Intervention de Didier Migaud

Réunion du 28 mai 2014 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

La Cour a fait un certain nombre de propositions concernant l'élargissement des normes de dépenses. Ce sujet fait l'objet de notre part d'une vigilance permanente, même s'il n'est pas au centre de nos préoccupations en ce qui concerne 2013, et, en tout état de cause, il n'y a rien là de nature à fausser notre diagnostic d'ensemble sur l'évolution de la dépense l'an passé.

Les dépenses fiscales doivent être appréciées en dynamique, et non de façon statique. En 2013, les économies sur ce chapitre, de l'ordre de 500 millions d'euros, ont été bien peu de chose au regard des 3,6 milliards attendus. Même si Bercy et la Cour ont commencé d'évaluer certaines de ces dépenses, le travail est loin d'être achevé, ce qui contribue à les maintenir à un niveau élevé.

Les prévisions de recettes pour 2013 ont manqué de prudence : la croissance molle des années précédentes ne pouvait manquer de retentir sur les rentrées fiscales et la Cour avait d'ailleurs signalé en amont le risque d'un décalage entre estimations et recettes. L'exercice n'est certes pas facile et, sur la longue période, les estimations de Bercy s'approchent de la réalité, mais nous recommandons, d'une part, la publication d'un document de référence qui précise les méthodes et le processus de prévision des recettes pour les principaux impôts et, d'autre part, des analyses approfondies des écarts entre prévisions et exécution, à faire figurer dans l'annexe « Évaluation des voies et moyens » du projet de loi de finances : en bref, une transparence accrue en amont comme en aval, notamment à l'égard des commissions des Finances du Parlement.

La certification peut constituer un outil d'amélioration de la gestion publique. S'agissant de la première réserve de la Cour, le système d'information financière Chorus a permis un certain progrès, mais l'outil reste insuffisamment adapté à la tenue de la comptabilité générale de l'État et au travail du vérificateur. Du chemin reste donc à parcourir. De la même façon, la Cour déplore que les dispositifs ministériels d'audit et de contrôle internes soient encore trop peu développés.

Certes, le Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes et de nombreux économistes s'accordent pour constater que la réduction de la dépense a des effets négatifs sur la croissance, mais toute la question est de savoir si les effets d'une dégradation des comptes ne seraient pas plus négatifs encore. Tout est évidemment fonction aussi des points sur lesquels on fait porter l'effort, sachant que certaines dépenses sont plus productives que d'autres. À cet égard, la technique du « rabot » ne nous a pas convaincus. Elle peut être utile et donner des résultats, mais elle a aussi des effets pervers. Elle traduit en effet une absence de priorités, un non-choix, alors que la noblesse du politique consiste précisément à faire des choix et à procéder à des arbitrages. S'il se refuse à choisir, l'État risque de se retrouver dans l'incapacité de remplir certaines de ses missions régaliennes.

Le travail d'évaluation des dépenses a montré l'existence de marges de progrès certaines en termes d'efficacité et d'efficience : ainsi en matière de politiques d'intervention. La défense du service public n'implique pas une sanctuarisation absolue du niveau de la dépense. Il est parfaitement légitime de s'interroger sur l'efficacité des montants consacrés à une politique et sur les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés par la représentation nationale – qu'il s'agisse d'éducation, de logement, de formation professionnelle ou d'aides économiques, l'écart est grand entre les uns et les autres et il est paradoxal, par exemple, que la formation professionnelle bénéficie le moins à ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi ou que, malgré tous les crédits que vous lui accordez, notre système éducatif se range parmi les plus inégalitaires quand on le compare à celui de pays semblables au nôtre.

Le contrôle de l'efficacité de la dépense publique est par conséquent essentiel, aussi appelons-nous les parlementaires à s'intéresser plus longuement à l'exécution budgétaire qu'à la loi de finances initiale. Nous sommes probablement le seul pays dans lequel le Parlement consacre autant de temps à l'examen et au vote de cette dernière alors que l'exécution budgétaire reflète mieux la réalité d'une politique budgétaire et se révèle bien plus utile pour agir.

Le rapport que la Cour remettra en juin prochain sur la situation et les perspectives des finances publiques reviendra sur ces questions ainsi que sur la MAP. Les documents que nous élaborons sont complets, donc copieux, mais nous produisons des synthèses – et même des résumés des synthèses ! – pour faciliter la lecture de nos rapports. Le temps qui s'écoulera d'ici aux prochaines réunions de commission et à la séance publique consacrées au projet de loi de règlement devrait vous permettre de prendre connaissance d'informations que nous avons voulu vous transmettre de façon précoce.

Monsieur Éric Alauzet, la Cour ne fait que reprendre la terminologie existante. Le tableau de la page 49 du rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État indique que le solde budgétaire primaire stabilisant aurait été en 2013 de 0,3 % du PIB alors que le solde effectif se situait à - 1,4 %, ce qui représente un écart d'1,7 point, soit de près de 40 milliards d'euros. Au contraire de nombreux pays voisins, notre solde primaire reste négatif.

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