Les débats sur la refondation de l'école ont beaucoup animé notre commission, et l'instance que vous présidez, monsieur Boissinot, est au coeur de cette grande réforme, tant les programmes et leur évaluation occupent une place déterminante pour réinventer l'école.
Notre système éducatif est en panne, chacun peut l'observer : 140 000 jeunes en sortent tous les ans sans diplôme, et l'ascenseur social est cassé. Lors des débats sur le projet de loi d'orientation, je suis intervenue à maintes reprises pour souligner la nécessité d'être ambitieux, de changer notre façon de concevoir l'école et l'éducation à travers plusieurs principes : laisser plus de liberté aux équipes pédagogiques, favoriser les expérimentations, travailler sur des projets collectifs, ouvrir l'école sur l'extérieur et permettre aux élèves de devenir acteurs de leur éducation.
Le CSP est l'outil idéal pour mettre en oeuvre ce changement d'approche ; et comme vous le savez, les écologistes se retrouvent dans la logique du socle. Où en est la réflexion du CSP sur la notion de « curriculum », qui suggère plus de souplesse pour les professeurs dans la déclinaison des programmes et le dépassement du cadre traditionnel des disciplines ? Cette notion n'apparaît pas en tant que telle dans la charte, alors que vous y sembliez plutôt favorable.
Quid des « éducations à » l'environnement, la santé ou la citoyenneté, par exemple ? L'école ne peut plus se borner à enseigner à lire, écrire et compter ; de nombreux pays ont ainsi revu leur système scolaire en intégrant les « éducations à », qui impliquent un dépassement du cadre traditionnel des disciplines. Où en sont les réflexions du CSP à ce sujet, notamment en ce qui concerne l'éducation à l'environnement et au développement durable ? Celle-ci appelle en effet une réflexion spécifique, au même titre que le parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel, ou que le parcours d'éducation artistique et culturel.
Le découpage des programmes par année scolaire est lui aussi problématique, de même que l'inscription des élèves dans une classe en fonction de leur âge : un tel cloisonnement conduit beaucoup d'élèves à l'échec. Aussi prônons-nous davantage de souplesse dans la navigation au sein d'un cycle, ce qui suppose une autre approche des programmes que celle, rigide, qui prévaut aujourd'hui ; car donner de la souplesse est la meilleure façon de faire revivre notre idéal républicain et de mettre en oeuvre l'école inclusive en faveur de laquelle nous sommes nombreux à plaider. Dans le changement d'approche que nous appelons de nos voeux, les programmes, la conception générale des enseignements et le contenu du socle sont en effet indissociables. Comment la réflexion du CSP progresse-t-elle sur ces thèmes ? Au final, l'enjeu est bien de donner plus de liberté pédagogique et de renforcer les capacités d'expérimentation, afin de conjuguer démocratisation de l'accès et démocratisation de la réussite.
J'ai conscience que les travaux du CSP sur le socle qui ont « fuité » dans la presse ne sont pas des documents de travail, mais permettez-moi deux remarques. En premier lieu, je regrette la disparition de la notion d'« apprendre à apprendre », que de nouvelles formes de pédagogie devraient faire vivre. La notion de « plaisir d'apprendre » mériterait aussi d'apparaître dans la redéfinition du socle, car il s'agit d'encourager les élèves à donner le meilleur d'eux-mêmes, à favoriser la coopération et à promouvoir une pédagogie centrée sur le développement de l'élève. Ma seconde remarque concerne l'évaluation. Les écologistes souhaitent que le projet de socle indique clairement la nécessité de sortir d'une logique de notation et de mettre fin aux compensations interdisciplinaires qui n'ont aucun sens.
Enfin, le CSP a-t-il prévu un travail spécifique sur le programme des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l'éducation ? La création d'un socle commun et la réforme des programmes ne pourront en effet se concrétiser que si les enseignants sont formés à ces innovations.