Intervention de François Brottes

Réunion du 28 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président :

Je remercie nos invités d'être venus de Berlin pour cette réunion exceptionnelle.

Permettez-moi d'abord de commenter brièvement les articles parus hier dans la presse à propos du rapport de la Cour des comptes sur les coûts du nucléaire. Puisque la commission d'enquête que je préside a auditionné la Cour à ce sujet, je suis en mesure de préciser que le ratio coût-production que celle-ci a établi prend en considération le temps de disponibilité des réacteurs, lequel a été moindre qu'auparavant au cours de la période de référence, en raison de travaux de réparation plus longs. C'est cette variation de la production réelle qui explique que le ratio soit défavorable. Il n'est donc pas tout à fait exact de conclure que le coût du nucléaire a augmenté de 20 %. Il est dommage qu'aucun journaliste ne l'explique, mais il est vrai que cela permet de faire des titres accrocheurs.

Le nucléaire, nos amis allemands ont décidé, vous le savez, d'en sortir. Cette décision fait l'objet d'un consensus entre la CDU et la SPD, qui gouvernent aujourd'hui en coalition – ce qui, vu d'ici, paraît difficile à imaginer ! Cette question nous intéresse d'autant plus que l'Europe aura du mal à poursuivre sa construction si nos deux pays n'entretiennent pas une relation étroite.

Rappelons que le Bundestag compte actuellement 631 députés, dont 311 pour la CDU-CSU, 193 pour le SPD, 64 pour Die Linke et 63 pour les Verts. La commission de l'économie et de l'énergie, l'une des 22 commissions permanentes, forte de 46 membres, est présidée par Peter Ramsauer, que j'ai rencontré à deux reprises, à Paris, puis à Athènes lors d'un forum des présidents de commission. Nous sommes convenus tous deux de créer progressivement un groupe de travail commun à nos deux commissions, afin de discuter de la transition énergétique, de formuler des propositions et d'éprouver des solutions. Je suis en effet de ceux qui pensent que ce n'est pas aux seuls gouvernements d'organiser les relations multilatérales ou bilatérales, mais également aux parlements nationaux – d'autant que les électrons n'ont pas de frontières !

En revanche, la répartition des sources d'énergie n'est pas la même dans nos deux pays. Depuis la montée en puissance du gaz de schiste aux États-Unis, le charbon a retrouvé un nouvel élan en Allemagne. En outre, l'éolien offshore produit beaucoup d'énergie dite fatale, c'est-à-dire que l'on récupère sur les réseaux quel que soit le moment où elle est produite, même si l'on n'en a pas besoin. Tout cela a fait s'écrouler les prix du marché au moment de la pointe de consommation et a entièrement modifié la donne en matière de coûts de l'électricité. Ces questions sont indissociables de nos relations bilatérales : nous apprécions l'électricité qui vient d'Allemagne à certains moments de l'année, la réciproque est vraie à d'autres périodes. Et au milieu, pour citer mon collègue Sordi, il y a la centrale de Fessenheim, dont les Allemands, comme les Suisses, contribuent d'ailleurs à financer l'exploitation.

Quant aux énergies renouvelables, une loi actuellement en préparation au Bundestag, qui devrait entrer en vigueur le 1er août 2014, tend à en revoir les modalités d'émergence et de développement. Ce texte est très débattu puisqu'il a fait l'objet de 130 amendements, ce qui est exceptionnel au Parlement allemand. Les divergences entre Länder, qui ne sont pas tous attachés aux mêmes sources d'énergie renouvelables, et le point de vue des consommateurs qui trouvent parfois l'addition un peu salée, nécessitaient en effet que l'on revoie non l'objectif – porter la part des renouvelables dans la production d'électricité à 45 % en 2025 –, mais la manière d'y parvenir.

Aujourd'hui, en Allemagne, l'électricité provient à 25 % des renouvelables et à presque 50 % de la lignite et du charbon – auxquels nous avons quelque difficulté à trouver de la vertu, mais dont vous pourrez nous dire ce que vous comptez faire à long terme.

Nous nous intéressons également beaucoup à votre point de vue sur les industries électro-intensives, que vous veillez à protéger des hausses du coût de l'électricité.

Vous avez en outre engagé une réflexion sur la manière de favoriser l'auto-production et l'auto-consommation d'énergie chez les ménages.

Comment abordez-vous cette nouvelle phase de la transition énergétique ?

Pouvez-vous nous donner en toute liberté vos points de vue respectifs sur la sortie du nucléaire ?

J'espère que cette première rencontre ne sera pas la dernière et que nous pourrons construire ensemble un avenir européen commun, comme nous le souhaitons tous ici.

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