Je tiens en premier lieu à saluer la méthode mise en oeuvre par Mme la garde des sceaux pour élaborer ce projet de loi, à savoir l’organisation d’une conférence de consensus sur la prévention de la récidive. Cette méthode inédite a permis une évaluation des dispositifs existants et l’élaboration d’un texte en se mettant à l’abri de l’idéologie – danger qui menace toujours en matière pénale –, avec pour premier objectif de mieux prévenir la récidive et de faire de la détention un temps utile consacré à la reconstruction.
Je salue aussi le travail mené par notre rapporteur, Dominique Raimbourg, qui a ajouté au projet de loi initial certaines dispositions dont le caractère impératif ressortait de l’étude d’impact.
Je salue enfin mes collègues de la commission des lois, parmi lesquelles Élisabeth Pochon, Colette Capdevielle et Marie-Anne Chapdelaine.
En encourageant les condamnations à l’emprisonnement, les politiques pénales ont conduit au phénomène de la surpopulation carcérale et à un taux de récidive qui nous contraint à réagir.
Comme le souligne l’étude d’impact de ce projet de loi, les délinquants majeurs sont condamnés à des peines de prison dans 94 % des cas ; 86 % de ces condamnations supposent un emprisonnement ferme. Encore ces chiffres ne concernent-ils que les délits.
Les lois promulguées depuis plus de dix ans ont eu pour effet le prononcé de peines d’emprisonnement, contribuant ainsi à la surpopulation carcérale. Ce faisant, les centres pénitentiaires, censés être des lieux de réinsertion, sont devenus les terreaux de la criminalité, comme le démontrent les chiffres de la récidive. Pourtant, l’écrasante majorité des détenus a vocation à revenir vivre au sein de la société. Il est donc essentiel que la prison soit un lieu permettant la réinsertion.
Une croyance populaire veut qu’une personne condamnée à de la prison n’ait jamais vocation à en sortir et qu’il l’ait bien mérité. C’est faux. La tragédie de Bruxelles constitue, hélas ! le dernier avatar de cette chimère. En effet, l’homme arrêté à Marseille vendredi dernier, dont tout indique qu’il est l’auteur des crimes perpétrés à Bruxelles le samedi 24 mai, a déjà été condamné à de multiples reprises pour avoir commis des vols aggravés. Il a été incarcéré au sein de divers centres pénitentiaires entre 2007 et 2012. En décembre 2012, à sa sortie de prison, la logique de notre système pénal aurait voulu qu’il cherche à se réinsérer et que, après avoir passé cinq ans de sa jeunesse entre les murs d’une cellule, il cherche à rattraper le temps perdu. Alors qu’il n’était qu’un délinquant de droit commun, il s’est radicalisé au cours de sa détention. La prison peut être, pour certains, l’école du crime et, pour d’autres, celle de l’endoctrinement.
Le projet de loi dont nous commençons aujourd’hui la discussion tire les leçons du passé. En l’occurrence, il dresse un constat d’échec de notre politique pénale s’agissant des délits en général et de la récidive en particulier. Ce texte concerne uniquement les délits et non les crimes, n’en déplaise aux quelques élus et associations qui ont intérêt à entretenir grossièrement la confusion sur ce point.
Ce projet de loi redonne de la cohérence au code pénal et au code de procédure pénale. Il réaffirme le principe de l’individualisation des peines et inscrit les droits dont est titulaire toute personne victime d’une infraction.
Cette loi abroge les peines plancher en ce qui concerne la récidive légale. De fait, ces peines étaient en contradiction totale avec le principe d’individualisation des peines.
Elle organise un système permettant de prendre en compte la personnalité de la personne condamnée, au niveau tant de la définition de la peine que de l’accompagnement de la sortie de prison des détenus, et ce pour coller le plus possible au principe cardinal de personnalisation de la peine.
Ce texte définit d’ailleurs, ce qui est salutaire, les finalités et fonctions d’une peine de prison. Cette loi prévoit aussi la création d’une peine nouvelle, la contrainte pénale, qui tire les leçons de nos échecs passés et modernise le dispositif pénal.
La contrainte pénale ne s’applique qu’aux délits et doit s’adresser prioritairement aux délinquants qui, compte tenu des faits commis, peuvent le plus facilement être réinsérés au sein de la société. Elle permet d’éviter la déconnexion avec la vie réelle que provoque la prison. Ce maintien du lien entre le condamné et la société est garanti par un large éventail de prescriptions auxquelles le détenu devra se soumettre. Ainsi, il pourra être contraint de réparer le préjudice qu’il a fait subir à la victime, de se soumettre à des soins, ou encore de suivre une formation. L’addiction à la drogue ou à l’alcool constitue-t-elle un délit utilement réparé par la prison ? La question ne se pose même pas.
Toutefois, cette peine n’est pas un signe de laxisme envoyé aux délinquants. Elle n’est pas, tant s’en faut, un parcours de santé pour le condamné ; c’est une astreinte à de sévères obligations, durant une longue période, et ce sous peine d’alourdissement des obligations, voire d’emprisonnement. C’est une punition utile.
Évidemment, l’emprisonnement reste au coeur de la politique pénale. Cela dit, l’incarcération ne constitue pas toujours la meilleure solution. Comme le soulignait Beccaria, « l’un des plus grands freins opposés aux délits, c’est non pas la rigueur des peines, mais l’infaillibilité de celles-ci ». Gageons qu’avec la contrainte pénale – entre autres –, le système pénal tende vers l’infaillibilité des peines.
Enfin, je tiens à mettre au crédit de notre ministre de la justice sa volonté de rassembler justice, police et pénitentiaire dans la mission de service public que constitue la réponse à la transgression. Nous l’avons constatée hier dans la loi relative à la garde à vue ; nous nous en réjouissons dans le présent texte.