Ensuite, la suppression des révocations automatiques des sursis renforce ce principe d’individualisation des peines. Jusqu’à présent, les sursis étaient révoqués automatiquement du fait du prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme sanctionnant un nouveau délit commis dans le délai de cinq ans après le prononcé du sursis. Cette automaticité pouvait se déclencher sans que la personne condamnée, voire sans que la juridiction de jugement en ait connaissance. Désormais, avec l’article 6 du projet de loi, la juridiction prononçant une peine de réclusion ou d’emprisonnement sans sursis aura la faculté, si elle l’estime nécessaire, de prononcer par décision spéciale la révocation totale ou partielle de chacun des sursis en cours.
La réforme introduit également une nouvelle forme d’ajournement de la peine destinée à permettre un complément d’enquête sur la personnalité de l’intéressé et sur sa situation matérielle, familiale et sociale. Nous soutenons cette césure du procès pénal, qui permet de renforcer la personnalisation de la peine. Cependant, on ne peut que s’interroger sur son efficacité concrète au regard de la charge des juridictions et du manque de moyens des services chargés des investigations.
S’agissant de la contrainte pénale, nous sommes favorables à la création de cette nouvelle peine en milieu ouvert qui, au côté des peines déjà existantes, permettra un suivi renforcé du condamné. Ce dernier sera soumis à des mesures de surveillance, des obligations et des interdictions : obligation de réparer le préjudice causé, d’exécuter un travail d’intérêt général, de respecter une injonction de soins, interdiction de rencontrer la victime ou d’aller dans certains lieux. Nous approuvons l’extension du champ d’application de cette mesure à tous les délits. Cela permettra d’enrichir l’éventail des solutions à la disposition des juridictions pénales, en leur donnant les moyens de prononcer la peine la plus adaptée à chaque condamné, conformément au principe d’individualisation des peines. De même, nous soutenons la possibilité pour le juge d’application des peines de convertir une peine d’emprisonnement d’une durée maximale d’un an en contrainte pénale, possibilité introduite en commission des lois. Mais j’insiste sur le fait que cette peine, plus contraignante que les peines probatoires existantes, puisqu’elle prévoit un suivi renforcé, à caractère régulier, nécessitera des moyens importants. Il faudra donc un personnel suffisamment nombreux pour la mettre en oeuvre dès le prononcé.
Autre avancée importante de cette réforme : afin de lutter contre les « sorties sèches », l’article 16 du projet de loi crée une nouvelle mesure de libération sous contrainte, laquelle garantira effectivement un retour progressif à la liberté et offrira à cette fin un suivi renforcé à l’issue de la détention. La situation des détenus condamnés à une peine inférieure ou égale à cinq ans fera obligatoirement l’objet d’un examen aux deux tiers de la peine. En fonction du résultat de cet examen et après avis de la commission d’application des peines, le juge décidera de la libération sous contrainte ou du maintien en détention.
Comme l’a souligné le Syndicat de la magistrature, l’examen automatique aux deux tiers de la peine aura aussi pour effet de retarder la possibilité pour les primo-délinquants d’obtenir un aménagement de peine. En effet, ces derniers peuvent actuellement obtenir un tel aménagement à la moitié de leur peine, contre les deux tiers pour les récidivistes. L’examen par la commission d’application des peines n’étant obligatoire qu’aux deux tiers de la peine pour tous, il est à craindre que les efforts des services d’insertion et de probation ne se concentrent que sur cet examen obligatoire et non sur les possibilités pour les primodélinquants d’obtenir un aménagement de peine dès qu’ils en auront effectué la moitié. Nous proposerons donc de ramener l’examen automatique à mi-peine.
De même, nous pensons que la procédure d’octroi de la libération sous contrainte devrait reposer sur un débat contradictoire.