Vous allez voir pourquoi, madame, n’ayez aucune crainte. Je vous admire, tout simplement, parce que vous présentez un projet de loi qui chamboule fondamentalement l’ordre judiciaire, tout au moins pénal, et ce, après deux ans de présence au Gouvernement.
Certains diront que vous faites la révolution, au terme d’un régime que d’aucuns qualifient de finissant et que, pour ma part, je dirai plutôt contesté. Il faut en effet avoir du courage pour présenter une telle réforme, une telle révolution.
Permettez à l’ancien combattant que je suis – l’ancien combattant de toutes les réformes de la justice – de vous en narrer quelques-unes.
J’ai connu la réforme Badinter – cela ne me rajeunit pas : M. Badinter détestait la prison, peut-être à juste titre, et il a fait en sorte, durant les quatre ans où il a été garde des sceaux, de mettre tout le monde dehors, y compris les terroristes. C’est un choix.
Ensuite, nous avons eu la réforme Arpaillange. M. Arpaillange détestait encore plus la détention et faisait en sorte que l’on n’y entre pas, y compris les terroristes.
Et puis il y a eu quelques réformettes de droite – j’en ai connu quelques-unes –, qui étaient en général une réaction par rapport à ce qu’avaient fait les socialistes. Parfois cela a été suivi d’effet, et parfois cela a fait « plouf ». On est allé jusqu’à la réforme Dati, qui était un peu votre précurseur, puisqu’elle avait fait également en sorte que l’on désengorge les prisons.
Finalement, cela fait trente ans de bazar institutionnel dans la justice.
Aussi je veux vous dire que je ne crois plus à rien dans ce domaine : je ne crois plus en aucune réforme, ni la vôtre, ni les précédentes, ni les prochaines. De ce côté-là, je suis tranquille.