Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la crise est toujours là, plus tenace que jamais. Elle s'éternise au point d'affoler.

Les intérêts en jeu sont tellement antagoniques que ressurgit le spectre des agences de notation, toujours à l'affût, et d'une dégradation sentencieuse frisant l'humiliation. Ce n'est vraiment pas ce que je souhaite au Gouvernement.

L'essentiel c'est de réussir au mieux et au plus vite, avec le moins de casse possible pour les catégories sociales les plus défavorisées.

Il faut savoir que la crise n'a pas épargné la Martinique contrairement à ce qui avait été prédit. Elle a transpercé tous les prétendus boucliers réputés protecteurs. La quasi-totalité des indicateurs économiques et sociaux est au rouge vif.

Le chômage des jeunes de quinze à vingt-cinq ans gravite autour des 65 %. C'est une calamité.

Sur une population de 400 000 habitants, on compte pratiquement 50 000 chômeurs soit un huitième du total. C'est un fléau. Le travail est devenu une denrée très rare.

Et comme une catastrophe en entraîne une autre – chez nous, on dit pli ou déchiré pli chen ralé'w – la conférence économique et sociale de Martinique, qui s'est tenue en préfecture le 30 octobre 2012, confirme la forte augmentation des liquidations des entreprises enregistrées au tribunal mixte de commerce – elles représentent 80 % des dossiers de redressement présentés. C'est un champ de ruines et la liste des avis d'obsèques est loin d'être close.

Il y a aussi l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité qui se trouve en super-difficulté financière avec 9 millions d'euros de découvert, 500 000 euros d'agios et 13 millions d'euros de dettes envers ses fournisseurs. Aujourd'hui, la formation des individus qu'elle a en charge en pâtit.

À tout cela s'ajoute, comme une démesure, le vieillissement de la population, amplifié par l'exode des forces vives hors du pays et le retour au bercail de personnes âgées.

Ce n'est pas flageller ce Gouvernement que de lui rappeler ces problèmes lancinants.

Pour ne pas être en reste, le conseil d'administration de la Caisse générale de sécurité sociale annonçait le 30 juin 2012, un niveau de dettes sociales de 60 millions d'euros – vous avez bien entendu ! –, pour les seules administrations et collectivités territoriales. Imaginez un seul instant, que la caisse générale de sécurité sociale, déclenche le recouvrement général… Le glas sonnerait immédiatement pour les entreprises de moins de dix salariés concernées par 30,54 % des restes à recouvrer du secteur privé.

Le budget 2013 de la mission « Outre-mer » est-il à la hauteur un tel tableau, non exhaustif pour autant ? Répond-il conséquemment aux attentes d'aujourd'hui ?

« Oui ! » répondent en choeur ceux qui se réfèrent à l'augmentation de 5 % des dotations budgétaires et au maintien du plafond de la défiscalisation – sauvée in extremis parait-il – à 18 000 euros + 4 %. Mais ces deux exceptions, qu'il faut apprécier à leur juste valeur, ne sont pas des fondements pérennes d'une politique exceptionnelle. Rappelons que la défiscalisation a été mise à l'index par la Cour des comptes dans son rapport de février 2012.

Le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, dont ce n'était peut-être pas le rôle, a déclaré, lors de sa visite à la Réunion il y a une quinzaine de jours, que « la situation des finances publiques et les engagements pris vis-à-vis de l'Europe ne laisseront guère la place à de nouvelles mesures de défiscalisation ». M. Jean-François Roubaud poursuit ainsi : « l'outre-mer a obtenu un sursis jusqu'en 2013 [...] Nous avons devant nous plusieurs années de rigueur budgétaire et il ne s'agira pas pour les chefs d'entreprises d'attendre des aides de l'État. »

Pour compléter le panorama, une étude de l'INSEE publiée le 3 février 2011 annonce : « D'ici à cinq à dix ans, près de 50 000 personnes partiront à la retraite et contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, le remplacement par des personnes au chômage n'est pas mécanique [...] On va se trouver face à une difficulté concernant l'effectif de la population active. Si on veut maintenir un certain dynamisme économique à la Martinique, on n'aura pas d'autre choix que de favoriser l'installation de personnes venues d'ailleurs. »

Avant de conclure, je mentionnerai encore et encore que notre territoire est pollué à l'excès, que l'on y dénombre 500 cas de cancers de la prostate et 150 décès chaque année, que l'immobilier est, c'est le cas de le dire, immobilisé – il manque au minimum 10 000 logements sociaux pour répondre aux besoins les plus criants –, et que le pays a été vidé et dévitalisé. N'est-ce pas un deuxième BUMIDOM qui ne dit pas son nom ? C'est en tout cas échec et mat d'une politique assimilationniste à tous crins.

Monsieur le ministre, avec le zèle d'un néophyte, que je comprends, vous répétez sans cesse que l'État est de retour. S'il s'agit d'une tentative de restauration du système actuel arrivé à bout de souffle, sachez que je ne soutiendrai pas cette démarche, vous le savez bien ! S'il s'agit au contraire de responsabiliser en vue d'émanciper, alors ne tardez pas à mettre en place en 2014 l'Assemblée unique comme le prévoit expressément la loi !

Ne jetez pas à la porte ce qui a été voté ici même par l'Assemblée, notamment par ceux qui prétendent aujourd'hui vouloir délibérément reporter l'échéance ! Permettez-moi de vous donner un conseil amical : s'il est si facile de modifier les choses, pourquoi ne pas avancer la date à 2013 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

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