Intervention de Victorin Lurel

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

Le principe est absurde, j'en conviens.

Un groupe de travail a néanmoins été constitué par Guyane Technopole, le CIRAD, la Maison de la forêt et des bois de Guyane et l'IRD. La problématique actuelle est le coût de la certification – tenez-vous bien – de l'alimentarité des bois guyanais et le prix de vente de ces bois qui apparaît démesuré face aux enjeux de marché. Une réunion du groupe de travail est prévue le 12 novembre à onze heures pour débattre des suites à donner à la question et arrêter une position économique.

Vous avez conclu, monsieur le président Ollier, sur la jeunesse. Vous avez énoncé des pistes intéressantes, certes. L'apprentissage est une priorité du Gouvernement, au point que le Premier ministre l'a rappelé hier dans le cadre des annonces sur la compétitivité.

Je tiens ensuite à remercier le rapporteur pour avis Serge Letchimy pour son soutien constant et éclairé, ainsi que pour sa riche contribution à notre discussion. Je réponds aux questions posées après vous par les députées Huguette Bello et Annick Girardin : l'enveloppe de 50 millions d'euros programmée pour 2013 constitue la première concrétisation de l'engagement du Président de la République de consacrer 500 millions d'euros à l'investissement en outre-mer pendant le quinquennat. Ce programme doit concerner tous les territoires et sera mis en oeuvre dans le cadre d'une concertation avec les collectivités territoriales.

Il s'agit de concentrer les crédits sur des opérations majeures au regard du développement économique et des conditions de vie des populations. Il s'agit également d'accélérer, en ces domaines, la réalisation de projets à fort impact sur l'emploi et la commande publique. Je réunirai dans quelques jours les préfets afin qu'ils lancent la concertation avec les collectivités territoriales sur la programmation des opérations mais aussi sur la stratégie Europe 2020, que vous connaissez bien.

En matière de rénovation de l'habitat insalubre, je sais combien le sujet vous tient à coeur car, monsieur Letchimy, vous êtes à l'origine d'une belle et importante loi. J'ai tenu à ce qu'elle bénéficie d'un élan nouveau. Il a fallu se battre pour cela et les décrets d'application sont sur le point d'être signés. C'est notamment le cas de l'arrêté de barème dont nous avons voulu qu'il s'aligne sur votre position en ce qui concerne les plafonds d'aides. Ce dispositif a un coût qu'il faudra assumer et c'est toute la difficulté de l'arbitrage.

Quant à la part actuellement représentée par la résorption de l'habitat insalubre dans la ligne budgétaire unique, il s'agit d'une répartition prévisionnelle et vous savez mon attachement à cette politique. Je veillerai à redéployer les crédits en gestion si les besoins devaient le justifier.

En ce qui concerne l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, LADOM, sujet qui a suscité des interrogations chez plusieurs députés, le budget pour 2013 traduit la sanctuarisation et le renforcement des moyens d'intervention de l'Agence. En effet, les moyens dédiés à la continuité territoriale sont en augmentation tandis que les crédits dédiés à la formation professionnelle sont maintenus. Par ailleurs, l'Agence est confortée dans son rôle d'opérateur des politiques de formation professionnelle en mobilité. La signature prochaine du nouveau contrat de performance permettra à l'État de réaffirmer la confiance qu'il a dans son opérateur et dans les personnels qui en mettent en oeuvre les missions.

Il est vrai qu'à l'instar de l'ensemble des opérateurs de l'État, LADOM devra fournir un effort de productivité se traduisant par une évolution de la subvention versée en conformité avec la norme de droit commun appliquée à l'ensemble des ministères et à leur opérateur sur leurs dépenses de fonctionnement. Cet effort n'obérera pas la capacité de LADOM à conduire sa mission.

C'est l'occasion pour moi de rectifier quelques petites erreurs. Les effectifs actuels de LADOM ne sont pas de 150 personnels mais de 138 et seront de 127 en 2015, soit onze ETP de moins sur le triennal. En outre, en ce qui concerne les légères diminutions de crédits en matière de fonctionnement, la gestion sera améliorée, notamment en matière d'opérations immobilières. Il est question de revoir le siège social, possédé en pleine propriété par LADOM. L'installation de LADOM au ministère de l'outre-mer est en discussion, ce qui représenterait une économie de plus de 600 000 euros – et réglerait le problème que vous évoquiez, notamment de trésorerie.

Dans le contexte budgétaire difficile souligné par plusieurs députés, les crédits en faveur des dispositifs les moins sollicités ont été ajustés aux consommations réellement constatées durant les deux dernières années. La vérité commande de dire que l'aide au fret et l'aide à la rénovation hôtelière ne fonctionnent pas comme attendu avec, depuis leur mise en place, des consommations inférieures aux dotations budgétaires. Il est donc important d'identifier les raisons pour lesquelles les acteurs économiques les sollicitent à ce niveau et de les adapter aux besoins réels des économies des outre-mer. J'ai demandé à mes services de réaliser, en lien avec les préfets concernés, un bilan d'exécution de ces deux dernières années afin de déterminer l'évolution possible de ces deux dispositifs. Nous pouvons avancer une première explication : les décrets ont été pris très en retard et l'on a eu du mal, dans les territoires, à mettre en mouvement ce dispositif.

Sur l'épandage aérien, il me semble que votre point de vue, responsable, converge avec la position du Gouvernement qui consiste à rechercher les solutions alternatives afin d'en finir avec cette pratique. J'ai eu à rappeler la doctrine et l'action du Gouvernement en la matière, doctrine fixée par la conférence environnementale et ici même par Stéphane Le Foll, ministre concerné, dans une réponse à un député.

D'abord, nous sommes contre les dérogations en faveur des épandages aériens. Avant d'en finir avec cette pratique, il s'agit de dresser un bilan des dérogations octroyées. Ensuite, en ce qui concerne le Banol, spécifique à la bouillie répandue sur la canopée de nos bananeraies, avant de prendre une décision, nous attendons les conclusions du rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES.

Les préfets ont néanmoins déjà pris une décision : nous étions sûrs de notre bon droit. En fonction des documents aujourd'hui en notre possession, rien ne prouve la toxicité des fongicides utilisés ni de l'huile adjuvant le fixateur. Face au principe de précaution que nous appliquons – il est inscrit dans la Constitution –, face au nécessaire besoin de défendre la santé publique et de protéger l'environnement, il y a le principe de réalité : 200 000 tonnes de bananes en Martinique et 60 000 à 70 000 tonnes en Guadeloupe. Par ailleurs, à l'arrière-plan, les vignes, le maïs sont également concernés, ce qui représente près de 100 000 hectares dans 66 départements métropolitains.

Il convient de nous montrer pragmatiques sans pour autant être aveugles, pour reprendre le terme de Jean-Philippe Nilor. Nous prendrons une décision dès lors que nous disposerons des premiers éléments qui la rendront possible. On m'oppose souvent l'éthique de conviction, formulée par Max Weber ; eh bien, Max Weber évoquait également l'éthique de responsabilité. Aussi agissons-nous de façon responsable, en connaissance de cause et en vérité.

Je veux remercier le rapporteur pour avis René Dosière, l'un des meilleurs connaisseurs de nos collectivités du Pacifique. Il m'a prié d'excuser son absence ce matin. En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, le dixième comité des signataires se tiendra le 6 décembre sous la présidence du Premier ministre. Le travail de préparation est déjà engagé avec les partenaires locaux de l'État, même si je me heurte à une petite opposition de la part du président du gouvernement calédonien.

Outre le bilan, traditionnel, des trois comités de pilotage instaurés par les précédents comités des signataires – bilan de l'accord de Nouméa, avenir institutionnel, comité stratégique industriel –, le Gouvernement tient notamment à ce que deux sujets soient abordés : l'accompagnement des transferts de compétences et la problématique de la vie chère.

Il importe en effet que l'État montre à ses partenaires calédoniens qu'il est prêt à mettre en place les dispositifs nécessaires à l'exercice effectif, par la Nouvelle-Calédonie, des compétences en cours de transfert – droit civil, droit commercial notamment – mais aussi des compétences dites facultatives, dont le transfert est subordonné à une demande en ce sens du Congrès.

Plus encore, le Gouvernement souhaite aider la Nouvelle-Calédonie à mettre à jour certaines branches du droit qui, depuis leur transfert, n'ont été que peu ou pas actualisées, c'est le cas du droit des assurances. Par ailleurs, le Gouvernement souhaite, en abordant la problématique de la vie chère, réfléchir avec ses partenaires aux modalités de transposition à la Nouvelle-Calédonie de celles des dispositions de la loi sur la vie chère qui relèvent de sa compétence, mais aussi aux éventuelles modifications de la loi organique statutaire qui seraient nécessaires, dans ce domaine, pour créer une autorité de la concurrence locale indépendante.

J'ai bien noté, par ailleurs, l'inquiétude de M. Dosière quant à l'évolution de l'économie de la Polynésie française. L'État a décidé d'accompagner la Polynésie française dans une démarche concertée de redressement des finances et de relance de l'investissement tout au long d'une période déterminée. C'est le sens de la convention signée entre l'État et la Polynésie le 29 octobre à Paris. Je me suis engagé en ce sens. Mais je veux à présent un pilotage plus resserré, plus efficace et plus constant de ce processus.

Monsieur le rapporteur pour avis Alfred Marie-Jeanne, vous avez à juste titre souligné combien, dans toute société démocratique, l'accès au droit est une – pour ne pas dire la – condition de l'adhésion de tous au pacte social. Vous avez évoqué ensuite les difficultés de l'organisation judiciaire qui, dans nos outre-mer, sont susceptibles de remettre en cause la bonne application de ce pacte social.

En ce qui concerne l'insuffisance de structuration et la fragilité du réseau de l'accès au droit dans les outre-mer, il est vrai que nous constatons une difficulté de structuration du tissu associatif local, tout particulièrement en Guyane et à Mayotte. Mais ce n'est pas faute de crédits attribués aux cours d'appel ; leur augmentation est constante mais ces crédits ne sont pas utilisés du fait de l'insuffisance d'associations locales.

L'État ne peut évidemment pas se substituer aux associations dans la participation partenariale conduite dans le domaine de l'accès au droit, mais j'ai obtenu confirmation de la part de la chancellerie qu'elle apportera son soutien financier aux initiatives qui seront prises dans ce domaine.

Vous soulignez ensuite combien les juridictions de Martinique pâtiraient des conséquences de la réforme de la carte judiciaire, avec une baisse des effectifs de magistrats et de greffiers respectivement de 40 % et de 30 %. Je veux tout d'abord rassurer le rapporteur pour avis sur la baisse des effectifs affectés à la cour d'appel de Fort-de-France, laquelle résulte directement de la création de la cour d'appel de Cayenne à compter du 1er janvier. Si l'on additionne, pour 2012, les effectifs de la cour d'appel de Fort-de-France à ceux de la cour d'appel de Cayenne, ils restent globalement stables pour les magistrats et ont été augmentés de huit personnes pour les greffiers. Concernant l'impact de la réforme de la carte judiciaire, la garde des sceaux a indiqué qu'elle examinerait la situation ressort par ressort pour apporter toutes les réponses pertinentes. Il en sera ainsi, naturellement, de la cour d'appel de Fort-de-France.

Comme l'indique votre rapport, l'ensemble des cours d'appel a connu une augmentation du nombre de postes de magistrats et de greffiers. Les DOM souffrent malgré cela d'un manque d'attractivité des postes offerts. La chancellerie a donc engagé une action pour s'assurer que ces prises de postes s'effectuent dans les meilleures conditions. Le ministère travaille également avec les autres ministères pour faciliter le départ simultané du conjoint lorsque celui-ci est fonctionnaire.

Enfin, le rapporteur pour avis relève la situation particulière de deux territoires, la Guyane et Mayotte.

S'agissant de la Guyane, il n'y a effectivement qu'un seul avocat à Saint-Laurent-du-Maroni ; il est néanmoins difficile, pour la Chancellerie, de se substituer aux avocats dans le choix de l'installation de leur cabinet. En ce qui concerne Mayotte, on m'a effectivement indiqué que certains avocats avaient refusé d'assurer des missions d'aide juridictionnelle. Le président de la conférence des bâtonniers a été saisi de ce problème et une mission a été diligentée à Mayotte pour rappeler les avocats à leurs obligations.

Monsieur le député Bernard Lesterlin, merci pour votre soutien, et plus largement, pour celui du groupe SRC, au nom duquel vous êtes intervenu. Oui, le Gouvernement souhaite remettre les outre-mer au coeur de sa politique, après des années de recul de l'effort de l'État en faveur de ces territoires. Je tiens à vous assurer que, désormais, le ministère tient enfin toute sa place en interministériel. Cela est dû, non seulement à notre vigilance et à notre travail, mais également à un soutien sans faille du Premier ministre et de mes collègues du Gouvernement : le fait d'avoir, conformément aux engagements du Président de la République, un correspondant dans chaque ministère nous aide beaucoup.

Les outre-mer gagnent enfin des arbitrages, grâce notamment à votre soutien et à votre vigilance, mesdames et messieurs les députés : le Gouvernement se sait observé.

Vous avez insisté, comme d'autres, sur la jeunesse, le service militaire adapté et la mobilité. Je connais votre attachement à ces sujets et votre action pour promouvoir le service civique : s'agissant de celui-ci, vos propositions seront les bienvenues, notamment pour éviter toute difficulté d'articulation entre les emplois d'avenir et le service civique.

M. le député Didier Quentin ne peut assister à cette séance et il s'en est excusé. Même si je regrette qu'elle se fonde sur un procès d'intention, je prends acte de sa position et celle adoptée par son groupe, qui va apparemment s'abstenir. Je l'en remercie tout de même, puisque M. Quentin a dit qu'il s'agissait d'une abstention constructive.

J'ai pris bonne note de l'attachement de M. Quentin aux dispositifs incitatifs à l'investissement dans les outre-mer. Nous avons engagé une réflexion, je l'ai dit hier, qui vise à préserver les flux d'investissement qui sont orientés aujourd'hui vers nos territoires. On connaît d'ailleurs l'attachement et la fidélité de Didier Quentin aux territoires, régions et départements d'outre-mer.

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