Intervention de Joachim Pfeiffer

Réunion du 28 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Joachim Pfeiffer, membre du Bundestag, porte-parole de la CDU pour la politique économique :

Merci beaucoup pour votre aimable invitation à laquelle nous avons très volontiers répondu.

Outre les thèmes que vous avez cités, j'aimerais que nous parlions de la transformation de l'approvisionnement en énergie dont nous avons décidé en Allemagne. Nous l'avons fait en 2010 et, en 2011, nous avons adopté un programme énergétique qui court sur une vingtaine d'années et concerne tous les secteurs – électricité, rénovation des bâtiments, climatisation, transports – ainsi que l'offre et la demande. Nos objectifs sont très ambitieux en matière d'économies d'énergie comme d'efficacité énergétique. Nous avons ainsi prévu de diviser progressivement par deux la consommation d'énergie d'ici à 2050 ; en d'autres termes, la moitié de la consommation d'énergie sera économisée.

Pour y parvenir, le premier secteur où agir est le bâtiment. Au rythme de construction actuel, il nous faudrait une centaine d'années pour rénover nos quelque 42 millions d'immeubles et de maisons et pour atteindre nos objectifs. En d'autres termes, nous devons prendre des mesures pour isoler les bâtiments, les rénover et les doter de nouvelles technologies, notamment en matière de chauffage, que ce soit au fioul ou au gaz.

Plus de soixante instruments seront mis en oeuvre afin de moduler notre politique d'approvisionnement. Nous avons des programmes incitatifs qui s'adressent au marché : aux particuliers pour qu'ils achètent de nouvelles chaudières, aux propriétaires d'immeubles qui peuvent bénéficier de prêts à taux bonifié. Nous avons également adopté des règlements et des lois fixant des seuils obligatoires. Ils concernent surtout les nouvelles constructions ; s'agissant des bâtiments existants, nous avons plutôt opté pour des mesures incitatives. En 2009, comme en 2010, nous avons ainsi atteint notre objectif de rénovation de 3 % du parc immobilier par an, mais, aujourd'hui, on n'en est plus qu'à 1 %.

La part du bâtiment dans la consommation d'énergie finale dépasse 40 %. Le deuxième secteur le plus important est celui des transports, avec 32 %. Le potentiel d'innovation pour les moteurs à combustion reste très important, mais nous souhaitons aussi promouvoir l'électromobilité. En la matière, nous n'en sommes plus à l'euphorie des débuts : l'objectif d'un million de véhicules électriques en circulation en 2020 est maintenu, mais sera-t-il atteint ? L'évolution observée ces dernières années reste toutefois satisfaisante. L'intermodalité se développe ; des concepts nouveaux ont vu le jour et les services proposés par les entreprises de transport évoluent, avec le service d'autopartage Car2Go par exemple. Dans ce secteur aussi, nos objectifs en matière d'économies d'énergie sont très ambitieux.

Le troisième secteur est l'électricité. Il joue évidemment un rôle majeur. Mais l'approvisionnement en électricité n'est pas le seul facteur déterminant. Dans notre programme énergétique, nous visons une réduction de 40 % des émissions de CO2 d'ici à 2020, soit nettement plus que l'objectif de 20 % fixé par la Commission européenne, et nous avons bon espoir d'y parvenir. On constate toutefois une certaine stagnation depuis deux ans : loin de baisser, les émissions ont légèrement augmenté, du fait du moindre recours au nucléaire, lequel disparaîtra complètement d'ici quelques années.

Personnellement, je n'étais pas du tout partisan de cet abandon du nucléaire, mais je me suis rangé à l'avis de mes collègues qui y étaient favorables à plus de 90 %. Après tout, c'est cela la démocratie : la majorité décide ! En Allemagne, le débat est clos : cette question ne sera pas remise sur la table. On ne peut pas, tous les cinq ans, faire un virage à 180 degrés ni même rouvrir le débat.

Le développement des énergies renouvelables, qui ne produisent pas ou guère d'émissions de CO2, devrait compenser l'abandon du nucléaire mais ne permettra pas de produire davantage d'électricité. Nous pensons néanmoins pouvoir atteindre nos objectifs : l'économie allemande devrait être entièrement décarbonée en 2050, ce qui signifie concrètement qu'à cette date nous aurons supprimé 90 à 95 % des émissions de CO2 par rapport à 1990.

Du point de vue quantitatif, le développement des renouvelables est conforme à nos attentes, et même, ces dernières années, supérieur aux prévisions. Reste le problème des coûts. Notre loi sur les énergies renouvelables, la loi EEG, prévoit toute une panoplie d'incitations dont le coût représente à ce jour environ 120 milliards d'euros, financés non par les pouvoirs publics mais par le consommateur. Nous avons un prix fixe, un tarif d'achat et une garantie d'achat de la production à partir de ces sources. Selon nos prévisions d'évolution, qui se fondent sur la puissance installée, l'enveloppe devrait atteindre environ 285 milliards au cours des années à venir.

Nous avons enregistré une forte augmentation des prix : le prix moyen de l'électricité est supérieur à 30 centimes par kilowattheure. C'est la population qui paie, non seulement sur le budget des ménages mais aussi par le biais des prix du bâtiment et des transports. En effet, considérant que dans le domaine industriel les coûts sont l'un des principaux facteurs de compétitivité, nous avons adopté des mesures d'allégement des charges pesant sur les entreprises électro-intensives.

Nous voulons désormais enrayer cette envolée des coûts. L'objectif est commun à tous les partis, mais les intérêts divergent d'une région à l'autre en fonction des principales sources d'approvisionnement locales – l'éolien au Nord, le photovoltaïque au Sud, la biomasse ou l'énergie hydraulique ailleurs. Le programme énergétique fédéral validé par le Bundestag et le Bundesrat s'ajoute aux 16 programmes des Länder : dans le Schleswig-Holstein, par exemple, il est prévu de produire trois fois plus d'énergie d'origine éolienne que celle que l'on consomme. Le problème est que tous ces programmes ne sont pas nécessairement compatibles.

Si je suis si heureux d'être parmi vous aujourd'hui, c'est aussi parce qu'à mon avis, nous avons adopté une perspective trop nationale en matière énergétique. Il faut achever le marché intérieur de l'énergie au sein de l'Union européenne, car le potentiel d'efficacité énergétique intéresse toutes nos économies. Je ne parle pas seulement de l'électricité et du gaz. Aujourd'hui, il existe 28 régimes différents d'aide aux renouvelables en Europe ; c'est très préoccupant. Dès lors que nous sommes confrontés peu ou prou aux mêmes problèmes – importation et exportation d'électricité, modification des prix, marchés de capacités, réserves stratégiques, mise à disposition de l'énergie au moment où l'on en a besoin –, il est inutile, voire contre-productif, de développer 28 mécanismes de capacité différents.

Je sais que vous envisagez en France un tel mécanisme, qui devrait être adopté en septembre prochain, si j'ai bien compris. Nous y réfléchissons aussi. Il me paraît donc urgent que nous harmonisions nos dispositifs, ou tout au moins que nous nous concertions davantage. Qu'en pensez-vous ?

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