Intervention de Victorin Lurel

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

Enfin, une déclinaison spécifique de la Banque publique d'investissement dans chaque département et territoire d'outre-mer doit permettre non seulement de garantir, comme le Président de la République l'a souhaité, l'accès à l'ensemble des prestations offertes dans l'Hexagone, mais aussi et surtout des réponses adaptées et pertinentes aux besoins des entrepreneurs qui souhaitent se développer dans les outre-mer.

Troisième priorité : la jeunesse et l'insertion socioprofessionnelle. Il s'agit là, comme pour l'investissement public, de préparer l'avenir de nos territoires, d'assurer leur désenclavement, leur cohésion sociale et l'accompagnement des évolutions démographiques auxquelles ils doivent faire face.

Le service militaire adapté – qui ne doit pas être le seul instrument dédié à l'insertion de la jeunesse – a prouvé son efficacité en offrant une formation à caractère éducatif et professionnel aux jeunes ultramarins et a permis d'atteindre un taux d'insertion de 76 %. La montée en puissance de ce dispositif vers l'objectif « SMA 6 000 » sera accompagnée par une augmentation de 40 % des autorisations d'engagement en investissement en 2013. Ainsi, plus de 5 000 stagiaires seront accueillis au sein du dispositif ; l'objectif des 6 000 stagiaires devrait être atteint fin 2015 – j'y reviendrai.

L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité est désormais l'opérateur unique des politiques de formation professionnelle et d'accès à l'emploi au profit des ultramarins. La sanctuarisation des moyens d'intervention de l'Agence en 2013 permettra d'engager 4 600 mesures nouvelles de formation en mobilité pour les jeunes et d'aider plus de 100 000 personnes à effectuer les trajets vers l'Hexagone que rendent nécessaires des raisons familiales, d'études ou de formation professionnelle.

Quatrième priorité : la bataille de l'emploi, pour laquelle le Gouvernement se mobilise fortement sur tout le territoire, en particulier dans les outremer. Elle se traduit par des moyens accrus dévolus à la politique d'allégement et d'exonération de charges des petites entreprises intervenant dans des secteurs ou dans des zones prioritaires.

Ces moyens – 1,157 milliard d'euros – seront en hausse de 8 % en 2013. Près de 70 000 établissements bénéficieront de cette mesure qui contribuera au maintien ou à la création d'emplois. Grâce à la réduction du coût du travail qu'elle permet, nous voulons renforcer la « compétitivité » de nos entreprises. Le mot est à la mode, mais le Gouvernement lui donne là une traduction concrète.

L'emploi, vous le savez, est l'une des trois priorités que le Premier ministre a fixées pour les outre-mer dans son discours de politique générale, avec la lutte contre la vie chère et l'ambition pour la jeunesse.

Nous devons mobiliser tous les outils pour permettre aux entreprises de créer des emplois, y compris les dispositifs incitatifs à l'investissement tels que la défiscalisation. Ceux-ci ne figurent pas dans le budget de la mission « Outre-mer », mais je tiens à saluer la décision prise en sagesse par le Premier ministre de maintenir pour 2013 leur attractivité dans les outre-mer, conformément à l'engagement du chef de l'État. Cela est écrit en lettres de feu dans un petit opuscule ! Je dis « en sagesse », car toute autre décision aurait conduit à assécher des flux d'investissements, sans lesquels de très nombreux projets structurants et créateurs d'emplois et d'activités n'auraient jamais pu voir le jour.

Ce choix politique n'est pas un traitement de faveur. Il se justifie par la situation économique et sociale très difficile des outre-mer, où les banques, trop souvent, ne jouent pas le jeu, où les fonds européens s'avèrent plus difficiles à mobiliser, où l'épargne locale est investie ailleurs et où l'État, ces dernières années, a réduit ses concours.

Si certaines critiques sont légitimes, les dispositifs de défiscalisation sont presque exclusivement présentés de manière caricaturale et biaisée. On ne met en lumière que leur coût ou les abus auxquels ils ont pu donner lieu, sans considération pour les nombreuses mesures de rabot ou de moralisation dont ils ont fait l'objet au fil des ans. Ces critiques, surtout, ne tiennent pas compte des effets de ces dispositifs sur le dynamisme d'économies ultramarines en pleine crise, pour lesquelles ils constituent bien souvent la seule bouffée d'oxygène.

Nous avons eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises depuis hier soir et chacun d'entre vous a fait part de ses préoccupations. Je le répète, l'année 2013 sera mise à profit pour évaluer ces dispositifs, dans la concertation et avec pragmatisme. Il s'agira de penser leur évolution afin que, par une meilleure allocation des ressources, ils puissent améliorer le financement de nos économies. Nous ne perdrons pas de vue l'ambition que nous partageons tous : créer les conditions pour une relance du développement économique des outre-mer, vers une croissance durable, créatrice d'emplois.

Permettez-moi de développer ma pensée sur ce sujet. J'ai entre les mains le tableau des dépenses fiscales sur impôts d'État, présenté en annexe du document de politique transversale, le DPT. On peut y lire que ces dépenses s'élèvent à 2,769 milliards pour 2013, contre 2,895 milliards pour 2012 et 2,867 milliards pour 2011. Ces 2,8 milliards – arrondissons – comprennent 1,255 milliard de différentiel de TVA, le taux normal de TVA étant dans les outre-mer de 8,5 % et le taux réduit de 2,1 %.

Est-il inadmissible de légitimer cette différence de taux, autorisée depuis très longtemps par la sixième directive ? Est-il illégitime que la TVA n'existe pas en Guyane ? Ne peut-on pas affirmer que la fiscalité en vigueur dans la région Ile-de-France – l'une des plus riches d'Europe – ne peut s'appliquer à Mamoudzou, à Cayenne, à Saint-Denis, à Fort-de-France ou à Pointe-à-Pitre ? Pourquoi inclure dans les dépenses fiscales 104 millions d'euros au titre de l'exclusion des départements d'outre-mer du champ d'application de la TICPE – l'ancienne TIPP –, alors que le montant de la taxe spéciale de consommation sur les carburants (TSC), qui s'applique outre-mer, est autrement plus important ?

Par ailleurs, je veux rappeler devant la représentation nationale que sur les 410 millions d'euros de dépenses fiscales entraînées par le Girardin industriel, l'opération de l'usine métallurgique de Koniambo, dans la province Nord de Nouvelle-Calédonie, a représenté 330 millions d'euros. Une seule opération, pour un seul territoire, imputée sur une enveloppe destinée à douze territoires !

La défiscalisation, à en croire certains parlementaires et de nombreux journalistes, est absolument inadmissible. Mais ils ne l'analysent que sous le biais de l'avantage individuel – moyen d'évasion fiscale pour les riches contribuables investisseurs de la métropole – sans jamais prendre en compte les avantages collectifs, le financement global d'une économie sous-financée et sous-capitalisée. Il est difficile de leur répondre, lorsque l'on dispose d'une demi-seconde pour s'exprimer sur un sujet éminemment technique. Mais il faut user de pédagogie et faire toute la lumière sur cette question.

Les dépenses fiscales à destination des outre-mer comprennent aussi 265 millions d'euros au titre de la réduction d'impôts sur les investissements dans le logement libre et intermédiaire. Il s'agit d'une enveloppe résiduelle, puisque cette mesure a été supprimée par le gouvernement de François Fillon.

On ne peut citer les chiffes sans disposer d'analyses préalables, associant l'ensemble des partenaires et des acteurs.

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