Sans doute. Oublier de marcher sur ses deux jambes, faire preuve d’hémiplégie, comme disait Raymond Aron, n’est pas une bonne politique, madame le garde des sceaux.
Vous ne vous posez pas les bonnes questions. Peut-être quelques majorités précédentes ne se les sont-elles pas posées davantage mais manifestement, vous vous trompez sur ce que doit être la peine, et ce que doit être la prison.
La dernière loi de finance fut l’occasion d’un débat parlementaire assez riche, en particulier suite au rapport de Sébastien Huyghe, qui démontrait qu’en prison, aujourd’hui, les règlements intérieurs ne sont pas respectés et que la réinsertion y est difficile en raison des zones de non droit. Il faudrait aujourd’hui se pencher sur cette question pour mettre fin à ce laxisme et empêcher la récidive et la réitération.
Par ailleurs, certains détenus n’ont pas mérité d’être en prison, simplement parce qu’ils sont touchés par une forme de folie. Nous savons tous qu’un certain nombre de détenus sont atteints de syndromes psychiques et qu’il serait préférable de donner les moyens d’ouvrir des places en hôpitaux psychiatriques plutôt que de mettre ces personnes en prison. C’est le traitement que nous avons trouvé, peut-être collectivement, quelles que soient les majorités, mais ce n’est pas le bon.
Enfin, cela a été dit, vous créez la contrainte pénale parce que vous ne souhaitez pas poursuivre la politique pénitentiaire de l’ancienne majorité. Dans un éclair de lucidité – et il y en a eu si peu ! – M. le rapporteur a tout de même prononcé une phrase qui me touche personnellement et à laquelle je ne peux que souscrire : il a reconnu que l’important était l’efficacité de la peine.
Il a raison, mais rien ne prédit, dans ce texte, que les peines seront prononcées plus rapidement et seront plus efficaces. Nous aurons, mes collègues et moi, l’occasion de revenir plus longuement sur la contrainte pénale, dont nous considérons qu’il s’agit d’une mauvaise mesure. S’agissant des agents de probation, le compte n’y est pas, madame la garde des sceaux. La loi de finances et vos propos tenus lors de votre récente audition par la commission des lois laissent apparaître que les agents de probation ne sont pas en nombre suffisant pour accomplir normalement et correctement leur travail. Plutôt que de rendre les peines plus efficaces, vous allez encombrer le dispositif.
J’ai déposé plusieurs amendements qui répondent à une conviction profonde : en France, le problème de la sécurité et de la délinquance n’est pas tellement lié aux forces de l’ordre, aux policiers ou aux gendarmes, mais plutôt à la réponse pénale qui y est apportée. Or vous aggravez ce système. Vous considérez que, depuis dix ans, les peines plancher n’ont pas particulièrement permis d’enrayer la délinquance, ce qui n’est pas tout à fait juste ! Mais qu’avez-vous fait depuis deux ans ?
Comme cela a été rappelé, des instructions ont été données sans texte de loi aux tribunaux et aux forces de police et de gendarmerie pour ne pas intervenir et, parfois, pour ne pas condamner. Prenons l’exemple d’actes de délinquance quotidiens qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. Dans ma commune de Tourcoing, des rodéos de quads ou de motos sont quotidiennement organisés, ce qui est totalement délétère pour le pacte républicain puisque cela donne le sentiment que tout le monde peut faire n’importe quoi sur la voie publique. Ce sont des infractions extrêmement graves qui peuvent parfois coûter la vie de personnes, et notamment d’enfants, qui traversent la rue.
M. le ministre de l’intérieur donne comme instruction, dans sa circulaire, de ne pas intervenir de peur de créer des émeutes urbaines en cas d’arrestations ! Avant de créer des postes d’agents de probation, peut-être conviendrait-il d’appliquer les lois de la République et de ne pas craindre que les forces de l’ordre fassent leur travail. L’opposition défendra des amendements tout à fait constructifs. J’en présenterai, avec plusieurs collègues, quelques-uns qui auront notamment trait aux travaux d’intérêt général, à la contrainte par corps, parce que ceux qui ne s’acquittent pas de leur dû doivent pourtant payer leur dette à la société, ou à la suspension des allocations familiales en cas de non-respect du devoir de parentalité. Nous déposerons prochainement une proposition de loi en ce sens.
Madame la garde des sceaux, comme cela a été dit, vous allez ouvrir une boîte de Pandore. Je reprendrai, pour conclure, la phrase de Bossuet : « Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».