Le deuxième chapitre du projet de loi concerne l’aménagement des peines. Il ne s’agit pas d’une libération automatique aux deux tiers de la peine, comme on a pu l’entendre, mais d’un examen obligatoire de la situation de chacun des détenus à ce moment. Voilà une excellente chose ! Tous ceux qui connaissent la situation des personnes incarcérées savent qu’un individu change, en prison : comment croire en effet que quelqu’un incarcéré en 2000 sera le même en 2014 ? C’est un autre homme ! Il est donc nécessaire de discuter avec lui et d’envisager ce qui peut être fait dès lors qu’il a effectué les deux tiers de sa peine, afin de voir si sa libération sous contrainte est opportune – il n’est évidemment pas question d’une obligation. Il faudra naturellement que les individus concernés soient suivis le mieux possible, en particulier en cas d’infractions sexuelles.
En revanche, je suis en désaccord avec vous, madame le garde des sceaux, concernant la loi Dati. Mme Dati n’était certes pas le plus grand ministre que l’on ait pu envisager, mais elle a au moins fait une excellente chose en portant de un à deux ans la possibilité d’aménagement des peines lorsque celles-ci étaient prononcées de manière ferme par les tribunaux. Il y a un très grand nombre de condamnations dans cette fourchette d’un à deux ans d’emprisonnement. Il ne s’agissait pas d’une obligation d’aménagement de la peine, mais d’une simple possibilité. Nous avons ramené ce seuil à un an pour faire la preuve que nous ne sommes pas laxistes : à mon sens, c’était inutile. Certes, le rapporteur a essayé de trouver une solution acceptable, tout en tenant compte de la situation des récidivistes. À titre personnel, et je le lui ai dit, je crois qu’il ne fallait pas changer la loi en vigueur actuellement et je défendrai des amendements en ce sens.
Troisième volet de la loi : la suppression des peines plancher. On a déjà dit tout et son contraire sur ces peines plancher, dont le principe consiste à s’attaquer aux récidivistes en alourdissant de facto les peines qu’ils encourent. Certes, les magistrats avaient la possibilité, par motivation spéciale, de ne pas les respecter. À cet égard, l’argumentation de M. le rapporteur est paradoxale : il y en aurait eu tellement peu qu’il ne serait pas la peine de les maintenir ! Je ne suis pas d’accord avec ce raisonnement. Ce n’est pas parce qu’elles ne sont pas assez efficaces qu’il faut les supprimer ! La droite nous proposera d’ailleurs, car c’est sa logique, des amendements pour les renforcer. Non, nous sommes là dans le symbole, dans la philosophie. Qu’on le veuille ou non, la peine plancher porte à l’automaticité de la peine, remet en cause l’individualisation de la peine. Je ne l’accepte pas, de même que je ne saurais accepter le caractère automatique d’un certain nombre de sanctions. Rappelons-nous la relégation : elle était automatique après sept condamnations. Cela a été l’un des progrès du droit pénal et de l’humanité que de renoncer à ces effets automatiques.
J’irai plus loin encore : je ne peux comprendre que l’on retire automatiquement le permis de conduire aux automobilistes qui ont perdu douze points sans examiner leur situation – c’est ce que l’on appelait jadis le « permis blanc ». Il faut systématiquement supprimer toute notion d’automaticité. Il peut certes y avoir automaticité si le magistrat estime qu’elle est la conséquence soit de l’infraction, soit de l’attitude de l’individu, mais il ne saurait y avoir d’automaticité sans motivation. Or, la notion même de peine plancher recèle ce caractère automatique, et je la conteste pleinement.
J’ai proposé la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs au profit de la justice pour les enfants, laquelle a démontré son efficacité et son sens de l’humain. Au contraire, je ne suis pas certain que les tribunaux correctionnels soient tout à fait efficaces.
J’en viens à la situation des femmes en prison : vous savez que c’est l’un des combats de ma vie. Je ne peux admettre que l’on traite de manière identique les hommes et les femmes en prison. Pourquoi ? Parce que la prison, comme le délit, est avant tout une affaire d’hommes.