Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Il faut les protéger, car l’on s’y suicide plus qu’ailleurs. Il faut enfin, et bien sûr, assurer la protection des familles.

J’entends d’ici ceux qui considèrent qu’il n’est pas question de consacrer aux personnes qui sortent de prison des moyens supérieurs à ceux que reçoivent les personnes qui n’y sont jamais allées. C’est une vision totalement erronée. Que voulez-vous que fasse le détenu qui sort après plusieurs années d’emprisonnement, après avoir perdu famille et amis, sans point de chute et avec quelques sous en poche ? Il retombe très rapidement dans la délinquance.

La politique de lutte contre la récidive et d’individualisation des peines, ce n’est pas l’enfermement à tout prix, mais plutôt ce que j’appellerais « la prison sans les barreaux ». Il s’agit de trouver toutes les formes possibles de peines alternatives – de véritables peines – qui permettent d’éviter à certains de se rencontrer et de s’enfoncer dans la criminalité.

Madame la garde des sceaux, la priorité est de protéger la société. La prison est donc nécessaire car elle élimine pendant un certain temps les individus dangereux, il est indispensable de l’admettre. Oui, il y a en prison des fauves, qu’il faut soigner faute de quoi nous les relâchons dans la nature avec toutes les conséquences imaginables. Bien sûr, les victimes doivent être indemnisées et protégées d’un acte potentiel de vengeance, une fois le détenu sorti de prison.

Quelles sont les mesures phares de ce projet de loi ? D’abord, la contrainte pénale. Lors de mon premier mandat de député, je me rappelle avoir longuement discuté des problèmes de droit pénal sans jamais évoquer cette mesure, dont la paternité vous revient. On a pu estimer qu’elle était la clé de voûte du projet de loi, car elle fait figure de symbole.

La contrainte pénale est une peine, rappelons-le avec force, et non un simple aménagement. Elle permet de remplacer l’incarcération pour les délits sanctionnés d’une peine de moins de cinq ans.

La commission des lois a prévu de l’étendre à tous les délits. Je n’ai pas de conseils à vous donner, madame le garde des sceaux, mais il faut trouver un compromis sur ce point – je sais d’ailleurs qu’il se prépare – qui permette à chacun de s’y retrouver. Il serait plus simple d’appliquer la mesure à tous les délits, mais il est aussi indispensable de tenir compte de certaines lignes de force de notre société. C’est pourquoi le groupe RRDP, et en particulier son président Roger-Gérard Schwartzenberg, n’accepteront pas que l’on retienne la contrainte pénale pour tous les délits. La commission doit trouver une solution à la suite de l’énervement paroxystique de ces derniers jours.

Au titre de la contrainte pénale, le juge pourra prononcer une obligation de travail ou de résidence, ou des injonctions de soins, de stages ou encore de travaux d’intérêt général. Tout cela est très bien. Permettez-moi simplement une observation concernant le travail d’intérêt général : il n’est toujours pas entré dans la pratique de tous les magistrats, alors que c’est une excellente mesure. Dans la région que je représente, il y a à mon sens trop peu de travaux d’intérêt général. Il faut multiplier les réunions entre magistrats et associations d’élus, il faut faire en sorte que les procureurs et les magistrats proposent cette mesure, que les avocats eux-mêmes prennent l’initiative, et que l’intéressé accepte, évidemment, car il n’est pas question de travail forcé. Le travail d’intérêt général est conçu pour remplacer une sanction. Les juges d’application des peines pourront décider de son contenu, après avoir consulté les conseillers d’insertion et de probation. Si le condamné ne respecte pas ses obligations, il devra être incarcéré.

Il faut comprendre que la contrainte pénale est une chance, et non pas une aggravation de la peine ferme. Tout individu qui peut en bénéficier doit donc l’admettre comme telle, et s’il ne respecte pas ses obligations, alors la sanction doit tomber.

Il vous faudra des moyens, madame le garde des sceaux, nous en avons parlé. Vous les avez d’ailleurs obtenus, et je sais que vous vous battrez pour les conserver. Sans moyens consacrés au suivi, en effet, il sera extrêmement difficile d’appliquer la mesure.

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