Intervention de Charles de La Verpillière

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de La Verpillière :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, ce texte va priver les sanctions pénales de leur caractère dissuasif et accroître le sentiment d’impunité des auteurs de délits. Au final, l’affaiblissement de la répression se traduira inévitablement par une augmentation de la délinquance.

Plus précisément, votre projet a pour seuls buts de diminuer le nombre d’entrées en prison et d’accélérer les sorties. Les mécanismes que vous mettez en place à cette fin ont été longuement détaillés par les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune. Je rappellerai donc brièvement les principales mesures.

Premièrement, vous supprimez les peines plancher pour les récidivistes. Elles avaient, à vos yeux, le tort d’avoir été instituées par la précédente majorité.

Ensuite, vous instituez une nouvelle peine, la contrainte pénale, dont le contenu sera précisé par le juge de l’application des peines alors que la juridiction de jugement n’en aura institué que le principe.

Troisièmement, vous supprimez la révocation automatique du sursis en cas de nouvelle condamnation alors que chacun sait que la crainte de perdre le bénéfice du sursis est très dissuasive à l’endroit des personnes déjà condamnées et qui seraient tentées de récidiver.

Quatrième mesure, que M. Mariani vient de détailler : dès qu’un délinquant aura accompli les deux tiers de sa peine d’emprisonnement, il pourra bénéficier d’un aménagement et d’une sortie encadrée, ce qui sera même possible dès qu’il aura effectué la moitié de sa peine compte tenu des réductions automatiques.

Vous êtes donc, madame le garde des sceaux, par principe, par idéologie, hostile à l’emprisonnement. Nous sommes au contraire convaincus que la crainte de l’emprisonnement présente un effet dissuasif sur les personnes susceptibles de verser dans la délinquance. Il nous paraît également évident que l’enfermement des délinquants protège la société, particulièrement les victimes. Nous sommes, en un mot, partisans d’une politique pénale plus sévère et plus ferme.

Nous ne pouvons pas non plus vous suivre, madame le garde des sceaux, lorsque vous prétendez que la politique pénale de la précédente majorité se serait limitée au tout carcéral. Les statistiques prouvent le contraire : la France a un taux de 117 personnes sous écrou pour 100 000 habitants, contre une moyenne de 149,9 dans les pays du Conseil de l’Europe.

La surpopulation carcérale n’est pas davantage un argument en faveur de votre réforme. C’est vrai, il y avait 14 141 détenus en surnombre au 1er avril 2014, mais ce n’est pas la sévérité des tribunaux qui est en cause, c’est le nombre insuffisant de places de prison. La France compte 87 places de prison pour 100 000 habitants, contre 146 pour 100 000 habitants, en moyenne, dans les pays du Conseil de l’Europe. La solution serait donc de construire des prisons. Vous avez au contraire réduit drastiquement le programme immobilier que la précédente majorité avait prévu. Seules 2 582 places seront construites entre 2014 et 2016.

En conclusion, madame le garde des sceaux, aucun argument objectif ne peut justifier le laxisme de votre politique pénale tel que le traduit ce projet de loi. Votre politique pénale est toute entière dictée par votre obsession de détruire ce que la précédente majorité a réalisé. Le Gouvernement cherche aussi à rassembler sa majorité sur un projet clivant alors que, vote après vote, des députés de gauche de plus en plus nombreux ont fait défection ces dernières semaines.

Enfin, madame le garde des sceaux, il n’est pas interdit de penser que ce projet de loi est peut-être le chant du cygne de votre passage au ministère de la justice. Pour notre part, notre vote sera dicté par un constat simple mais accablant : votre projet aura des effets désastreux pour la sécurité des personnes et des biens dans notre pays. Nous voterons donc contre.

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