Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Plutôt que de découdre chacune des réformes engagées par la précédente majorité, prenons le temps d’évaluer les effets à long terme de ces mesures sur la lutte contre la récidive ! À l’exception du rapport d’information sur la mise en application de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, présenté Guy Geoffroy et Christophe Caresche en décembre 2008, aucune évaluation précise n’a été menée. Il serait plus sage d’attendre au lieu de légiférer dans la précipitation.

Plus globalement, les dispositions de ce projet de loi vont à notre sens à l’encontre d’une nécessaire sanction et d’une indispensable réparation dans l’intérêt des victimes. Pour le groupe UDI, l’effectivité de l’exécution des peines est une priorité. L’exécution des peines doit être rapide, effective et lisible. De ces impératifs dépendent non seulement la crédibilité des institutions judiciaires mais également la confiance que chacun de nos concitoyens place en la justice de son pays.

Je salue à titre personnel la disposition introduite par notre rapporteur sur les bureaux d’exécution des peines, les BEX, qui avaient été créés par décret en 2004. Leur existence sera consacrée dans la loi, puisque vous leur offrez une place au sein du code de procédure pénale. Ils devront ainsi être institués dans tous les tribunaux.

Auteur d’un rapport d’information sur l’exécution des peines et la mise en place des BEX, j’avais moi-même insisté sur la nécessité de développer ce mode d’exécution des peines. Il présente l’avantage de créer un circuit court entre le prononcé des peines et leur exécution et il permet de donner du sens à la décision prononcée par le tribunal. Espérons cependant que la généralisation des BEX ne demeurera pas un voeu pieux.

Au-delà de cette mesure, force est de constater que ce projet de loi ne fait pas de l’exécution des peines sa priorité et nous le regrettons.

La protection du droit des victimes est une autre priorité. Certes, le texte pose quelques principes en la matière, mais je crois que les victimes attendaient davantage. Nous proposerons notamment, par voie d’amendement, de leur garantir le droit d’être informées et de placer la prise en compte du préjudice qu’elles ont subi au coeur de notre système judiciaire.

Au-delà de ces oppositions, qui relèvent d’une philosophie et d’une conception différente de notre société, nous tenons à souligner les lacunes de certaines dispositions de ce texte. La première est la création d’une procédure d’ajournement de la peine aux fins d’investigation sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale et sociale de l’intéressé. Cette procédure s’ajouterait à celles déjà existantes : l’ajournement simple, l’ajournement avec mise à l’épreuve et l’ajournement avec injonction. Elle risque de se confronter dans les faits à deux obstacles majeurs : la charge des juridictions, puisque deux audiences devront se tenir sur un même dossier, et les moyens des services chargés de ces investigations. En raison de sa complexité et des difficultés qu’elle comporte, cette procédure ne sera vraisemblablement jamais utilisée.

La procédure d’examen obligatoire par le juge d’application des peines de la situation des personnes condamnées à une peine de moins de cinq ans, quand elles ont déjà exécuté les deux tiers de leur peine, est également contestable. À la différence de la libération conditionnelle, qui exige du condamné qu’il remplisse certaines conditions et qu’il manifeste « des efforts sérieux de réadaptation sociale », le détenu est absent de la procédure de libération sous contrainte. La procédure ne prévoit pas la possibilité pour lui de faire valoir ses observations afin que le juge de l’application des peines puisse vérifier son adhésion au projet et adapter la mesure.

La contrainte pénale présente également à nos yeux de nombreux défauts. D’abord, elle ajoute de la complexité : le projet de loi crée un régime juridique nouveau qui devrait s’articuler difficilement avec les dispositifs existants, notamment le sursis avec mise à l’épreuve. En outre, on peut légitimement s’inquiéter du manque de prévisibilité des sanctions en cas de non-respect des obligations imposées, dans une procédure où le juge d’application des peines sera omniprésent.

Surtout, nous avons tous conscience que de telles dispositions ne seront réellement efficaces que si elles s’accompagnent de moyens à la hauteur des enjeux. Le Gouvernement a annoncé la création de mille emplois dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation entre 2014 et 2017 mais tout porte à croire que ce chiffre est insuffisant.

Enfin, le groupe UDI considère que les dysfonctionnements de la justice qui affectent en profondeur notre système pénal ne sauraient se résoudre par des améliorations à la marge et des réformes de procédure.

Nous sommes face au désarroi des professionnels devant un service public de la justice qui ne dispose plus des capacités d’absorption suffisantes pour répondre aux exigences d’une société en pleine judiciarisation. Nous sommes également face au désarroi de nos concitoyens devant une organisation de la justice complexe, illisible et source d’incompréhension. Enfin, nous sommes face au désarroi des justiciables, qui souffrent d’une réelle inégalité en matière d’accès au droit.

Le problème est de savoir comment réformer l’un des plus anciens services publics de l’État régalien. Comme nous l’avons fait en commission, nous vous proposons donc de réunir autour de la table l’ensemble des acteurs et intervenants, pour mettre en oeuvre un « Vendôme de la justice », sur le modèle du « Grenelle de l’environnement ». C’est la condition indispensable pour réconcilier les Français avec leur institution judiciaire. Faute de quoi, mes chers collègues, le groupe UDI votera contre ce texte.

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