Intervention de Henri Guaino

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 15h00
Suspension des poursuites engagées par le parquet de paris contre m. henri guaino — Discussion d'une proposition de résolution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Guaino :

Trouvez-vous cela normal, chers collègues ? Telle est la seule question qui doive être posée. « Justice RPR ! » hurlait dans l’hémicycle l’un de nos collègues socialistes, qui siège encore parmi nous, comme avant lui on a crié sur les bancs de la droite : « Justice socialiste ! » – et comme on le criera encore après. Philippe Séguin, alors Président de cette assemblée, n’avait pas hésité à déclarer : « Cette condamnation est démesurée ». Et Pierre Mazeaud, président de la commission des lois, avait dit ceci : « Cette peine d’inéligibilité est choquante ». Je rappellerai aussi bien les réactions suscitées à droite lors de la condamnation en première instance d’Alain Juppé à une peine d’inéligibilité, elle aussi démesurée, de dix ans !

Je voudrais pourtant vous faire entendre une autre voix, un autre jour de polémique judiciaire : « Cour de cassation ou pas, toute institution démocratique peut être critiquée ». Ces mots sont de Simone Veil. Commentant cette phrase, Daniel Soulez-Larivière écrit : « Elle ouvre sur l’idée que les juges ne doivent pas avoir le cuir trop sensible, et qu’ils ne peuvent échapper au débat démocratique qui, par définition, est rude ». Qu’il soit rude, nous le savons bien, les uns et les autres.

Bien sûr, il y a la loi sur l’outrage et celle sur le discrédit jeté sur une décision de justice. Je ne résiste pas à la tentation de vous citer quelques mots prononcés par un grand républicain, Jules Favre, devant le corps législatif en 1863 : « L’outrage est un délit dont la définition est impossible. On sent l’outrage. Quant à le caractériser, cela est impossible. Cette définition ne peut être l’oeuvre d’un jurisconsulte ou d’un législateur ; aussi le législateur s’en tire en ne donnant pas de définition ». Cela n’a pas changé. Un siècle et demi plus tard, toujours pas de définition. Pas de définition non plus pour le discrédit, délit plus récent. Pas de définition : c’est-à-dire le flou, donc l’arbitraire.

Je ne résiste pas non plus à citer de nouveau ce juge anglais de la Cour européenne des droits de l’homme, qui écrit à propos de ce délit que le droit britannique baptise le contempt of court : « Nous n’utilisons jamais cette notion pour défendre notre propre dignité. Celle-ci doit reposer sur des fondements plus sûrs. Nous ne nous en servons pas non plus pour faire taire ceux qui nous critiquent. Nous ne les craignons pas et ne leur en tenons pas rigueur. En effet, l’enjeu est autrement plus important, puisqu’il s’agit de rien moins que la liberté d’expression ». Nulle guerre donc entre les pouvoirs ! L’enjeu est autrement plus important qu’un enjeu de pouvoir : il ne s’agit de rien moins que de la liberté d’expression.

Faut-il encore rappeler à chacun le souvenir de Zola traîné en cours d’assises…

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