Intervention de Matthias Fekl

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 15h00
Suspension des poursuites engagées par le parquet de paris contre m. henri guaino — Discussion d'une proposition de résolution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMatthias Fekl, rapporteur de la commission chargée de l’application de l’article 26 de la constitution :

Mais aujourd’hui, aucune envolée, aucune invocation, aucune emphase – à supposer qu’il y en ait au cours de nos débats de ce jour – ne doit nous détourner de ce point fondamental.

La commission a placé ses travaux dans les pas d’une « jurisprudence » – le terme est impropre – désormais bien établie par les assemblées en matière d’immunité. Suivant en cela les principes arrêtés par le bureau de notre assemblée, lorsqu’il est saisi de demandes de levée d’immunité, la commission a veillé à assurer l’équilibre qui doit être impérativement préservé entre deux objectifs contradictoires : sauvegarder l’indépendance des parlementaires, afin d’éviter qu’ils ne soient victimes de poursuites qui les empêchent d’exercer leur mandat parlementaire dans de bonnes conditions ; maintenir l’égalité de tous les citoyens devant la loi, en limitant au strict nécessaire la prérogative que constitue l’immunité parlementaire.

Je me permets de citer à cet effet les propos de René Capitant, rapporteur en 1963 de la première proposition de résolution tendant à la suspension des poursuites déposée sous la Ve République : « Le rôle de l’Assemblée n’est pas d’arrêter le cours de la justice, mais seulement de le suspendre…, et encore sous réserve que le trouble apporté à l’ordre public par cette suspension ne soit pas tel qu’il l’emporte sur l’atteinte à la souveraineté nationale résultant des poursuites intentées contre un membre du Parlement ».

S’agissant de la première considération, à savoir le fait que M. Guaino serait empêché d’exercer son mandat dans de bonnes conditions, il apparaît que ni la lecture de la proposition de résolution ni l’audition de son auteur par la commission – au cours de laquelle M. Guaino a été interrogé sur ce sujet – n’ont permis d’identifier une quelconque entrave à l’exercice du mandat parlementaire. D’après les informations que nous avons pu avoir, la première convocation par le juge aurait lieu au mois d’octobre, alors même que M. Guaino, dans le cadre de la présente procédure, nous invite à faire cesser les poursuites jusqu’au 30 juin.

D’ici à la fin du mois de juin, aucun élément concret caractérisant les poursuites n’est prévu. Au vu de ces éléments, il est évident que rien ne permet d’étayer la thèse d’une entrave à l’exercice du mandat parlementaire de M. Guaino.

La demande de suspension de poursuites nous semble donc juridiquement infondée. Pour ce seul motif déjà, je vous propose de la rejeter. En effet, si nous adoptions cette proposition de résolution, nous commettrions un détournement de procédure juridiquement injustifiable.

J’ajoute que nous ferions aussi preuve d’une immense irresponsabilité politique, alors que notre pays traverse depuis plusieurs années une crise profonde. Une crise démocratique, une crise de confiance, une crise qui mine nos institutions et menace d’ébranler notre République.

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