Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée débute aujourd’hui l’examen du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines.
Avant tout chose, permettez-moi une remarque sur les conditions dans lesquelles nous sommes appelés à débattre. Alors que nous abordons une question majeure pour l’avenir de la justice française – il vous a d’ailleurs fallu deux ans pour préparer cette réforme –, le Gouvernement a choisi d’engager la procédure accélérée, ce qui témoigne d’un profond mépris envers le débat parlementaire et, de ce fait, de la représentation nationale. Sans doute est-ce une façon d’évacuer un dossier dont la sensibilité risquerait d’écorner à nouveau la majorité. Quoi qu’il en soit, le fait d’engager la procédure accélérée sur un texte aussi important me semble maladroit.
Ce texte, comme l’ont déjà dit plusieurs orateurs, est idéologique. Les dispositions qu’il contient inquiètent les Français et les professionnels de la justice. En effet, bien que son titre affiche l’ambition de « lutter contre la récidive », cette future loi ne fera, en réalité, que favoriser le sentiment d’impunité des récidivistes. Et pour cause : il incarne l’idéologie selon laquelle la prison est le principal facteur de récidive. Par conséquent, il faudrait faire sortir les détenus de prison et éviter par principe de recourir à l’incarcération.
Force est de constater que la France est en situation de surpopulation carcérale. On ne peut en aucun cas le nier. Je dirais d’ailleurs, pour ma part, que notre pays est plutôt en situation de sous-équipement carcéral.
Au 1er septembre 2013, la France comptait plus de 67 000 personnes incarcérées, soit un taux d’occupation supérieur à 115 %. Remédier à cette situation est donc une nécessité. Alain Marsaud a évoqué tout à l’heure les nombreux débats auxquels il a participé sur des textes concernant le domaine judiciaire. En ce qui me concerne, je me souviens des réformes pénitentiaires. M. Chalandon avait lancé un plan visant à créer 15 000 places de prison, aboli par la gauche – en l’occurrence par M. Arpaillange –, dès son retour au pouvoir.
La loi du 27 mars 2012 de programmation pour l’exécution des peines, initiée par l’ancienne majorité, avait permis de prendre des mesures pour augmenter le nombre de places de prison. En effet, le problème tient avant tout au manque de places. Selon les dernières statistiques pénales publiées par le Conseil de l’Europe, la France affiche un taux d’incarcération de 117 personnes pour 100 000 habitants, contre une moyenne de 149 dans les pays membres de l’organisation. Nous sommes donc bien en dessous de la moyenne des pays du Conseil de l’Europe.
Si vous me permettez cette comparaison, que se passe-t-il quand une école est surpeuplée ? On ne dit pas aux élèves : « Il y a 20 % d’élèves de trop, allez donc dans la rue et nous verrons un jour comment vous scolariser. » Dans ce cas, la collectivité publique fait l’effort de construire une école. En matière carcérale, vous nous proposez une tout autre logique, qui consiste à vider les prisons pour régler le problème de surpopulation, lequel est en réalité, je le répète, un problème de sous-équipement.
À travers le présent projet de loi, le Gouvernement entend remédier à la surpopulation carcérale en se contentant de réduire le nombre de détenus. Je ne pense pas que vider les prisons soit une solution. En effet, nous sommes déjà loin du tout carcéral : seules 17 % des condamnations pénales prévoient de la prison ferme.
Tout au contraire, il est nécessaire de faire preuve de la fermeté la plus totale à l’encontre des délinquants et des récidivistes, qui constituent une menace pour la société. Je pense donc qu’il faut plutôt avoir le courage de faire l’effort financier de construire des prisons.
J’en viens au contenu même du projet de loi et aux risques qu’il emporte.
Dès l’article 1er, le Gouvernement se refuse à sanctionner par la prison. En effet, son intention est de ne pas punir le délinquant, mais de le rééduquer. La future loi met ainsi sur le même plan l’objectif de sanctionner le condamné et celui de favoriser sa réinsertion. L’intention semble bonne, mais, comme chacun le sait, le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions.