Intervention de Dr Patrick Hertgen

Réunion du 27 mai 2014 à 9h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Dr Patrick Hertgen, vice-président chargé du secours d'urgence aux personnes et du service de santé et de secours médical de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France :

Il me semble utile d'apporter quelques précisions après ce qui vient d'être dit. Je ne m'appesantirai pas sur le dernier argument, selon lequel les interventions des pompiers seraient onéreuses parce que leurs moyens surabondants déséquilibreraient le coût de ces interventions. Je rappelle que l'ensemble des services d'incendie et de secours, pour toutes leurs missions, représente 4 milliards d'euros, à comparer aux 4 milliards d'euros que représentent également les seuls transports de patients. Il ne me semble pas qu'on puisse faire aux sapeurs-pompiers le procès de coûter trop cher à ce titre. Si notre mission n'est pas de faire du transport sanitaire, nous n'entendons pas que le service de secours public aux personnes soit privatisé. Chacun doit rester sur le champ de sa mission, là où il est pertinent et il convient de s'y tenir. Nous n'entendons pas devenir un opérateur de transport sanitaire, mais nous n'entendons pas que ces missions de secours puissent être privatisées et faire l'objet d'une délégation de service public. Ce n'est pas le modèle français de la sécurité civile et ce serait fragiliser son édifice. Les sapeurs-pompiers sont les garants de la péréquation territoriale. Les soins et les secours sont distribués facilement dans les zones densément peuplées, mais beaucoup moins dans les zones qui le sont moins, comme la montagne… Le délai moyen d'intervention des sapeurs-pompiers est de 12 minutes 32 secondes en France métropolitaine, maintenir la péréquation ville-campagne suppose qu'il n'y ait pas de démembrement de leurs fonctions. La Fédération des sapeurs-pompiers est fortement opposée à l'idée que la partie secours devienne une mosaïque dont chaque acteur prélèverait une pièce au gré des territoires les plus rentables. Ce coeur de métier, le secours, doit rester un service public assurant sa continuité sur tout le territoire.

Cela ne signifie pas que les transporteurs sanitaires n'ont pas de rôle dans l'urgence. Mais, dès lors qu'il s'agit d'apporter une mission de secours, qui n'est pas exactement le sauvetage − éteindre les flammes et écarter les tôles − mais une action urgente, cela nécessite un substrat technique un peu plus important. Toutes les ambulances ne sont pas les équivalents techniques de VSAV et ne peuvent être affectées aux mêmes missions.

Sur les plateformes communes, j'aurais souhaité entendre des arguments plus convaincants. Notre activité, j'en suis d'accord avec le docteur François Braun, manque d'évaluation qualitative ou bien les évaluations sont peu publiées. Il serait pertinent pour tous les services que soit évaluée l'efficience de nos dispositifs, de la régulation médicale, des secours distribués. Or, il n'est aujourd'hui procédé qu'à une analyse quantitative du nombre d'interventions.

Je le répète, nous sommes favorables à ces plateformes parce que nous pensons qu'elles facilitent l'interopérabilité des acteurs. Mais ce n'est pas une condition suffisante. Il faut qu'une doctrine commune soit trouvée. Un mot sur l'Indre : la situation serait excellente parce qu'il n'y a que quatre carences par mois. Mais c'est dans l'Indre que l'on retrouve cette situation de confusion entre le service public de secours et le transport sanitaire. Les sapeurs-pompiers de l'Indre se plaignent, non parce qu'ils n'interviennent pas en situation de carence, mais parce qu'ils constatent que les missions de secours sont effectuées par un acteur privé, ce qui fragilise la péréquation territoriale.

Sur la part des missions de sapeurs-pompiers effectuées à domicile alors qu'elles ne sont pas médicalisées qui a été relevée par un représentant des transporteurs sanitaires, je ferai remarquer que sur 3 millions d'intervention de secours aux personnes, 750 000 missions d'urgence sont qualifiées de porteuses de détresse vitale à domicile. Elles correspondent, pour 5 % d'entre elles, à des patients décédés, 20 % sont médicalisées et ont fait l'objet d'un renfort avec un service médical d'urgence et de réanimation. Sur les 75 % restant, 10 % des patients sont maintenus à domicile et les autres, soit 65 %, sont conduits à l'hôpital. Ce poste d'intervention est celui qui a connu la plus forte croissance entre 2012 et 2013, puisqu'elle a atteint 18 %. Cette augmentation n'est pas due à un intérêt économique des sapeurs-pompiers, les services d'incendie et de secours connaissant déjà en 2012 des difficultés budgétaires, ni au référentiel et au départ réflexe qui créerait une inflation d'activité : le référentiel est applicable depuis 2009. Elle est probablement due à cette zone grise d'intervention pour laquelle la frontière entre transport sanitaire et mission de secours n'est pas clairement établie et pour laquelle nous ne sommes pas les seuls prescripteurs. Au sens administratif du terme comme le remarquait le docteur François Braun, les SAMU, qui nous demandent d'intervenir, sont des prescripteurs des sapeurs-pompiers, même si ce n'est pas au sens de l'assurance maladie. Et quotidiennement, nous sommes sollicités par les SAMU pour intervenir sur cette zone grise et non pas de notre propre initiative. Nous aimerions diminuer notre activité sur ce point-là. Nous ne sommes pas dans une logique inflationniste et nous n'y avons pas intérêt.

Enfin en matière de formation, les sapeurs-pompiers ne sont pas uniquement formés à sauvegarder la vie. Le différentiel de formation des professionnels du secours que sont les sapeurs-pompiers n'est pas si important avec les professionnels de santé que sont les transporteurs sanitaires.

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