Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 15h00
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

…cette fameuse lettre qui vous gêne et qu’il avait adressée à François Hollande quand il s’opposait, l’été dernier, à cette réforme pénale. Il écrivait alors – je le cite avec beaucoup de plaisir : « Nous ne pouvons totalement ignorer la question du dimensionnement du parc immobilier pénitentiaire. » Soulignant que « nous disposons de 57 235 places de prison », Manuel Valls ajoutait que « l’Espagne compte presque 76 000 places de prison pour une population d’un peu moins de 50 millions d’habitants, le Royaume-Uni environ 96 200 pour une population identique à la nôtre ». Voilà la réalité sur cette question de la politique carcérale et de la lutte nécessaire contre la surpopulation carcérale.

Votre politique pénale, qui sous-tend ce projet de loi, procède donc d’une lourde erreur d’analyse. Vous considérez que la surpopulation carcérale n’existe qu’en raison de la trop grande sévérité des magistrats et du code pénal, sans vous interroger sur le sous-dimensionnement structurel de notre parc pénitentiaire. Ce n’est pas à la loi pénale de se soumettre aux contingences matérielles, mais votre projet procède très exactement du raisonnement inverse. Ce sont en réalité aux contingences matérielles de s’adapter à l’application souveraine de la loi pénale, aux jugements prononcés par les tribunaux souverains qui se prononcent au nom du peuple français. La décision des tribunaux ne peut être contrainte, limitée, déconstruite pour de simples considérations matérielles.

Les Français attendent aujourd’hui des responsables publics qu’ils mettent fin à cette forme d’hypocrisie qui consiste à légitimer des aménagements de peine systématiques, voire quasi automatiques, ou à laisser les condamnés à de courtes peines en toute liberté pour compenser la faiblesse de nos capacités carcérales.

C’est d’ailleurs là que peut le plus s’apprécier l’ampleur du divorce entre le virtuel et le réel : la vérité du système pénal n’est plus seulement aujourd’hui dans son moment judiciaire, mais surtout dans son moment pénitentiaire. On disait sous l’Ancien Régime : « Les peines sont arbitraires en ce royaume. » On pourrait malheureusement dire aujourd’hui : « Les peines sont virtuelles en cette République. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion