Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 15h00
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

…des personnes qui ont des profils et une dangerosité différents. Nous proposions par ailleurs la création d’une peine de service citoyen, avec un encadrement de type militaire, pour les mineurs récidivistes, mais là aussi, madame la ministre, vous avez mis un terme à ce dispositif. Nous proposions également la limitation des pouvoirs du juge de l’application des peines au profit de ceux du parquet, qui deviendrait ainsi pleinement responsable de toute la chaîne de l’exécution des peines. Sur ce dernier point, je note, et Georges Fenech en a fait une éclatante démonstration, que la constitutionnalité du rôle du juge de l’application des peines dans votre texte est éminemment contestable. En effet, plusieurs éminents juristes ont souligné que le projet de loi lui confie le pouvoir non seulement de constater un éventuel manquement à la peine de probation, mais aussi de décider de l’opportunité ou pas de le sanctionner. Autrement dit, ce juge qui est censé ne veiller qu’à l’exécution des peines va se retrouver doté de pouvoirs de poursuite au même titre qu’un procureur. En outre, en cas de non-respect de la peine de probation, le juge de l’application des peines pourra renforcer l’intensité du suivi ou compléter les obligations ou les interdictions auxquelles le condamné est astreint. Ainsi, il disposera également, contrairement à ce que vous avez prétendu, d’un pouvoir de jugement, ce qui constitue un cumul de fonctions contraire à notre Constitution, contraire à toute la jurisprudence.

Au total, madame la ministre, vous allez porter atteinte par ce dispositif à trois principes juridiques fondamentaux : celui du non bis in idem, selon lequel on ne juge pas deux fois pour les mêmes faits ; celui du principe de l’interdiction des peines indéterminées ; enfin, celui de l’égalité des citoyens devant la loi pénale.

Madame la garde des sceaux, vous avez proposé en commission des lois que l’efficacité des dispositions du texte soit mesurée au bout de trois ans – J’ai même compris que vous aviez trouvé sur ce point un compromis assez chaotique entre l’amendement de Mme Capdevielle et la position du Premier ministre. Les Français, qui vont faire quotidiennement pendant ces trois ans les frais de votre réforme, n’attendront pas aussi longtemps !

Pour toutes ces raisons, ce texte doit donc être retiré. À tout le moins, il doit être soumis, pour examen complémentaire, à l’avis et aux expertises d’institutions qui n’ont pas été amenées à se prononcer jusqu’alors. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’adopter cette motion de renvoi en commission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion