Je vous remercie de votre invitation.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, le CSP a été institué par la loi d'orientation et de programmation de juillet 2013 ; il avait été précédé par le Conseil national des programmes (CNP) qui, créé par la loi de 1989, avait disparu en 2005. Il avait paru important de créer une instance chargée d'animer la réflexion sur les contenus d'enseignement. La loi de 2013 et sa mise en oeuvre par M. Vincent Peillon ont cependant introduit deux données nouvelles.
La première est la composition même du Conseil, dont le législateur a souhaité qu'il réunisse non pas seulement des spécialistes, mais aussi des élus de la nation – trois députés et trois sénateurs –, ainsi que deux membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Cette composition apporte une réponse intéressante à un vieux débat : les contenus d'enseignement doivent-ils être déterminés par les représentants de la nation, en tant qu'ils expriment la volonté générale, ou par des experts ? Le CSP associe les deux catégories, dans un dialogue constructif auquel participent trois de vos collègues, ici présents. Les échanges sont libres et fructueux : aucune frontière ne sépare les personnalités qualifiées et les élus dans nos délibérations quotidiennes, et chacun s'est mis au travail avec le même enthousiasme.
M. Vincent Peillon avait par ailleurs fait le choix de confier au CSP la responsabilité de la totalité de la chaîne de fabrication des programmes. C'est un changement par rapport au CNP qui, lui, avait pour rôle de présenter des orientations générales et d'émettre un avis sur les programmes, dont l'élaboration proprement dite était l'apanage de la direction générale de l'enseignement scolaire. Notre responsabilité, lourde, englobe donc la définition des grandes orientations, la mise en place des groupes de travail qui rédigent les projets et la présentation de ceux-ci au ministre.
Ces deux originalités fortes traduisent l'ambition placée dans le CSP. De ses missions, dont quelques-unes sont fixées par la loi d'orientation, on peut retenir trois grands principes.
Le premier est la recherche de la transparence, qui impose de savoir qui fait quoi, en évitant de donner le sentiment que les programmes sont rédigés sur un coin de table par quelques experts. Il s'agit aussi de travailler de la façon la plus ouverte possible, en associant, tout au long de la chaîne, tous ceux qui peuvent avoir un avis à donner : les enseignants eux-mêmes, les experts de toutes compétences et, bien sûr, les usagers du système éducatif. La qualité d'un programme s'apprécie en fonction non seulement de sa pertinence technique, mais aussi, au moins autant, de sa capacité à être reçu par ceux qui auront à le mettre en oeuvre. De ce point de vue, la participation des élus est un atout décisif.
Le deuxième principe est la cohérence. Depuis les années 90, on s'inquiète d'une construction trop éclatée des programmes, dont ne se dégagerait pas de projet d'ensemble. Or cette cohérence est essentielle pour l'efficacité des programmes : la cohérence horizontale, qui associe des matières connexes – les mathématiques, la physique et la chimie par exemple –, comme la cohérence verticale, qui évite de juxtaposer les enseignements tout au long du parcours de l'élève. La cohérence est d'ailleurs au coeur de la restructuration du système éducatif, par exemple à travers le rapprochement de l'enseignement élémentaire et du collège autour du socle commun, ou du lycée et de l'enseignement supérieur.
Cette cohérence concerne non seulement les programmes, mais aussi – c'est là l'une des nouveautés de la loi de 2013 – les procédures d'évaluation, la formation des maîtres et les outils pédagogiques, à commencer par le numérique. L'idée d'associer la définition des contenus à ces trois chantiers est un aspect important de notre mission.
Le troisième principe est la recherche d'une continuité dans l'effort. Dans le passé, l'éducation nationale a pâti de changements à répétition et de révolutions coperniciennes trop fréquentes, souvent dictées, oserai-je le dire dans cette enceinte, par les alternances politiques ou les changements de gouvernement. Les programmes doivent résolument s'installer dans une perspective de long terme, afin d'assurer une continuité de la réflexion. En ce domaine, il faut du temps pour que les idées cheminent, pour que les enseignants et les parents d'élève s'approprient les enjeux et pour que les outils s'élaborent : on ne peut bousculer les échéances. À une époque où l'urgence est reine, nous plaidons pour une relative permanence des contenus, pour que les enseignants, notamment, n'aient pas le sentiment que la vérité d'aujourd'hui est l'erreur de demain.
C'est sur la base de ces principes que nous avons engagé nos travaux en octobre dernier. La première tâche du CSP, aux termes de son décret de création, était de préparer une charte des programmes : elle a été publiée début avril. Ce texte de référence définit plusieurs principes de méthode conformes à nos engagements.
Le deuxième chantier a été de préparer la redéfinition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Le texte que nous remettrons prochainement au ministre a l'ambition, conformément à la loi de 2013 et à la demande de M. Vincent Peillon, de définir, à partir de perspectives claires permettant d'organiser les programmes, un équilibre pour l'école élémentaire et le collège. Cette ambition, déjà formulée dans les années 90 – en particulier dans un ouvrage cosigné par Luc Ferry et Jack Lang sur l'enseignement au collège –, s'est traduite dans la loi de 2005 et dans le décret de 2006 définissant le socle commun ; nous la faisons nôtre aujourd'hui, avec la volonté de répondre à plusieurs questions soulevées, depuis, sur la mise en oeuvre du socle commun à partir de 2006.
J'en évoquerai deux, en commençant par la relation entre les connaissances et les compétences. Sur ce sujet, nous voudrions éviter de rallumer certaines guerres picrocholines. Connaissances et compétences doivent être associées dans le projet d'enseignement selon un juste équilibre : une compétence n'existe pas en dehors d'un savoir, et une connaissance n'a guère d'intérêt si elle n'est mise en oeuvre par le moyen d'une compétence.
La deuxième question est l'évaluation du socle. Force est de reconnaître qu'au cours des dernières années, le ministère n'a pu y apporter la bonne réponse, laissant prospérer une rivalité délétère entre le livret personnel de compétences et le brevet des collèges, respectivement censés évaluer l'acquisition du socle et celle des enseignements. Une telle dichotomie n'est pas tenable : il faut réconcilier les deux évaluations.
Nous préparons également un nouveau texte de programmes pour l'école maternelle, lequel sera remis au ministre avant l'été. Il fera l'objet, comme le socle commun, d'une large consultation des enseignants et des partenaires concernés dès les premiers mois de la prochaine année scolaire. Il doit être perçu non pas comme un point d'arrivée, mais comme une proposition soumise au débat public, autrement dit comme une ouverture pour des échanges avec l'ensemble des acteurs concernés. Cette appropriation collective garantira, nous l'espérons, la qualité et la pérennité des textes fixant les programmes.
La loi de 2013 nous a aussi confié la mission de réfléchir à un parcours d'orientation et d'information sur les métiers, ainsi qu'à un parcours d'éducation artistique et culturelle. Bref, notre calendrier est chargé s'agissant des échéances proches ; d'autres chantiers déjà se profilent, auxquels nous avons commencé à nous atteler. Je pense en particulier à la redéfinition des programmes détaillés pour chaque cycle de l'école élémentaire et du collège. Le socle commun est en effet le texte global qui assure la cohérence de l'enseignement dispensé dans le cadre de la scolarité obligatoire ; mais il doit ensuite être précisé, pour chacun des cycles concernés, par des programmes dans les différents domaines disciplinaires.