel l'exécution budgétaire d'un certain nombre de ces mesures serait compliquée, à l'exemple de l'exécution acrobatique de l'actuel contrat de projet État-Mayotte 2008-2013. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et UDI.)