Je pense que c'est de nos échanges que naîtra la lumière car sans nier mon expérience personnelle en matière d'organisation de grands événements sportifs, tout ce que je pourrai vous dire n'est pas applicable au projet qui vous intéresse aujourd'hui. Étant entendu que je ne peux que faire référence aux grands événements sportifs, il est incontestable que la France est regardée par les autres pays, éventuellement concurrents dans les processus de candidature, comme un pays qui sait organiser les grands événements de façon efficace et dans des conditions économiques satisfaisantes.
Les Jeux olympiques d'Albertville ont permis à la France de démontrer sa capacité, égale à celle de ses homologues, européens et non européens, d'organiser et d'accueillir dans de parfaites conditions les grands événements. Depuis 22 ans, à l'exception notable des Jeux olympiques d'été, la France a accueilli tous les grands événements sportifs mondiaux ou européens qu'elle pouvait accueillir. Si nous pouvons considérer que les Jeux olympiques d'été sont l'arbre qui cache la forêt, nous devons également dire que la France a emporté un grand nombre de candidatures parce qu'elle a su convaincre de sa capacité à organiser des événements de dimension mondiale : le Championnat du monde d'athlétisme, la Coupe du monde de ski, le Championnat du monde d'escrime, la Coupe du monde de football, ainsi que des événements sportifs de dimension européenne.
Il me paraît incontestable aujourd'hui que la France est regardée de l'extérieur comme un pays qui a du savoir-faire en matière d'organisation proprement dite, mais également parce qu'elle sait garantir un niveau de sécurité correspondant à l'attente des participants et des États. La sécurité d'un grand événement sportif repose sur l'équilibre entre la sécurisation des personnes et le caractère convivial et festif de l'événement. Je suis bien placé, en tant qu'ancien préfet, pour savoir combien il est difficile de trouver un équilibre entre la nécessité absolue d'assurer aux participants et aux spectateurs le niveau de sécurité qu'ils sont en droit d'attendre, et la nécessité, tout aussi indispensable, d'adapter le niveau de sécurité à l'événement, sachant que si 5 à 10 % de matchs risquent de poser des problèmes, 90 à 95 % des événements sont totalement paisibles. Trouver cet équilibre, la France sait le faire.
Ce que la France sait peut-être moins bien faire, d'une façon générale, c'est exploiter au mieux ces événements sur le plan économique. Fort de mon expérience d'une vingtaine d'année, j'ai la conviction que nous n'optimisons pas de façon satisfaisante avant, pendant et après, les retombées de ces événements. Pourquoi ? Probablement parce que nous manquons collectivement de la capacité d'anticipation et de la constance qui devrait prévaloir entre la préparation du dossier de candidature et le moment où prend fin l'aventure, ce qui peut durer une dizaine d'années. Pour des raisons politiques, économiques, culturelles, sociales, nous n'avons jamais réussi à prendre dès le départ les dispositions nécessaires pour qu'au-delà de la réussite de l'événement proprement dit, il devienne le projet de la France. Et les choses ne s'améliorent pas au fil du temps puisque je retrouve dans l'organisation de l'Euro 2016 les manques que j'avais constatés en 1998.
De la même manière, je trouve regrettable qu'il n'existe pas en France un outil économique pérenne permettant de mesurer les retombées, positives et négatives, de ces événements.
S'agissant de l'autre sujet communément abordé en matière d'organisation de grands événements, à savoir la capacité de lobbying de la France, mon avis est extrêmement mesuré car en la matière les situations sont tellement différentes, dans le seul domaine du sport, qu'il est difficile d'en tirer un enseignement général. Comparons les Jeux olympiques d'été et l'Euro 2016. La décision de l'implantation des Jeux olympiques d'été appartient aux 104 membres du Comité international olympique (CIO), tandis que pour l'Euro 2016 devaient voter les 16 membres du comité exécutif de l'UEFA. Trois d'entre eux ayant été frappés d'interdiction de vote – Platini, le président de la Fédération italienne et le président de la Fédération turque – nous avons eu 13 personnes à convaincre. Ce n'est pas du tout le même travail. Mon expérience ne me permet pas de juger et je ne me hasarderai pas sur le terrain de la capacité de la France en matière de lobbying. D'autres sont mieux placés que moi pour se prononcer sur ce sujet.