Intervention de Victorin Lurel

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

Vous avez attiré mon attention sur l'application de la loi relative à la régulation économique outre-mer pour les petits producteurs. Sachez que j'aurai l'occasion d'aller à leur rencontre au cours de mon déplacement chez vous en fin de semaine.

Je sais qu'à la Réunion, l'annonce de l'ouverture sur le bassin économique, et particulièrement aux pays voisins, a créé beaucoup d'émoi. Il n'est pas question de le faire sans réciprocité, car toute ouverture asymétrique pose problème. C'est d'ailleurs le sens de la mission qui a été confiée à Serge Letchimy dans le cadre de l'article 349 du TFUE : réfléchir aux moyens de s'ouvrir, de déroger au droit commun et, s'il le faut, élaborer de nouveaux POSEI, les programmes d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, tels que le POSEI tourisme, le POSEI bois en Guyane, le POSEI pêche que mon collègue Frédéric Cuvillier vient d'obtenir et qu'il faudra encore améliorer sur deux ou trois petits éléments.

Vous avez émis l'idée, qui me paraît excellente, d'une participation des commissions parlementaires à l'évaluation de la défiscalisation.

Monsieur le député Serville, merci pour votre appui. Il est critique, mais il est clair. Vous avez effectivement noté le doublement des crédits pour la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane qui viennent, je le rappelle, en complément des moyens mobilisés par le ministère de la défense et le ministère de l'intérieur. Vous le savez également, la stratégie de lutte contre l'orpaillage est une préoccupation quotidienne du Gouvernement.

Enfin, vous appelez mon attention sur le fait que le SMA, seul, n'est pas en mesure de répondre aux multiples défis de l'apprentissage et de l'insertion. Je ne peux que partager ce point de vue : il y a beaucoup à faire avec d'autres dispositifs, tels que les écoles de la deuxième chance. Des initiatives locales peuvent également être prises : dans une vie antérieure, j'en ai réalisé trois, je sais donc que l'on peut mobiliser des énergies localement.

L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité figure également parmi mes priorités. Ses moyens d'intervention sont sanctuarisés. LADOM doit renforcer ses liens avec les collectivités territoriales et trouver la bonne articulation. Ce sera l'un des aspects forts du nouveau contrat de performance avec l'État.

Je saisis cette occasion pour répondre précisément à votre suggestion d'affectation des recettes issues de la conversion des 162 kilogrammes d'or rapatriés. Il ne s'agit d'ailleurs pas de 162 mais de 107 kilogrammes, estimés à 6 millions d'euros. Nous pourrons effectivement étudier avec la garde des sceaux la faisabilité d'une affectation partielle aux moyens de lutte contre l'orpaillage clandestin, ou toute autre affectation en lien avec cet objectif.

Monsieur le député David Vergé, je vous remercie pour votre soutien sans faille. J'ai bien noté votre satisfaction quant au maintien des crédits relatifs au programme « quarante cadres » et aux chantiers de développement local. Il s'agit en effet de deux dispositifs importants de notre action en faveur de Wallis-et-Futuna.

Vous n'avez pas évoqué le problème de l'électricité, ni celui du contrat social. Le président de la commission des affaires économiques de cette assemblée a manifesté son intérêt pour cette question et le Premier ministre lui-même a déclaré qu'au-delà du droit et des problèmes statutaires, il s'agissait d'un problème politique pour les Français et qu'il faudra trouver les voies et les moyens pour le régler. Nous nous y attelons.

Quant au projet de SMA à Wallis-et-Futuna, il reste à l'étude et il a vocation à s'inscrire dans les projets de développement du SMA, tout comme c'est le cas pour Saint-Martin.

Wallis-et-Futuna ne seront pas des territoires oubliés dans les priorités du ministère, qui a engagé des actions concrètes en ce sens. L'attention du Gouvernement, et la mienne en particulier, ne faiblira pas : je vous le garantis.

Madame la députée Gabrielle Louis-Carabin, merci pour votre soutien indéfectible.

La jeunesse, vous l'avez rappelé, est une priorité du quinquennat. Les emplois d'avenir sont l'un des dispositifs que le Gouvernement a tenu à mettre en oeuvre dès les premiers mois de son action. Une première estimation aboutit au chiffre de 1 500 emplois. Je tiens à préciser, notamment à Serge Letchimy, qui est très intéressé par cette affaire, qu'il y a un droit de tirage. Je sais que vous auriez préféré avoir un contingent affecté, mais c'est un droit de tirage en fonction de la consommation qui a été retenu, car lorsqu'un contingent est affecté, il n'est pas toujours atteint. Cela a d'ailleurs été la cause de quelques crispations avec une collectivité de l'île de La Réunion. Nous aurons donc à faire le point avec les deux collectivités majeures de La Réunion

Les outre-mer, fortement touchés par le chômage des jeunes, seront dotés – c'est la volonté du Gouvernement – en tenant compte de cette prégnance. C'est pourquoi près de 10 % de la dotation nationale reviendront à ces territoires. Les caractéristiques particulières de ce chômage endémique devraient, pour une fois, leur être favorables.

Vous avez tout à fait raison d'évoquer également, tout comme l'a fait votre collègue Monique Orphé, la future banque publique d'investissement comme levier d'action. Elle est en effet un enjeu fondamental pour les outre-mer.

La mise en oeuvre de la BPI se fera selon le droit commun dans les DOM et, pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna, le Gouvernement procédera par ordonnances sous neuf mois.

Pour les outre-mer, le dispositif sera recentré sur les PME et les TPE. Sa doctrine d'intervention sera adaptée aux particularités des entreprises ultramarines. Il sera aussi tenu compte de la spécificité des acteurs du financement de l'économie déjà présents dans les territoires, en particulier l'AFD et les sociétés de capital-risque existantes.

Nous ne voulons pas d'une BPI bureaucratique. Nous voulons qu'elle permette un saut qualitatif dans l'adéquation des produits aux besoins locaux. L'implication des régions dans la gouvernance devrait en être le garant. D'ailleurs, des instructions seront données aux préfets afin que tous les engagements qui ont été pris ces derniers jours en matière de compétitivité soient intégrés dans les conférences économiques et sociales. Une réflexion est donc en cours pour adapter ces nombreux dispositifs proposés par le Premier ministre.

Le photovoltaïque est autre sujet d'importance. En 2011, la réduction des avantages fiscaux pour le secteur à hauteur de 270 millions d'euros, et des avantages tarifaires pour le raccordement au réseau d'EDF ont brutalement mis à mal un pan prometteur de l'économie, notamment outre-mer. Le Gouvernement précédent s'était engagé à proposer des pistes pour redynamiser le secteur, mais ce n'est pas advenu.

C'est un chantier ouvert qui est important aux yeux du Gouvernement car il y va de la transition écologique et énergétique que nous souhaitons, pour laquelle les outre-mer doivent faire valoir leurs atouts en matière d'énergies renouvelables.

Madame la députée Chantal Berthelot, je suis sensible au soutien que vous apportez à l'action du gouvernement et à ce budget.

Vous avez notamment évoqué la réforme du code minier engagée sous la conduite de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Mme Delphine Batho. Grâce à votre intervention, le comité de rédaction s'appuie sur un collège outre-mer qui fait partie intégrante du comité de concertation qui se réunit régulièrement depuis le début du mois d'octobre. Nous avons bon espoir d'aboutir à un texte dès le début de l'année prochaine, mais quelques soucis subsistent sur les questions de détention et les infractions nouvelles, et nous travaillons à les régler avec la chancellerie.

Vous avez également évoqué les problèmes de sécurité et de lutte contre les violences. En fin de semaine la création d'une zone de sécurité prioritaire à Kourou sera officiellement annoncée.

Monsieur le député Nilor, je suis toujours attentif à vos propositions qui sont défendues avec passion et conviction.

Vous avez abordé plusieurs points, mais je tiens à revenir sur la question de l'épandage. J'ai déjà eu l'occasion de dire que nous préparons la sortie du traitement aérien, comme l'a annoncé le Premier ministre lors de la conférence environnementale. Une partie des crédits récemment débloqués par l'Union européenne sera fléchée vers le financement de solutions alternatives.

Beaucoup de polémiques ont été agitées ces dernières semaines, ma petite personne en sait quelque chose ! Sur ce sujet, chacun doit faire preuve de responsabilité. Il est facile de camper dans des attitudes protestataires, mais nous sommes dans l'exercice des responsabilités. Je n'ignore pas les enjeux.

Le plan banane durable a permis de faire baisser significativement l'utilisation des fongicides. Aujourd'hui, soyons-en conscients, la banane produite aux Antilles est la plus propre du monde, et il ne s'agit pas de la propagande des lobbies pétroliers.

Lorsque j'étais président de région, j'ai agi comme autorité de gestion du programme INTERREG, et nous y avons consacré des sommes considérables. Le commissaire Barnier nous a beaucoup aidés, et il suit toujours ce dossier, bien qu'il ait changé de fonction. Nous vendons notre expertise dans toute la Caraïbe. Saint Domingue, qui prétend aujourd'hui faire une banane biologique, emploie l'expertise martiniquaise et guadeloupéenne. Le Banol est considéré là-bas comme un produit biologique, même si c'est un dérivé d'hydrocarbure. Nous n'ignorons pas cela.

Nous souhaitons répondre aux préoccupations des militants pour protéger l'environnement et la santé publique, mais j'aimerais qu'à un moment, le pragmatisme et la responsabilité prévalent. Le Gouvernement a annoncé sa position, nous assumons cette décision en conscience. Et nous ne sommes pas aveugles, le terme m'a un peu touché. Le Gouvernement a les yeux grands ouverts.

Monsieur le député Bouanali Said, vous avez raison de rappeler les attentes très fortes à Mayotte en matière de sécurité, d'investissement et de revalorisation des prestations sociales.

Mais vous savez aussi que la mobilisation du gouvernement est totale pour s'aligner sur le droit commun. Nous l'avons d'ores et déjà démontré par la revalorisation du SMIC et de l'allocation de rentrée scolaire, par la baisse du coût du gaz, par la prestation accueil rentrée scolaire, et je pourrais citer d'autres exemples.

Notre feuille de route est claire pour Mayotte : investissement pour les infrastructures publiques collectives, construction d'établissement scolaires, poursuite de la revalorisation des prestations sans déséquilibrer l'économie locale, renforcement de la cohésion sociale.

Madame la députée Monique Orphé, vous avez rappelé les vérités statistiques des outre-mer et la réalité des inégalités et des retards, notamment en termes de logements. Non, ce n'est pas du misérabilisme que de le rappeler. C'est une réalité qui nous oblige. Oui, nous tiendrons les engagements forts pris par le Président de la République.

Je partage avec vous l'idée exprimée par d'autres parlementaires durant cette discussion : la coopération régionale est une nécessité car c'est une voie de développement. Mais nous devons avancer sur cette voie en lucidité, en responsabilité, en réciprocité et sans frilosité, afin de développer une coopération gagnant-gagnant, dans l'intérêt de nos territoires.

Monsieur le député Ibrahim Aboubacar, je vous remercie d'avoir salué l'effort du gouvernement en faveur de ce budget.

Nous partageons les priorités que vous avez évoquées : le logement social tout d'abord, avec un effort nécessaire pour la construction de logements sociaux et la revalorisation des allocations. Je compte sur une mobilisation de tous les acteurs, notamment lors des travaux préparatoires à la prochaine loi sur le logement.

Vous avez également évoqué la lutte contre la précarité et le redressement financier des collectivités territoriales. Il y a d'immenses chantiers à mener chez vous, nous en sommes bien conscients.

Je partage enfin votre analyse quant à l'urgente mobilisation pour la préparation de la transition fiscale. Ce sera un choc, puisque tout le code général des impôts sera applicable à compter du 1er janvier 2014. Il faut donc s'y préparer.

Je remercie le député de la Guadeloupe, Eric Jalton, pour son soutien.

En effet, un nouveau contrat social est en marche, et tout est mis en oeuvre pour permettre aux sociétés d'outre-mer de faire face aux nombreux problèmes qui les assaillent.

Les engagements du Président de la République concernant ces régions sont en passe d'être tenus. Vous avez raison, monsieur le député, il faut changer le regard sur ces régions qui font de la France une grande puissance grâce au potentiel énorme qu'elles recèlent en termes de richesse humaine, de biodiversité, d'étendue maritime, de ressources minières et de talents.

Le Gouvernement ne baissera pas les bras et fera tout pour valoriser ces territoires qui en valent bien la peine, pour le plus grand intérêt de la nation toute entière.

Monsieur le député Alfred Marie-Jeanne – je ne m'adresse pas à vous en votre qualité de rapporteur mais de député de la Martinique –, vous avez rappelé la gravité de la crise et ses conséquences en termes de chômage et de liquidation des entreprises, notamment en Martinique. Les conférences économiques et sociales que j'ai tenu à faire organiser dans chaque collectivité ont en effet permis de partager un constat et de proposer des pistes. Une synthèse nationale aura lieu mi-décembre.

Mon intervention est l'occasion de vous rappeler que nous n'avons pas vocation à soutenir les mauvais payeurs. Ce que je vous dis n'est pas anodin : imaginez la situation si nous devions prendre en charge tous les arriérés, toutes les dettes des entreprises qui refusent de payer ! Bien sûr, nous n'ignorons pas qu'il existe des difficultés. Nous avons repris scrupuleusement les estimations des caisses générales de Sécurité sociale et des URSSAF, qui figurent dans les budgets. Je rappelle qu'ici même, mon prédécesseur M. Jégo avait qualifié la dette, qui atteignait alors 460 millions d'euros, de dette virtuelle : il avait créé, à lui seul, une catégorie nouvelle dans la loi organique relative aux lois de finances ! L'Assemblée avait adopté ces dispositions ; personnellement je ne les avais pas votées. Au 31 décembre 2011, il me semble que cette ligne comprenait encore 31 millions d'euros de dettes : nous avons fait en sorte de les absorber. Il s'agit bien sûr d'une dynamique, mais imaginez la situation si nous étions généreux avec tous ceux qui ont décidé – j'allais presque dire intentionnellement et par stratégie – de ne pas payer ! Ce serait un soutien à l'irresponsabilité, et une politique éminemment assimilationniste que vous dénoncez ! Il faut donc rester vigilants.

Vous affirmez qu'un budget en hausse de 5 % l'an prochain et de 12 % sur trois ans est un budget assimilationniste. Nous pensons tout de même faire mieux que ce que nous avons dû, hélas, subir ici par le passé !

Par ailleurs, votre intervention relative à la date de la mise en place de la collectivité unique en Martinique me pose un petit problème. Je l'ai dit : ce ministère reste ouvert à tous les élus, quels que soient les bancs sur lesquels ils sont assis. Je vous ai reçu plusieurs fois, et j'ai reçu plusieurs fois les députés de l'opposition, quelle que soit leur obédience ou leur appartenance partisane. Je suis à l'écoute des élus. Si une majorité d'élus martiniquais demande au Gouvernement de rester dans le calendrier électoral national et de ne plus organiser les élections de la collectivité unique en 2014 mais en 2015, nous y serons attentifs. Si un consensus se dégage localement, j'y serai attentif.

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