Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 15h00
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Il faut au moins rendre cette justice à M. Fenech qu’il a respecté la forme de l’exercice, ce qui n’est pas toujours le cas, et pas seulement dans cette législature.

M. Fenech a pris le soin de détailler les raisons pour lesquelles, à ses yeux, non seulement il n’y avait pas de novation particulière dans ce texte et il n’était pas utile de légiférer mais, en plus, il comportait des risques importants d’inconstitutionnalité. Contrairement à notre rapporteur, mais cela ne le surprendra pas, et contrairement à vous, madame la garde des sceaux, mais cela ne vous surprendra pas non plus, je trouve que son argumentation a tout de même été convaincante.

Personne ici n’est opposé au fait de ne pas vouloir enfermer en prison des gens qui n’ont rien à y faire. Je l’ai rappelé en commission, c’est un souci constant et nous avons des échanges réguliers avec M. Raimbourg sur les conditions de détention ou les prisons, tout le monde le sait.

Le problème, comme cela a également été rappelé en commission, c’est de trouver l’équilibre entre ce qui doit relever de la force symbolique et donc collective de la loi et de la peine, d’un côté, et, de l’autre, la prise en compte des situations individuelles. Notre sentiment, c’est que vous allez trop loin dans la prise en compte des situations individuelles, au point que vous finissez par affaiblir la force de la loi, l’image de la peine, l’ordre général de la sanction.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, quelque chose qui nous a un peu surpris. Selon ce vieux principe du droit romain, nul ne doit ignorer la loi. Évidemment, si les 63 millions de Français connaissaient toutes les lois auxquelles ils sont soumis, ce serait une forme d’exploit et même un record du monde sans précédent, et tel n’est pas le cas. On ne demande pas que la loi soit connue, on demande qu’elle soit claire pour que l’on puisse précisément la connaître. Que celui qui commet un délit ou un crime se contrefiche de la sanction qu’il va encourir, on peut volontiers l’entendre. Cela justifie-t-il pour autant que la loi perde de sa clarté parce que cela n’aurait pas d’importance ? Évidemment pas. Je sais bien que ce n’est pas ce que vous avez dit mais reconnaissez que, si l’on tirait un peu sur le fil, on pourrait arriver assez rapidement à cette conclusion.

À partir du moment où la contrainte pénale telle que vous l’envisagez dans ce texte n’offre pas la clarté suffisante sur le contenu et les modalités d’exécution des peines qu’encourent les délinquants ou les criminels, le système, comme l’a expliqué M. Fenech, comporte des risques d’inconstitutionnalité sur l’égalité des citoyens devant la loi, le principe de légalité et l’exigence que nous devons avoir d’écrire la loi de manière claire. C’est là encore l’une des compétences constitutionnelles de notre Parlement.

En dehors des très bonnes objections de fond, sur lesquelles nous reviendrons dans les quelques heures que nous allons passer ensemble au fil des articles, M. Fenech a suffisamment montré, je le répète, l’inutilité de légiférer sur ce sujet et de cette façon et les risques d’inconstitutionnalité que comporte ce texte. Pour ces deux raisons, le groupe UMP votera cette motion de rejet.

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