Intervention de Didier Migaud

Réunion du 28 mai 2014 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Monsieur Grandguillaume, Chorus fonctionne convenablement. Il reste toutefois certaines difficultés à régler, pour le gestionnaire comme pour le certificateur, ce qui justifie le maintien d'une réserve substantielle. Quant aux « dérapages financiers » que vous évoquez, ce n'est pas un sujet qui relève de la certification. Pour l'essentiel, ces dépenses appartiennent au passé ; nous avions d'ailleurs procédé à leur contrôle en 2010 et 2011. Les marchés plus récents ont été de moindre ampleur, et ils n'ont pas fait l'objet d'un audit de la part de la Cour. Mais c'est un sujet sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.

Nous reviendrons également ultérieurement sur le problème posé par l'échéance des emprunts, puisque nous consacrerons une partie de notre rapport de juin aux différentes hypothèses d'évolution de la dette française. Mais croyez bien que ceux qui en ont la responsabilité cherchent à la gérer de la manière la plus efficace possible.

Le défaut d'utilisation des indicateurs pose la question de la démarche de performance, telle qu'elle a été prévue par la LOLF. Il existe vraisemblablement des marges de progrès. Les indicateurs sont globalement trop nombreux – nous l'avions déjà dit lorsque nous avions dressé un premier bilan de la LOLF il y a deux ans – et tous ne sont pas renseignés ; d'autre part, les indicateurs qualitatifs sont en nombre insuffisant par rapport aux indicateurs quantitatifs. Il serait nécessaire de faire le point sur le sujet, mais il n'est pas anormal que des outils tels que ceux-ci soient à ajuster au bout de quelques années. Des pays qui se sont engagés depuis longtemps dans la démarche de performance, comme le Canada ou l'Australie, continuent à s'interroger sur la pertinence de tel ou tel indicateur.

Cette question recoupe celle de la politique de modernisation de l'action publique. Si nous pouvons contribuer, par nos compétences d'évaluation et d'appréciation, à améliorer la démarche de performance, nous le ferons bien volontiers. À cet égard, les 63 notes que nous vous avons remises ne procèdent pas seulement d'une analyse de l'exécution budgétaire : elles comportent aussi une appréciation de la performance.

En ce qui concerne l'outre-mer, nous constatons en effet une sous-estimation récurrente des crédits destinés à compenser les exonérations de charges sociales ; cela concerne notamment le régime social des travailleurs indépendants. Je ne suis pas en mesure de vous en dire davantage aujourd'hui, mais je le ferai éventuellement par écrit.

Les dépenses d'investissement ont été, une fois encore, la variable d'ajustement. Notre dette résulte, hélas, de dépenses courantes de fonctionnement, et non pas de dépenses d'avenir. S'il en allait autrement, le problème se poserait en d'autres termes – quoique tout investissement ne soit pas pertinent. Cela montre qu'il est essentiel de maîtriser les dépenses de fonctionnement afin d'augmenter la part des dépenses d'investissement.

Monsieur Cherki, il ne s'agit de notre part que d'une invitation que nous vous lançons à consacrer davantage de temps au contrôle de l'exécution budgétaire. Je connais les contraintes de la Constitution de 1958 et de son article 40, mais je ne suis pas sûr que ce soit le problème principal. Quant à la LOLF, je crains que vous ne l'interprétiez à contresens. Elle a renforcé les pouvoirs budgétaires du Parlement et elle a tempéré la rigueur de l'article 40, puisque la dépense s'apprécie à l'intérieur d'une même mission et que l'on peut procéder à des transferts de crédits d'un programme à l'autre. Je suis prêt à en discuter dans le détail avec vous – même si j'admets bien volontiers que, dans l'application, je ne reconnais pas toujours le texte que j'ai contribué à faire voter. L'objectif de consacrer davantage d'attention à l'exécution du budget n'est pas encore atteint, tant s'en faut ; quant à responsabiliser les gestionnaires publics, je ne suis pas convaincu que les procédures actuelles tendent à le faire. On obtiendrait pourtant de bien meilleurs résultats si on les associait à la recherche de plus d'efficacité dans l'action publique, à quoi ils auraient tout à gagner.

L'acte de certification compte, non pas 400, mais 80 pages. Je reconnais qu'elles ne sont pas d'une lecture facile, mais il vous reste quelques semaines pour en prendre connaissance et nous pourrons éventuellement revenir, si vous le souhaitez. C'est maintenant à vous de travailler, à partir des éléments que nous vous avons apportés. Permettez à l'ancien parlementaire que je suis de préciser que c'est une question non pas de moyens, mais de volonté. Vous avez à votre disposition tout ce qu'il faut pour contrôler l'action du Gouvernement si vous le souhaitez – l'exécutif y a d'ailleurs intérêt.

Pour renforcer l'efficacité et l'efficience de l'action publique, il ne suffit pas toujours d'augmenter les moyens. On le vérifie à propos d'un certain nombre de politiques publiques : les moyens ont été accrus, mais pour des résultats inférieurs à ce qu'ils étaient dans le passé.

Les conséquences sur la charge de la dette d'une augmentation des taux d'intérêt sont indiquées dans le rapport : une hausse de 1 point entraînerait une dépense supplémentaire de 2 milliards la première année, et d'une quinzaine au bout de dix ans.

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