Nous savons que la situation est intenable. Comme l’ont dit plusieurs orateurs, nous connaissons tous l’ampleur des besoins : travailler en prison, se former, soigner ses addictions. Telle est la réalité des courtes peines. La situation qui consiste à se débarrasser des petits délinquants récidivistes en les enfermant quelques mois est une impasse.
L’enfermement ne saurait être la réponse à toutes les délinquances. La prison doit être une réponse adaptée à des actes de délinquance proportionnés. Pour être utile, efficace, et permettre au délinquant de réfléchir à son acte et ne pas récidiver, la privation de liberté, qui est la peine la plus lourde, doit répondre à des délinquances qui méritent cette privation. La prison doit préparer la réinsertion et ne pas devenir, comme c’est le cas aujourd’hui, l’école de la récidive.
Cette situation est coûteuse pour toute la communauté : certes pour les victimes au premier chef, mais la prison coûte cher à la collectivité sans beaucoup de résultats. Le coût moyen de construction d’une place de prison ces dernières années est de l’ordre de 120 000 euros. Les coûts d’incarcération sont également élevés : 85 euros en maison d’arrêt, presque 100 euros en maison centrale. Entre 1999 et 2014, le poids de l’administration pénitentiaire est passé de 28 % à 42 % dans le budget total de la justice.
La prison coûte plus cher que les peines alternatives, qui sont plus efficaces pour éviter la récidive. Un placement en centre de semi-liberté coûte environ 60 euros et un placement à l’extérieur, avec une prise en charge du condamné par une association d’aide à la réinsertion, à environ 30 euros. Enfin, le coût d’une journée sous surveillance électronique est de l’ordre de 10 euros.
Il fallait donc agir, et c’est le sens des propositions de Mme la garde des sceaux. Que contient le présent texte qui justifierait tant d’amendements de l’opposition et une telle déferlante d’attaques où se mêlent mensonges, approximations et instrumentalisation des peurs ?
Une telle charge est surprenante, une telle violence déplacée car, pour reprendre les termes du président de la commission des lois, c’est un texte à l’ambition mesurée, aux dispositions modestes et à la vocation tempérée. Il ne concerne ni les crimes, ni les mineurs. Il se concentre uniquement sur les délits qui, je vous le concède, représentent la délinquance du quotidien, celle qui « pourrit » la vie des gens : les vols, les dégradations de véhicules, la consommation et le petit trafic de stupéfiants, les délits routiers.
Je me disais tout à l’heure que nous étions extrêmement sévères à l’égard de cette petite délinquance, et très tolérant envers d’autres formes. Au moment des débats qui ont entouré l’affaire dite Cahuzac, pas un seul parlementaire n’a demandé une peine de prison pour ce ministre en déchéance, alors même qu’il avait reconnu les faits. Et je pense que si les faits de double facturation se trouvent confirmés par l’enquête de police et par l’instruction, personne dans cet hémicycle ne demandera non plus de prison ferme. Pourtant, c’est bien ce que l’on réclame, et tout de suite, pour le voleur de portables ou pour le petit trafiquant de shit !