Je ne crois, je le répète, en aucune réforme de la justice, que ce soit la vôtre, aujourd’hui, ou celles de vos successeurs.
Je dois toutefois reconnaître que vous avez l’imagination fertile. D’une part, vous supprimez la prison – c’est du moins ce que vous cherchez. D’autre part, vous créez un magistrat non identifié, que j’appelle le « MNI ». De qui s’agit-il ? De ce nouveau juge de l’application des peines. De fait, il est très extraordinaire et, à mon avis, le Conseil constitutionnel va y trouver quelque chose à redire.
En effet, ce nouveau juge, dont les attributions sont présentées aux articles 8 et 9 de votre projet de loi, s’apparente à la chauve-souris : « voyez mes ailes, je suis oiseau ; voyez mes poils, je suis souris ». Il va suivre la mesure d’exécution de la contrainte pénale – après tout, pourquoi pas, tel est son travail – mais il aura aussi un rôle de poursuite – ce qui est un peu nouveau : habituellement, c’était le procureur qui s’en chargeait – en saisissant le tribunal. Par ailleurs, il aura un rôle de « condamnant » à une peine de prison, si vous me passez l’expression.
Madame la garde des sceaux, je fais appel à votre bon sens et surtout à votre connaissance de la décision du Conseil constitutionnel de 2013 sur les tribunaux de commerce, qui a déclaré inconstitutionnelle la saisine d’office de ces juridictions. Je crois, madame, que vous devriez vous en inspirer : vous encourez en effet un grave risque d’inconstitutionnalité ; le Conseil constitutionnel, en effet, sanctionnera sans doute cette confusion des genres.
Autre risque, sans vouloir jouer les Cassandre : il y aura toujours un juge que l’on pourra qualifier d’imprudent, de progressiste ou d’incompétent – il y en a – qui, un jour, remettra en liberté, de manière intempestive, un individu qui n’aurait pas dû l’être et qui, bien évidemment, ira nous assassiner quelqu’un dans l’arrière-cour d’un immeuble.