Intervention de Didier Migaud

Réunion du 28 mai 2014 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques :

Cet avis relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2013 intervient dans le cadre du « mécanisme de correction », qui est prévu par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance et qui vise à prévenir toute déviation durable par rapport à la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques. Le suivi de ce mécanisme est assuré, dans chaque pays, par une institution budgétaire indépendante et c'est en France la mission du Haut Conseil des finances publiques.

L'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012, qui a créé le Haut Conseil, dispose que celui-ci effectue une comparaison des résultats constatés « avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques ». Cette comparaison doit faire apparaître, le cas échéant, les écarts entre le solde structurel constaté et l'objectif présenté par le Gouvernement dans la loi de programmation, en particulier lorsque ces écarts sont considérés comme « importants », c'est-à-dire lorsqu'ils représentent au moins 0,5 point de PIB sur une année donnée, ou au moins 0,25 point de PIB en moyenne sur deux années consécutives. Notre avis porte uniquement sur le solde structurel, c'est-à-dire le solde des administrations publiques corrigé des effets liés à la conjoncture économique.

L'analyse de ces données présente cette année une particularité en raison du changement de base auquel l'INSEE a procédé à l'occasion de la publication des comptes nationaux, le 15 mai 2014. Dans les documents publiés, ces comptes sont présentés selon les règles du nouveau système européen de comptabilité nationale, appelé « SEC 2010 », mais, pour qu'ils soient comparables aux prévisions de la loi de programmation du 31 décembre 2012, les résultats fournis par le Gouvernement dans l'article liminaire du projet de loi de règlement ont été convertis dans l'ancien système de comptes, dit « SEC 1995 ». Les écarts résultant de ces changements restent cependant limités pour l'année 2013.

À l'issue de son examen de l'article liminaire, le Haut Conseil a constaté que le solde structurel des administrations publiques s'établissait en 2013 à - 3,1 points de PIB, alors que la loi de programmation anticipait un solde structurel de - 1,6 point de PIB. Il en résulte une différence de 1,5 point, qui s'explique par deux séries de facteurs.

Une part – 0,6 point – provient de l'écart entre le solde structurel de l'année 2012, tel qu'il est estimé dans le projet de loi de règlement, et celui qui était prévu par la loi de programmation. Dans son avis sur le projet de loi de règlement de 2012, le Haut Conseil avait déjà identifié un écart de 0,3 point. Cet écart s'est accru en raison de la révision du solde structurel pour 2012 de - 3,9 à - 4,2 % dans le présent projet de loi de règlement.

La différence restante, de 0,9 point, s'explique par un ajustement structurel – en l'occurrence une amélioration du solde structurel – plus faible que celui prévu par la loi de programmation, et ce à la fois en recettes et en dépenses.

Pour 0,6 point, cela tient à une progression des recettes moins dynamique que prévu. La progression spontanée des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire leur évolution à législation constante, de 0,2 %, s'est révélée très inférieure à celle, de 1,1 %, du PIB en valeur, alors que la loi de programmation avait anticipé une croissance égale à celle du PIB. Ce constat vaut particulièrement pour les recettes fiscales de l'État, notamment les produits de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, ce qui explique l'écart sur les recettes à hauteur de 0,5 point. À cela s'ajoute un rendement des mesures nouvelles légèrement inférieur, de l'ordre de 0,1 point de PIB, à celui prévu par la loi de programmation ; le nombre de mesures nouvelles a pourtant été particulièrement élevé en 2013, correspondant, au total, à 1,4 point de PIB.

Ensuite, l'effort structurel de limitation des dépenses publiques a été plus faible de 0,3 point de PIB que ce qui était prévu par la loi de programmation. Si l'évolution des dépenses a été moins dynamique en valeur – 2,2 % contre 2,6 % –, en raison notamment de la forte baisse des charges d'intérêts, elle a été plus forte en volume – 1,4 % contre 0,8 % –, du fait d'une inflation nettement plus faible que prévu. Cette dépense en volume a ainsi augmenté au même rythme que le PIB potentiel, avec pour conséquence un effort structurel de limitation des dépenses proche de zéro.

L'écart de 1,5 point de PIB entre le solde structurel constaté en 2013 et celui prévu par la loi de programmation peut être qualifié, aux termes de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012, d'« important ». Il déclenche donc le mécanisme de correction.

La loi organique prévoit que, lorsque le Haut Conseil identifie un tel écart, le Gouvernement doit en exposer les raisons lors de l'examen du projet de loi de règlement, présenter des mesures de correction à l'occasion du rapport préalable au débat d'orientation sur les finances publiques, et tenir compte de cet écart au plus tard dans le prochain projet de loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale de l'année.

À la suite de ces constats, le Haut Conseil a formulé trois observations sur la trajectoire pluriannuelle des finances publiques telle qu'elle est envisagée par le Gouvernement à ce stade.

En premier lieu, la trajectoire présentée le mois dernier dans le programme de stabilité pour les années 2014 à 2017 diffère de celle qui figurait dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. Elle prévoit notamment, à partir de 2014, un redressement du solde structurel plus prononcé, anticipant ainsi en partie la correction de l'écart constaté en 2013. Toutefois, cette nouvelle trajectoire ne répond pas aux dispositions de l'article 5 de la loi de programmation, qui précise que les mesures de correction doivent permettre de retourner à la trajectoire de solde structurel prévu dans ladite loi de programmation dans un délai de deux ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle les écarts ont été constatés. L'ajustement supplémentaire prévu par le programme de stabilité ne permettrait pas en effet de rattraper la totalité de l'écart constaté depuis l'adoption de la loi de programmation. Il conduirait, compte tenu du nouvel écart constaté en 2013, à un solde structurel en 2016 dégradé de 1 point de PIB par rapport à celui de la loi de programmation. Il reporte de ce fait à 2017 l'objectif d'équilibre structurel.

La période qui s'ouvre sera consacrée à la préparation des prochains avis du Haut Conseil, qui porteront sur le projet de loi de finances rectificative et sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. Nous devrions être saisis de ces textes d'ici à la fin de la semaine, et nos avis seront connus le 11 juin. À cette occasion, nous aurons à apprécier les mesures de correction présentées par le Gouvernement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion